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Voici donc , à mon avis, les deux sources de
toutes nos connoissances , Timpreffion
que les
objets extérieurs font fur nos sens 8c les propres
opérations de Tame concernant ces impressions*
fur lesquelles elle réfléchit comme fur les véritables
objets de ses contemplations.
Ainsi la première
capacité de l’entendement
humain consiste
en ce que Tame est propre à recevoir toutes les
impressions qui se font en elle, ou par les objets
extérieurs à la faveur des sens, ou par ses.propres
opérations, lorsqu’elle réfléchitlsur ces opérations.
C’est là le premier pas que Thomme fait vers la
découverte des choses quelles qu’elles soient. C’est
sur ce fondement que sont établies toutes ses notions
qu’il aura jamais naturellement
dans ce
monde- Toutes ces pensées sublimes qui s’élèvent
au-dessus des nues ôc pénètrent jusque dans les
cieux , tirent de là leur origine : ôc dans toute
cette grande étendue que Tame parcourt par ses
vastes spéculations,
qui íemblent Télever si haut,
elle ne passe point au-delà des idées que la sensation
ou la réflexion lui présentent pour être lesobjets
de ses contemplations.
L’esprit est à cet égard purement passif ; ôc il
n’est pas en son pouvoir d’avoir ou de n’avoir pas
ces tudimens , ôc , pour ainsi dire, ces matériaux
de connoissances ; car les idées particulières
des
objets des sens s’introduisent
dans notre ame ,
soit que nous veuillions ou que nous rre veuillions
pas ; ôc les opérations de noire entendement
nous
laissant pour le moins quelque notion
obscure
d’elles-mêmes
, personne ne pouvant ignorer absolument
ce qu’il fait lorsqu’il pense. Lors , dis-je,
que ces idées particulières
se présentent à l’esprit,
l’entendement
n’a pas la puissance de les refuser,
ou de les altérer, lorfquelles ont fait leur impression ,
de les effacer ou d’en produire de nouvelles
en lui-même,
non plus qu’un miroir
ne peut
point refuser, altérer ou estv.cer les images que
les objets produisent fur la glace devant laquelle
ils sont placés. Comme les corps qui nous environnent
frappent diversement nos organes ; Tame
est forcée d’en recevoir les impressions, & ne sauroit
s’empêcher d avoir la perception des idées qui
sont attachées à ces impressions-là.
Des idéessimples.
Pour mieux comprendre quelle est la nature 8c
l’étendue de nos connoissances , il y a une chose
qui concerne nos idées à laquelle il faut bien
prendre garde , c’est qu’il y a deux sortes d’idées ,
les unes simples ôc les autres composées.
Bien que les qualités qui frappent nos sens
soient si fort unies, ôc si bien mêlées ensemble
dans Us choses mêmes ; qu’il n’y ait aucune séparation
ou distance entr’clìes,
il f st certain néanmoins
que les idf’eí que ces diverses qualités produisent
dans Tame, y entrent par les sens d’une
manière simple ôc fans nul mélange ; car quoique
la vue 8cFattouchement excitent souvent’dans íe
même temps différentes idées "par le même objet,
comme lorsqu’on
voit le mouvement
"8c la couleur
tout à la fois , 8c que la main sent la mollesse
ôc la’chaleur d’un même morceau de cire ; cependant
les idées simples qui sont ítinsi réunies dans
le même sujet, sont aussi parfaitement distinctes
que celles qui entrent dans l’esprit par divers sens.’
Par exemple,
la froideur ôc la dureté qu’on sent
dans un morceau
de glace, font des idées auffi
distinctes dans Tame, que Fodeur ôc la blancheur
d’une fleur de lis, ou que la douceur du sucre 8e
Todeur d’une rose ; ôc rien n’est plus évident à un
homme que la perception
claire 8c distincte qu’il
a de ces idées simples,
dont chacune prise à part
est exempte de toute composition,
8c ne produit
par conséquent dans Tame qu’une
conception
entièrement uniforme , qui ne peut être distingués
en différentes idées.
~
’
Or ces idées simples, qui font les matériaux
de•
toutes nos connoissances , ne sont suggérées à
Tame que par les deux voies dont nous avons
parlé ci-dessus, je veux dire, par la sensation ôc
par la réflexion. Lorsque l’entendement
a une foîs
reçu ces idées simples, il a la puislance de les ré- ;
péter, de les comparer,
de les unir ensemble avec
’
une variété presqu’infinie
, ôc de former par ce
moyen de nouvelles idées complexes , selon qu’il
-
le trouve à propos. Mais il n’est pas au pouvoir
des esprits les plus sublimes ôc les plus vastes»
quelque vivacité ôc quelque fertilité qu’ils puissent
avoir , de former dans leur entendement
au-
cune nouvelle idée simple qui ne vienne par Tune
de ces deux voies que je viens d’indiquer
- ôcil
n’y a aucune force dans l’entendement qui soit capable de détruire celles qui y sont déjà. L’empire que Thomme a fur ce petit monde ; je veux dire,-fur son propre entendement, est le même queceluiqu’il exercedans ce grand monded’ètres visibles.Comme toute la puislance que nous.avons fur ce monde matériel, ménagée avec tout Tart Ôc toute Tadrelse imaginable, ne s’étend dans se fond qu’à composer Ôc à diviser ks matériaux, qui font à notre disposition, fans qu’il soit en notre pouvoir de faire la moindre particule de nouvelle matière , ou de détruire un seul atome de celle qui existe déjà ; de même nous ne pouvons pas former dans notre entendement aucùn’eidée simple, qui nous vienne parles objets extérieurs à la f iveur des sens , ou par les réflexions que nous_faisons fur les propres opérations de notre esprit. C’est ce que chacun peut éprouver par lui-même. Et peur moi je serois bien aise que 1 quelqu’un voulût essayer de se- donner F/dee-dequelque goût dont sori palais n’eût jamais’été . frappé, ou de se former Vidée d’une odeur qu’il j n’eût jamais sentie ; ÔC lorsqu’il pourra se-faire,j’en conclurai tout aussi-tôt qu’un aveugle a des idées des couleurs ôc un sourd des notions diflírtc- , tes des sons. . . ;’