Jentatives, nous en avons vu naître tontes nos
idées 8c-toutes les opérations de Tentendement :
si nòus les considérons
comme agréables ou désagréables
3 nous en verrons naître
toutes les
opérations qu’on rapporte à la volonté.
. Quoique,
par souffrir,
on entende proprement
éprouver une sensation désagréable,
il est certain
que la privation
d’une sensation agréable est
une souffrance plus ou moins grande. Mais il faut
remarquer qu’être privé & manquer ne signifient
pas la même chose. On peut n’avoir jamais joui
•des choses dont on manque ; on peut même ne
les pas connoître.
II en est tout autrement dés
choses dont nous sommes privés : non-feulement
nous les connoissons,
mais encore nous sommes
dans Thabitude d’en jouir,
ou du moins d’ima-
.ginèt le plaisir que la jouissance peut promettre.
Or une pareille privation
est une souffrance ,
-
qu’on nomme plus particulièrement
besoin. Avoir
besoin d’une chose,
c’est souffrir parce qu’on
,
en est privé.
Cette souffrance , dans son plus foible degré,
est moins urie douleur
qu’un état où nous ne
nous trouvons pas bien, où nous ne sommes pas
.
à notre aise : je nomme cet état mal-aise.
Le mal - aise nous porte à nous donner des
mouvemens pour nous procurer la chose dont
nous avons besoin. Nous ne pouvons donc pas
• rester dans un parfait
repos ; tk, par cette raison ,
le mal-aise prend- le nom d’inquiétude. Plus
. nous trouvons
d’obstacles à jouir , plus notre
inquiétude
croît ; & cet état peut devenir un-
•
tourment.
Le besoin ne trouble
notre repos ou ne produit
Tinquiétude,
que parce qu’il détermine les
facultés du corps 8c de Tame fur les objets dont
la privation nous fait souffrir. Nous nous retraçons
le plaisir qu’ils nous ont fait : la réflexion
nous fait juger de celui qu’ils peuvent nous faire
.encore : Timagination
Texagère ; 8c pour jouir,
nous nous donnons
tous les mouvemens
dont
.nous sommes capables.
Toutes
nos facultés se
.
dirigent donc sur les objets dont nous sentons
Te besoiiij tk cette direction
est proprement
ce
que nous entendons par désir.
Comme il est naturel de se faire une habitude
de jouir des choses agréables , il est naturel aussi
de se faire une habitude de les désirer ; tk les
.
désirs tournés en habitudes , se nomment paffions.
De pareils désirs sont en quelque sorte perma-
. liens ; ou du moins , s’ils se suspendent par intervalles,
ils se renouvellent à la plus légère occasion.
Plus ils sont vifs, plus les passions sont violentes.
Si, lorsque
nous desirons une chose , nous
jugeons que nous Tob’tiendrons,
alors ce juge-
.ment joint au désir,
produit Tespérance.
Un
autre jugement produira
la volonté : c’est celui
que nous portons , lorsque Texpérience
nous a
fait une habitude de juger,
que nous ne devons
trouver
aucuft obstacle à nos désirs. Je veux signifie
je désire, & rien ne peut s’opposer k mon désir ;
tout y doit concourir. .
Telle est au propre Tacception
du mot volonté.
Mais on est dans Tusage de lui donner une signification
plus étendue,
tk Ton entend par
vo-
lonté 3 une faculté qui comprend toutes les habitudes
qui naissent du besoin,
les dé*sirs, les
passions, Tespérance,
le désespoir,
la crainte,
la confiance , la présomption
, 8c plusieurs autres
dont il est facile de se faire des idées.
Enfin , le mot pensée , plus général encore ,
comprend dans son acception
toutes les facultés
de Tentendement & toutes celles de la volonté.
Car penser c’est sentir, donner son attention ,
comparer,
juger,
réfléchir,
imaginer,
raisonner,
désirer, avoir des passions, espérer, craindre ,
tkc.
NOUS avons expliqué comment les facultés de
Tame naissent successivement de la sensation ; 8c
on voit qu’elles ne sont que la sensation qui se
transforme , pour devenir chacune d’elles.
Dans la seconde partie de cet ouvrage , nous
nous proposons de découvrir tout Tartifice du
raisonnement. II s’agit donc de nous préparer à
cette recherche ; 8c nous nous y préparerons en
essayant de raisonner sur une matière qui est simple
8c facile , quoiqu’on
soit porté à en juger
autrement,
quand on pense aux efforts qu’on a
faits jusqu’à présent, pour Texpliquer
toujours
fort mal. Ce fera le sujet du chapitre suivant.
Des causes de la sensibilité & de la mémoire.
II. n’est pas possible d’expliquer
en détail toutes
les causes physiques de la sensibilité 8c de la
mémoire.
Mais au lieu de raisonner d’après de
fausses hypothèses , on pourroit
consulter Texpérience
8c Tanalogie. Expliquons
ce qu’on peut
expliquer ; 8c ne nous piquons pas de rendre raison
de tout.
Les uns se représentent
les nerfs comme des
cordes tendues,
capables d’ébranlemens
&de
vibrations ; tk ils croient avoir deviné la cause
des sensations tk de la mémoire. II’est évident
que cette supposition
est tout-à -fait imaginaire.
D’aUtres disent que le cerveau est une substance
molle,
dans laquelle les. esprits animaux
font des traces. Ces traces se conservent
- les
esprits animaux passent 8c repassent ; Tanimal est doué de sentiment tk de mémoire. Ils n’ont pas fait attention que si la substance du cerveau est assez molle pour recevoir des tracés, elle n’aura pas assez de consistance pour les conserver ; 8c ils n’ont pas considéré combien il est impossible qu’une infinité de traces subsistent dans une substance où il y a une action, une circulation con- tinuelles. C’est en jugeant des nerfs par les cordes d’un instrument, qu’on a imaginé la première hypo-