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former 5 nous le regardons à part^ comme, s’il y avoit quelque objet réel qui répondît àie concept indépendamment de notre manière de penser j & parce que nous ne pouvons faire connoître aux autres hommes nos pensées autrement que par la parole : cette nécessité-&Tusageoùnous sommes de donner des noms aux objets réels, nous ont portés à en donner aussi aux concepts métaphysiques dont nous parlons ; & ces noms n’ont pas peu contribué à nous faire distinguer ces concepts : par exemple :

Le sentiment uniforme que tous les objets blancs excitent en nous, nous a fait donner le même nom qualificatif à chacun de ces objets. Nous disons de chacun d’eux en particulier qu’il cil blanc ; ensuite pour marquer le point selon lequel tous ces objets se ressemblent, nous avons inventé le mot blancheur. Or il y a en effet des objets réels que nous appelions blancs ; mais il n’y a point hors de nous un être qui soit la blancheur.

Ainsi blancheur n’est qu’un terme abstrait : c’est le produit de notre réflexion à l’occasion des uniformités des impressions particulières que divers objets blancs ont faites en nous ; c’est le point auquel neus rapportons toutes ces impressions différentes par leur cause particulière, & uniformes par leur espèce.

Il y a des objets dont l’aspect nous affecte de manière que nous les appelions beaux ; ensuite considérant à part cette manière d’affecter, séparée de tout objet, de toute autre manière, nous l’appellons la beauté.

Il y a des corps particuliers ; ils sont étendus, îls font figurés, ils sont divisibles, & ont encore bien d’autres propriétés. Il est arrivé que notre esprit les a considérés, tantôt seulement en tant qu’étendus, tantôt comme figurés, ou bien comme divisibles, ne s’arrêtant à chaque fois qu’à une feule de ces considérations ; ce qui est faire abstraction de toutes les autres propriétés. Ensuite nous avons observé que tous les corps conviennent entr’eux cn tant qu’ils sont étendus, ou en tant qu’ils sont figurés, ou bien en tant que divisibles. Or pour marquer ces divers points de convenance ou de réunion, nous nous sommes formés le concept d’étendue, ou celui de figure, ou celui de divisibilité 5 mais il n’y a point d’être physique qui soit l’étendue, ou la figure, ou la divisibilité, & qui ne soit que cela.

Vous pouvez disposer à votre gré de chaque corps particulier qui est en votre puissance ; mais êtes-vous ainsi le maître de l’étendue, de la figure, ou de la divisibilité ? L’anìmal en général est-il de quelque pays, & peut-il se transporter d’un lieu en un autre ?

Chaque abstraction particulière exclud la considération de toute autre propriété. Si vous considérez le corps en tant que figuré, il est évident que vous ne k regardez pas comme lumineux, »


ni comme vivant, vous ne lui otez rien : ainh n seroit ridicule de conclure de votre abstraction, que ce corps que votre esprit ne regarde que comme figuré, ne puisse pas être en même-temps en lui-même étendu, lumineux, vivant, &c.

Les concepts abstraits sont donc comme le point auquel nous rapportons les différentes impressions ou réflexions particulières qui font de même espèce, & duquel nous écartons tout ce qui n’est pat cela précisément.

Tel est l’homme : il est un être vivant, capable de sentir, de penser, de juger, de raisonner, de vouloir, de distinguer chaque acte singulier de chacune de ces facultés, & de faire ainsi des abstractions.

Nous dirons, en parlant de l’ARTICLE, quen’y ayant est ce monde que des êtres réels, il n’a pas été possible que chacun de ces êtres eût un nom propre. On a donné un nom commun à tous les individus qui se ressemblent : ce nom commun est appelle nom d’espece, parce qu’il convient à chaque individu d’une espèce. Pierre est homme, Paul est homme, Alexandre & César étoient hommes. En ce sens le nom d’espèce n’est qu’un nom adjectif, comme beau, bon, vrai ; & c’est pour cela qu’il n’a point d’article. Mais si l’on regarde l’homme sans en faire aucune application particulière, alors l’homme est pris dans un sens abstrait, & devient un individu spécifique ; c’est par cette raison qu’il reçoit l’article ; c’est ainsi qu’on dit le beau, le bon, le vrai.

On ne s’en est pas tenu à ces noms simples abstraits spécifiques : d’homme on a fait humanité ; de beau, beauté : ainsi des autres.

Les philosophes scholastiques qui ont trouvé établis les uns & les autres de ces noms, ont appelle concrets ceux que nous nommons individus spécifiques, tels que l’homme, le beau, le bon, le vrai. Ce mot concret vient du latin concretus, & signifie qui croît avec, composé, formé de ; parce que ces concrets sont formés, disent-ils, de ceux qu’ils nomment abstraits : tels sont humanité, beauté, bonté, vérité. Ces philosophes ont cru que comme la lumière vient du soleil, que comme l’eau ne devient chaude que par le feu, de même l’homme n’étoit tel que par l’humanité, que le beau n’étoit beau que par la beauté ; le bon, par la bonté ; & qu’il n’y avoit de vrai que par la vérité. US ont dit humanité, delà homme ; & de même beauté, ensuite beau. Mais ce n’est pas ainsi que la nature nous instruit ; elle ne nous montre d’abord que le physique. Nous avons commencé par voir des hommes avant que de comprendre & de nous former le terme abstrait humanité. Nous avons été touchés du beau & du bon. avant que d’entendre & de faire les mots de beauté & de bonté ; & les hommes ont été pénétrés de la réalité des choses, & ont senti une persuasion intérieure avant que d’introduire le mot de vérité. US ont compris, ils ont conçu ayant que de faire