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que l’effet ; 3°. ce que c’est que cause ; 4°. ce que c’est que cause efficiente, & proprement dite.

Il est vrai que dans les choses matérielles & en certaines circonstances, je puis me donner une idée assez juste de ce que c’est que produire quelque chose & en être la cause efficiente, en me disant que c’est communiquer de sa propre substance à un être censé nouveau. Ainsi la terre produit de l’herbe qui n’est que la substance de la terre, avec un surcroît ou changement de modifications pour la figure, la couleur, la flexibilité, Sec.

En ce sens là je comprends ce que c’est que produire ; j’entendrai avec la même facilité ce que c’est qu’effet, en^disant que c’est l’être dont la substance a été tirée de celle d’un autre avec de nouvelles modifications, ou circonstances ; car, s’il ne survenoit point de nouvelles modifications, la substance communiquée ne différerait plus de celle qui communique.

Quand une substance communique ainsi à une autre quelque chose de ce qu’elle est, nous disons qu’elle agit : mais nous ne laissons pas de dire qu’un être agit en bien d’autres conjonctures, où nous ne voyons point qu’une substance communique rien de ce qu’elle est.

Qu’une pierre se détache du haut d’une roche, & que dans fa chute elle pousse une autre pierre qui commence de la sorte à descendre, nous disons que la première pierre agit sur la seconde : lui a-telle pour cela rien communiqué de sapropre substance ? c’est, dira-t-on, le mouvement de la première qui s’est communiqué à la seconde ; Sc c’est par cette communication dé mouvement que la première pierre est dite agir ? Voilà encore de ces discours où l’on croit s’entendre, Sc où certainement on ne s’entend point assez ; car enfin comment le mouvement de la première pierre se communique t il à la seconde, s’il ne sc communique rien de la substance de la pierre ? C’est comme si l’on disoit que la rondeur d’un globe peut se communiquer à une autre substance, sans qu’il sc communique rien de la substance du globe. Le mouvement est-il autre chose qu’un pur mode ? Se un.mode est — il réellement & physiquement autre chose que la substance dont il est mode ?

De plus, quand ce que j’appelle en moi mon ame ou mon esprit ; de non pensant ou de non voulant à l’égard de tel objet, devient pensant ou voulant à l’égard de cet obiet ; alors d’une commune voix il est dit agir. Cependant & la pensée & la volition, n’étant que les modes de mon esprit, n’en sont pas une substance distinguée : & par cet endroit encote agir n’est point communiquer une partie de ce qu’est une substance à une autre substance.

De même encore si nous considérons Dieu en tant qu’ayant été éternellement le seul être, il se trouva par fa volonté avec d’autres êtres que lui, qui surent nommés créatures & nous disons encore


par là que Dieu a agi ; dans cette action ce n est point non plus, la substance dé Dieu qui devint partie de la substance des créatures. On voit par ces différens exemples que le mot agir ; forme, des idées entièrement différentes : ce qui est tresremarquable.

Dans le premier, agir signifie seulement ce qui sc passe quand un corps en mouvement rencontre un second corps, lequel, à cette occasion, est, mis en mouvement, tandis que le premier cessé’d’être en mouvement, ou dans un si grand mouvement.

Dans le second, agir signifie ce qui se passe en moi, quand mon ame prend une des deux modifications dont je sens par expérience qu’elle est susceptible, Scqui s’appelle penséeou volition.

Dans le troisième, agir signifie ce qui arrive, quand, en conséquence de la volonté de Dieu, il se fait quelque chose hors de lui ; Or ences trois exemples, le mot agir exprime trois idées tellement différentes, qu’il ne s’y trouve aucun rapport, sinon vague Scindéterminé, comme il est aisé de le voir.

Certainement les philosophes, & en particulier les métaphysiciens demeurent ici en beau chemin. Je ne les vois parler ou disputer que d’agir & d’action ; & dans aucun d’eux, pas même dans M. Locke, qui a voulu pénétrer jusqu’aux derniers replis de l’entendement humain, je ne trouve point qu’ils aient pensé nulle part à exposer ce que c’est qu’agir.

Pour résultat des discussions précédentes, disons ce que l’on peut répondre d’intelligible à la question. Qu’est-ce qu’agir ? Je dis que par rapport aux créatures, agir est engénéral, la disposition d’un être en tant que, par son entremise, il arrive actuellement quelquechangementy car il est impossible de concevoir qu’il arrive naturellement du changement dans la nature, que ce ne soit par un être qui agisse ; Se nul être créé n’agit qu’il n’arrive du changement, ou dans lui-même, ou au dehors.

On dira qu’il s’ensuivrait que la plume dont j’écris actuellement devrait être censée agir, puisque c’est par son entremise qu’il se fait du changement sur ce papier, qui de non écrit devient écrit. A quoi je réponds, que c’est de quoi les philosophes doivent convenir, dès qu’ils donnent à ma plume en certaine occasion le nom de causeinstrumentale ; car si elle est cause, elle a un effet, Se tout ce qui a un effet agit.

Je dis plus : ma plume en cette occasion agit aussi réellement Se aussi formellement qu’un.feu souterrain, qui produit un tremblement de terre ; car ce tremblement n’est autre chose que le mouvement des parties de la terre, comme les traces formées actuellement sur ce papier ne sont que de l’encre mue par ma plume, qui elle-même ell mue par ma main, il n’y a donc de différence, sinon que la cause prochaine du mouvement de la terre