Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/681

Cette page n’a pas encore été corrigée

654 LOG LOG


semblent être décousus 8c détachés les uns des autres : ils se suivent à la vérité, mais fans que nous remarquions la moindre liaison entr’eux : nous les voyons, pour ainsi dire, en conjonction, mais jamais en connexité. Enfin, comme nous ne pouvons nous former aucune idée de choses qui n’ont jamais affecté ni nos sens internes ni notre sentiment intérieur, il paroît inévitable de conclure que nous manquons absolument de foute idée de connexion ou de pouvoir, 8c que ces termes ne signifient rien, soit qu’on les emploie dans les spéculations philosophiques, soit qu’on en fasse usage dans la vie commune. _ Cependant il nous reste un moyen d’éviter cette conclusion ; 8c ce moyen découle d’une source que nous n’avons pas encore examiné. Un objet ou un événement naturel étant donné , l’esprit du monde le plus pénétrant ne sauroit découvrir ni conjecturer même ce qui en résultera ; il ne peut, en un mot, porter sa vue audelà de ce qui est présent à ses sens ou à fa mémoire- Supposé même que, dans un seul cas, Texpérience nous ait montré un événement à la fuite d’un autre événement, cela ne nous donnerait aucun droit de former une règle générale pour prédire çe qui doit arriver dans d’autres cas semblables. On taxerait avec raison de témérité 8c de précipitation impardonnable celui qui prétendrait juger du cours entier de la nature d’après un simple échantillon, quelqu’exact 8c quelque súr qu’il pût être. Mais dès que des événemens d’une certaine espèce ont été toujours & dans tous les cas apperçus ensemble, nous ne faisons plus le moindre scrupule de présager l’un à la vue de l’autre ; 8c nous donnons pleine carrière à ce raisonnement, qui peut seul nous certifier les choses de fait ou d’existence. Alors nommant l’un de ces objets cause, 8c l’autre effet, nous les supposons dans un état de connexion ; nous donnons au premier un pouvoir par lequel le second est infailliblement produit, une force qui opçre avec la certitude la plus grande 8c avec la nécessité la plus inévitable. On voit donc qu’un grand nombre de cas siV milaires, dans lesquels les événemens sont constamment en conjonction , fait ici ce qu’un seul de ces cas ne pourroit faire, fous quelque jour ou dans qHelqueposition qu’on Tenvúageât, c’est de nous donner Tidée d’une liaison nécessaire. Mais tous ees cas étant supposés parfaitement semblables, en quoi diffère leur pluralité de chacun d’eux pris en particulierl Toute la différence consiste en ce que la répétition fréquente des cas similaires fait naître Thabitude de concevoir les événemens dans leur ordre habituel, 8c, dès que l’un existe, persuade que l’autre existera. Cette liaison que nous sentons, cette transition habituelle qui fait passer Timagination de Tobjet qui précède à celui qui a coutume de suivre, est <dí)nc le seul sentiment, la seule impression d’après laquelle nous formons Tidée de pouvoir ótì • de liaison nécessaire. C’est-là tout le mystère. Contemplez ce sujet par toutes ses faces, je vous défie de trouver une autre origine que celle-ci. II n’y a que ce caractère pour distinguer un seul cas particulier 8c détaché, qui ne peut jamais suggérer Tidée d’une connexion , d’une collection de cas similaires qui nous la procure. La première foisque Ton voit le mouvement communiqué par Timpulsion , par exemple, dans le choc de deux billes fur le billard, on peut dire que ces deux évé¬nemens sont conjoints", mais on n’oserait pro* noncer qu’ils soient connexes : cette dernière asV scrtion ne sauroit avoir lieu qu’après avoir observé plusieurs exemples de même nature. Or quel changement est-il arrivé qui ait pu susciter cette nouvelle idée, je dis Tidée de connexion ?, Tout se réduit à ce que Ton sent actuellement ces événemens liés dans Timagination, 8c que Ton peut prédire le second à Tapparition du premier. Autant de fois que nous parlons d’une liaison d’objets, nous n’entendons que cette liaison mentale , d’où naissent les inductions, 8c par laquelle ses objets se prêtent des preuves réci-ï proques de leur existence ; conclusion un peu extraordinaire, je Tavoue, mais qui paroît très-évidente : 8c son évidence a ceci de particulier qu’elle subsisterait dans toute fa force, dût même la défiance universelle 8c le soupçon sceptique se répandre sur toutes les autres conclusions qui sont neuves 8c singulières ; car rien ne peut être plus agréable au scepticisme que de découvrir la toi— bleiie 8c les bornes étroites de la raison 8c de la, capacité humaine. Y a-t -il en effet un exemple plus frappant de. Tignorance 8c de la surprenante foibleísede Tentendement humain ì Assurément, s’il y a entre les objets un rapport dont il nous importe d’être^ instruits , c’est celui de cause 8c d’effet : c’est fur lui que sont fondés tous-nos raisonnemens quant aux choses de fait 8c d’existence ; c’est par lui que nous nous assurons uniquement des objets qui font hors de Tempire des sens 8c de la mémoire : Tufage immédiat que nous retirons de toutes nos connoissances, c’est d’apprendre à diriger les événemens futurs conformément à leurs causes. Nos pensées & nos recherches rou-r lent donc à chaque moment fur ce rapport ^cependant telle est Tiiriperfection des idées que nous en avons, qu’il est impossible de bien dé» finir ce que c’est que cause, sans emprunter cette définition de quelque chose d’étranger au sujet. Les objets similaires sont toujours joints à des objets similaires ; première, expérience qui nous sert à découvrir la cause : un objet tellement suivi d’un autre objet que tous les objets semblables au pre*. mier soient suivis â’objets semblables au second. La vue d’une cause conduit Tame , par son passage’ habituel, à l’idée de Teffet} seconde expérience qui