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arithmétiques en algèbre & en astronomie ; mais quand on n’a pas l’attention de les apprécier, de ne les donner & de ne les prendre que pour ce qu’elles valent, elles écartent l’esprit de la réalité des choses, & deviennent ainsi la source de bien des erreurs.

Je voudrois donc que dans le style didactique., c’est-à-dire lorsqu’il s’agit d’enseigner, on usât avec beaucoup de circonspection des termes abstraits & des expressions figurées : par exemple, je ne voudrois pas que l’on dît en logique, l’idée renferme, ni lorsque l’on juge ou compare des idées, qu’on les unît, ou qu’on les sépare ; car l’idée n’est qu’un terme abstrair. On dit aussique le sujet attire à soi l’attribut, ce ne sont-là que des’métaphores qui n’amusent que l’imagination. Je n’aime pas non plus que l’on dise en grammaire que le verbe gouverne, veut, demande, régit, &c. Voyei.RÉGIME.

§. Abstraction, (Psychologie. Logique.) l’action d’abstraire du verbe latin abstrahere, séparer une chose d’une autre, tirer, mettre à part.

Dans son acception la plus générale, [’abstraction est l’opération par laquelle l’efprit sépare de l’idée totale d’un sujet, une partie de cette idée, pour la considérer seule, quoique la nature n’offre jamais ces idées ainsi séparées, & que leurs objets ne puistent pas même exister séparément. Ainsi, c’est par abfirtctiçn que l’on considère dans un sujet la substance sans la manière d’être, ou les.modes sans la substance, ou les relations sans penser aux modes ou à la substance ; mais ce ne îeroit pas une abstraction, si, dans un sujet composé de parties distinctes les unes des autres, & qui peuvent exister séparément, on ne faisoit attention qu’à une.des parties : les branches d’un arbre, par exemple, son tronc, ses racines, ses feuilles, sont bien les parties d’un rout ; mais ohacune a son existence propre, & peut être séparée des autres sans être pour cela anéantie. Le. soldat peut exister séparé de l’armée, & la tête séparée du corps. C’est à tort que M. Bayle, dans fa Logique, chap. ij, donne le nom d’abstraction à cette division ; cette remarque n’a pas échappé à M. le Clerc. Logica. pars prima, cap. vj. §.5.

Pour bien entendre ce que les philosophes disent de [’abstraction, il faut en distinguer de deux espèces ; l’’abstractionphysique, & [’abstraction métaphysique.

L’abstraction physique, est celle dont la logique m’apprend à faire usage dans l’examen de tout sujet particulier, dont je veux avoir une idée distincte. Elle consiste a séparer l’une de l’autre, & à considérer à-part, chacune des idées différentes que présente l’idée totale d’un individu. Un globe blanc tombant du haut d’une tour, frappe ma vue ; l’existence de ce fait, & son impression sur mes sens, me donnent une


idée composée qui me représente cet objet entier., avec toutes les circonstances qui la caractérisent, & le distinguent de tout autre individu. Si je m’en tiens à cette première vue, j’ai, il est vrai, de cet objet une idée qui me le représente tel qu’il Íst j-jcpmme un tout à part ; mais,.comme je n’ai point décomposé cette idée, elle est confuse —, je n’y distingue rien ; la brute, aux yeux de laquelle cet objet seprésente cgfnme aux miens, en a une idée aussi claire que l’est la mienne ; mais j’ai de plus que la brute, la faculté de décomposer cette idée totale, & sur-tout d’en considérer à part chaque idée partielle, que je distingue, que je sépate des autres, & que je rends seule présente à mon esprit par [’abstraction, comme si elle étoit isolée, & avoit à elle une existence réelle & indépendante— ; en conséquence je donne ou au moins je puis donner à chacune d’entr’elles un nom qui la désigne seule. Ainsi, dans le globe blanc qui tombe à ma vue, quoique je ne voie, 8oqu*il n’y ait réellement qu’un seul individu, je distingue cependant la couleur, la figure, le mouvement, &c. qui sont autant d’objets distincts d’idées que je puis examiner chacune à part, & indépendamment des autres : je pense au mouvement de ce globe, sans penser à sa figure ou à sa couleur ; j’étudie sa figure sans penser à fa couleur : je puis parcourir ainsi de fuite toutes les idées que cet objet unique offre à ma pensée, & je leur donne, dans mon esprit, par [’abstraction, une réalité, une existence à part qu’elles n’ont pas en effet.

Observez ici que quand je.ne connoîtrois, & que même il n’existeroit dans la nature que ce seul être, ensorte que je ne pourrois le comparer avec aucun autre, à aucun égard que ce soir, mon esprit pourroit également en décomposer l’idée totale, & par [’abstraction physique, séparer, étudier à part, & nommer chacune des idées partielles renfermées dans l’idée totale ; parce que l’existence des objets de ces idées partielles, & la perception que j’en ai, ne dépendent pas des autres êtres, ni de leur rapport avec celui que j’examine, ni des-idées que je puis avoir d’ailleurs : il ne s’agit dans mon esprit que de ce seul individu.

Deux traits essentiels distinguent cette première abstraction de la seconde, dont nous parlerons ensuite.

1°. L’abstraction physique n’a pour but que l’acquisition des idées distinctes que peuvent nous offrir, non pas la généralité des êtres, mais chaque individu pris à part ; ainsi elle ne nous donne que des idées individuelles.

2°. Quoique nul des objets de ces idées abstraites individuelles, que l’abstraction physique sépare de l’idée totale de l’être particulier, n’existe, & ne puisse exister à part, chacun d’eux cependant existe réellement dans le sujet dont on l’abstraìt, & y existe tel qu’il le falloit pour faire naître