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vres de la république & dans ses livres de Politique, des sociétes, & des gouvernemens, de communautés, de villes, d’états, de républiques : des loix, des délibérations, de l’autorité, de la paix, de la guerre, des séditions, des finances, du commerce, des arts, des devoirs, du mari, de la femme, du père, des enfans, des domestiques, des citoyens, sans oublier rien de ce qui regarde la vie civile ou la vie privée. Sa politique est fondée à-peu-près sur les mêmes principes que celle de Platon, mais elle paroît plus ample, plus méthodique, plus exacte, & en général, mieux proportionnée à la constitution des choses humaines. Elle n’est pourtant pas complette ni sans défauts. Il y a bien des choses traitées fort légèrement & d’une manière assez confuse.

Ainsi la morale d’Aristote est peu (1) différente de celle de Platon pour les principes. Car ils conviennent d’une fin dernière de l’homme, du moyen d’y parvenir, qui est la vertu ils distinguent l’un & l’autre les vertus & les définissent en général de la même manière. La différence qu’il peut y avoir, est que la morale d’Aristote est trop humaine, & trop renfermée dans les bornes de cette vie, il ne propose presque point d’autre félicité à l’homme que celle de la vie civile. La morale de Platon est (2) plus noble & plus relevée c’est une préparation à une vie plus pure & plus parfaite.

Mais après tout ce que dit Platon de la beauté de la vertu, & de la laideur du vice, des peines & des récompenses, des bonnes & des mauvaises actions, il le dit moins en philosophe qu’en déclamateur : il suppose les choses, sans les prouver : il veut plaire à l’esprit, sans se soucier de le convaincre. Au lieu qu’Aristote n’avance rien qu’il n’établisse : avant que de parler de la dernière fin, il prouve qu’il y en a une : il examine en quoi elle consiste, & il ne dit son sentiment qu’après avoir réfuté les sentimens des autres.

En général, ce philosophe laisse échapper dans cet ouvrage de certaines étincelles de lumière, & des traits de bon sens qui en rendent la lecture très-utile & très-instructive.

Comme, par exemple quand il distingue dans l’idée qu’il donne du magnanime, le vrai brave d’avec le faux, en ce que le premier ne s’expose jamais aux grands périls que pour de grandes

(1) Idem fons utrique eadem rerum expetendarum fugiendarumque partitio. Cic. I. Quaest. acad. (l’homme n’a qu’une fin en deux parties ; ce qu’il faut c’est repèrer la division et l’éviter).

(2) Plato Aristotele divinior in moralibus. Corp. in Alcin. (En matière de morales, Platon est plus divin qu’Aristote).

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choses comme pour sa gloire pour la patrie ; pour son prince, pour ses amis & il ne s’y expose jamais qu’avec bien de la prudence & de la circonspection. Le faux brave, au contraire, s’expose à tout ce qui a de l’apparence de péril, pour peu de chose, inconsidérément & sans précaution ainsi ce n’est toujours qu’un fanfaron & non pas un vrai brave.

Il dit ailleurs que la pudeur qui peut être une vertu dans un jeune homme, est un défaut dans un vieillard parce qu’elle ne peut avoir d’excuse raisonnable que par l’ignorance, qui est honteuse dans une personne âgée & quoique la pudeur serve de frein à l’impudence qui est un vice, néanmoins toute pudeur qu’elle est, ce n’est pas une vertu.

Il enseigne au quatrième livre que la colère qui peut être une vertu dans un soldat, est un vice dans un capitaine. L’un agit de la tête, l’autre de la main ; la colère aide au second, & nuit au premier, & cette passion ne doit servir à celui qui commande que d’un supplément à l’autorité. Il ajoute au même lieu que la colère est une passion moins injuste que l’incontinence parce que la colère suit toujours quelque apparence de raison, l’incontinence ne la connoît pas même. Il dit que la colère d’un homme sage est pire que celle d’un fou : comme la fureur d’une bête est moins dangereuse que celle d’un homme, parce que celle d’une bête est sans principe sans méthode & sans dessein.

Il propose sur la fin du second livre, une règle admirable de la manière dont il faut juger de ces choses, qui deviennent quelquefois dangereuses, parce qu’elle sont trop agréables. Cette règle est prise sur l’exemple du conseil que tint priam dans l’Iliade d’Homère, quand on délibéra sur ce qu’il falloit faire d’Hélène, lorsque la ville de Troie fut assiégée par les grecs. Le conseil loua la beauté de cette princesse sans s’y laisser surprendre & il ordonna qu’elle fut renvoyée en son pays sans en être touché. C’est ainsi dit Aristote qu’il faut juger du plaisir sans exposer son intégrité, en se laissant corrompre : & c’est ainsi qu’il faut y renoncer, sans même le ressentir, ce qui est un des grands écueils de la vie. Car il est assez difficile à l’homme de n’être pas sensible au plaisir, dont l’attrait est si puissant et si irrésistible.

Il dit au commencement du troisième livre, que dans les délibérations de morale, rien n’est d’ordinaire plus embarrassant, que le discernement juste qu’il faut faire de deux biens utiles ou de deux biens honnêtes, pour suivre l’un plutôt que l’autre. Comme, par exemple,

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