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que les idées que nous réalisons, ne sont pas de véritables êtres. Je veux parler des êtres moraux, tels que la gloire, la guerre, la renommée, auxquels nous n’avons donné la dénomination d’être, que parce que dans les discours les plus sérieux, comme dans les conversations les plus familières, nous les imaginons sous cette idée.

§. XIII. C’est là certainement une des sources des plus étendues de nos erreurs. Il suffit d’avoir supposé que les mots répondent à la réalité des choses, pour les confondre avec elles, Sc pour conclure qu’ils en expliquent parfaitement la nature. Voilà pourquoi celui qui fait une question, & qui s’informe de ce qu’est tel ou tel corps, croit, comme Locke le remarque, demander quelque chose de plus qu’un nom, Sc que celui — ci qui lui répond, c’est du fer, croit aussi lui apprendre quelque chose de plus. Mais avec un tel jargon il n’y a point d’hypothèse, quelqu’inintelligible qu’elle puisse être, qui ne se soutienne. Il "ne faut plus s’étonner de la vogue des différentes sectes.

§. XIV. Il est donc bien important de ne pas réaliser nos abstractions. Pour éviter cet inconvénient, je ne connois qu’un moyen, c’est de savoir développer l’origine Sc la génération de toutes nos notions abstraites. Mais ce moyen a été inconnu aux philosophes, & c’est envain qu’ils ont tâché d’y suppléer par des définitions. La cause de leur ignorance à cet égard, c’est le préjugé où ils ont toujours été qu’il falloit commencer par les idées générales:car, lorsqu’on s’est défendu de commencer par les particulières, il n’est pas possible d’expliquer les pius abstraites qui en tirent leur origine. En voici un exemple.

Après avoir défini l’impossible, par cequi implique contradiction ; le possible par ce qui ne Cimplique pas, Sc l’être par ce qui peut exister, on n’a pas su donner définition de l’existence, sinon qu’elle est le complément de la possibilité. Mais je demande si cette définition présente quelqu’idée ; Sc si l’on ne scroit pas en droit de jetter sur elle le ridicule qu’on a donné à quelques-unes de celles d’Aristote.

Si le possible est ce qui n’implique pas contradiction, la possibilité est la non-implication de contradiction. L’existence est donc le complément de la non — implication de contradiction. Quel langage ! en observant mieux l’ordre naturel des idées, on auroit vu que la notion de la possibilité ne se forme que d’après celle de l’existence.

Je pense qu’on n’adopte ces sortes de définitions que parce que, connoissant d’ailleurs la chose définie, on n’y regarde pas de si près. L’esprit qui est frappé de quelque clarté la leur attribue, & ne s’apperçoit point qu’elles sont inintelligibles. Cet exemple fait voir combien il est important de s’attacher à ma méthode; c’est-à-dire, de substituer toujours des analyses aux définitions des philosophes. Je crois même qu’on devrait porter le scrupule jusqu’à éviter de sc servir des expressions dont ils paraissent le plus jaloux. L’abus


en est devenu si familier, qu’il est difficile, quelque soin qu’on sc donne, qu’elles ne fassent mal saisir une pensée au commun des lecteurs. Locke en est un exemple.’II est vrai qu’il n’en fait pour l’ordinaire que des applications fort justes:mais on l’entendroit dans bien des endroits avec plus de facilité, s’il les avoit entièrement bannies de son style. Je n’en juge au reste que par la traduction.

Ces détails font voit quelle est l’influence’des idées abstraites. Si leurs défauts ignorés ont fort obscurci toute la métaphysique, aujourd’hui qu’ils sont connus, il ne tiendra qu’à nous d’y remédier. Origine des connoissances hum. de l’abbé de Condillac.

ACCESSOIRE, adj. (terme de logique.) C’est tout ce qui ayant quelque liaison avec le sujet dont il s’agit, n’est cependant point essentiel à ce sujet, quant à la manière actuelle de le considérer, ni nécessaire à l’inteiligence de ce qu’on en dit ; ensorte qu’on peut le passer sous silence comme non existant, sans altérer l’idée que l’on doit s’en faire, ni diminuer la clarté du discours qui doit l’expliquer. Dans ce sens [’accessoire est l’opposé du fond, de l’essentiel, — du principal de la chose dent il est question.

Dans l’exposition d’un sujet, on fait souvent entrçr des idées accessoiresqui ne font qu’alonger le discours, distraire l’attention de ceux qu’on veut instruire, Sc donner le change à des esprits peu justes qui prennent [’accessoire pour le principal, Sc ne retiennent rien de ce qui devoit [es mettre au fait du fond de la chose.

Dans les disputes, il arrive souvent que l’on attaque [’accessoire, Sc que l’on perd de vue. l’essentiel. Ancienne Encyclop. (G. M.)

ACCIDENT, (Métaphysique), ce mot se prend en différens sens par les philosophes.

i°. Dans son acception la plus générale, il désigne tous les modes ou Jes manières d’être d’une chose, par opposition à la substance considérée abstractivement. C’est dans ce sens que les aristotéliciens emploient le mot accident, lorsqu’ils divisent tous les êtres en substance Sc accident. C’est aussi dans ce sens que Wolf Sc ses disciples s’en servent, renfermant sous ce mot les modes Sc les attributs des substances. Laccident, dit Wolf, Phil. prima §. 779, est tout ce qu’on ne sauroit, attribuer à un sujet sans supposer auparavant quelque ch&se dans ce sujet. Or il faut toujours supposer l’existence du sujet, avant que de lui attribuer quelque manière d’être; Sc cette, existence ou cette substance de la chose, est la seule idée qu’il faille nécessairement supposer. C’est-là aussi l’idée que Locke en donne dans son Essai sur l’entendement humain, Hv. II, chap. 23. Avec quelque soin, dit-il, que nous fassions l’analysc de l’idée que nous avons de la substance} nous devons toujours reconnoître que nous n’en avons point d’autre que celle de je ne fais quel sujet inconnu, que nous supposons être le soutien des


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