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avoir inventé la musique, & l’autre pour avoir eu le secret de travailler le fer & l’airain : peut-être ces deux hommes ne firent-ils que perfectionner ce qu’on avoit trouvé avant eux. Mais je veux qu’ils aient été inventeurs de ces arts, qu’en peut-on conclure pour la philosophie ? Ne sait-on pas que c’est au hasard que nous devons la plupart des arts utiles à la société ? Ce que fait la philosophie, c’est de raisonner sur le génie qu’elle y remarque, après qu’ils ont été découverts. Il est heureux pour nous que le hasard ait prévenu nos besoins, & qu’il n’ait presque rien laissé à faire à la philosophie. On ne rencontre pas plus de philosophie dans la branche de Seth que dans celle de Caïn : on y voit des hommes à la vérité qui conservent la connoissance du vrai Dieu, & le dépôt des traditions primitives, qui s’occupent de choses sérieuses & folides, comme de l’agriculture & de la garde des troupeaux : mais on n’y voit point de philosophes. C’est donc inutilement qu’on cherche l’origine & les commencemens de la philosophie dans les temps qui ont précédé le déluge. Voyez Philosophie.

ARA


ARABES. (État de la philosophie chez les anciens arabes).

Après les chaldéens, les perses & les indiens, vient la nation des arabes, que les anciens historiens nous représentent comme fort attachée à la philosophie, & comme s’étant distinguée dans tous les temps par la subtilité de son esprit ; mais tout ce qu’ils nous disent paroît fort incertain. Je ne nie pas que depuis l’Islamisme, l’érudition & l’étude de la philosophie n’aient été extrêmement en honneur chez ces peuples ; mais cela n’a lieu & n’entre que dans l’histoire de la philosophie du moyen âge. Aussi nous proposons-nous d’en traiter au long, quand nous y serons parvenus. Maintenant nous n’avons à parler que de la philosophie des anciens habitans de l’Arabie heureuse.

Il y a des savans qui veulent que ces peuples se soient livrés aux spéculations philosophiques ; & pour prouver leur opinion, ils imaginent des systêmes qu’ils leur attribuent, & font venir à leur secours la religion des zabiens, qu’ils prétendent être le fruit de la philosophie :

Tout ce qu’ils disent n’a pour appui que des raisonnemens & des conjectures : mais que prouve-t-on par des raisonnemens & des conjectures, quand il faut des témoignages ?

Ceux qui sont dans cette persuasion que la philosophie a été cultivée par les anciens arabes, sont obligés de convenir eux-mêmes, que les grecs n’avoient aucune connoissance de ce fait. Que dis-je ? Ils les regardoient comme des peuples barbares & ignorans, & qui n’avoient aucune teinture des lettres.

Les écrivains arabes, si on en croit Abulfarage, disent eux-mêmes qu’avant l’islamisme, ils étoient plongés dans la plus profonde ignorance. Mais ces raisons ne sont pas assez fortes pour leur faire changer de sentiment sur cette philosophie qu’ils attribuent aux anciens arabes. Le mépris des grecs pour cette nation, disent-ils, ne prouve que leur orgueil & non la barbarie des arabes ? Mais enfin, quels mémoires peuvent-ils nous produire & quels auteurs peuvent-ils nous citer en faveur de l’érudition & de la philosophie des premiers arabes ? Ils conviennent avec Abulfarage qu’ils n’en ont point. C’est donc bien gratuitement qu’ils en font des gens lettrés & adonnés à la philosophie.

Celui qui s’est le plus signalé dans cette dispute, & qui a plus à cœur la gloire des anciens arabes, c’est Joseph Pierre Ludewig.

D’abord il commence par nous opposer Pythagore qui, au rapport de Porphyre, dans le voyage littéraire qu’il avoit entrepris, fit l’honneur aux arabes de passer chez eux, de s’y arrêter quelque temps, & d’apprendre de leurs philosophes la divination par le vol & par le chant des oiseaux, espèce de divination où les arabes excelloient. Moyse lui-même, cet homme instruit dans toute la sagesse des égyptiens, quand il fut obligé de quitter ce royaume, ne choisit-il pas pour le lieu de son exil l’Arabie préférablement aux autres pays ? Or, qui pourra s’imaginer que ce législateur des hébreux se fût retiré chez les arabes, si ce peuple avoit été grossier, stupide, ignorant ? leur origne d’ailleurs ne laisse aucun doute sur la culture de leur esprit. Ils se glorifient de descendre d’Abraham, à qui l’on ne peut refuser la gloire d’avoir été un grand philosophe. Par quelle étrange fatalité auroient-ils laissé éteindre dans la suite des temps ces premières étincelles de l’esprit philosophique, qu’ils avoient hérité d’Abraham, leur père commun ?

Mais ce qui paroît plus fort que tout cela est que les livres saints pour relever la sagesse de Salomon, mettent en opposition avec elle la sagesse des orientaux : or, ces orientaux n’étoient autres que les arabes. C’est de cette même Arabie que la reine de Saba vint pour admirer la sagesse de ce philosophe couronné ; c’est l’opinion constante de tous les savans.

On pourroit prouver aussi par d’excellentes raisons, que les mages venus d’orient pour adorer le messie, étoient arabes. Enfin, Abulfarage est obligé de convenir qu’avant l’Islamime même, à qui l’on doit dans ce pays la renaissance des