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PRELIMINAIRE.

sûre & facile, par un style plus noble & plus intéressant. Les beaux arts eux-mêmes se sont enrichis de ce nouvel esprit ; il n’est point de grands talens qui n’en aient tiré de nouvelles beautés. Nous avons perfectionné le don de jouir par l’art de nous expliquer nos jouissances ; le goût sait aujourd’hui s’étendre par la finesse de la raison. Quel homme d’un esprit éclairé & observateur pourroit me nier que ces progrès ne soient dûs en grande partie à ceux que nous avons fait vers la saine Métaphysique & la bonne Logique ?

À quoi tient donc un si heureux changement ? Quels heureux efforts jusqu’alors impossibles, quelles grandes découvertes nouvelles a-t-on fait ? C’est ici où l’on reconnoît bien l’éternelle loi des travaux & des succès de l’esprit humain. La nature, par les besoins qu’elle lui a donnés, développe ses facultés & les dirige d’une manière lente & sûre. Mais il ne sait pas toujours suivre la marche qu’elle lui indique ; il s’enorgueillit dans ses premiers progrès ; il l’abandonne ; il veut aller plus vîte & atteindre plus haut qu’elle ne lui a permis ; il se fait des règles qu’elle n’avoue pas ; il la défigure par ses propres imaginations. Semblable à un voyageur obstiné à contredire son guide, il va d’égaremens en égaremens, jusqu’à ce que détrompé de ses fausses vues, fatigué de ses vaines tentatives, il sente la nécessité de se laisser conduire. Il vient un temps où l’esprit humain, quelqu’empire qu’aient eu sur lui ses folles prétentions, est ramené aux simples inspirations de la nature. Il y revient avec une pleine soumission. On s’en apperçoit à la constance avec laquelle il l’embrasse, à la fidélité avec laquelle il l’interroge & lui obéit : c’est ce qu’on observe dans les arts, comme dans les sciences. Il est de notre nature d’entrer d’abord dans les bonnes voies, de nous en écarter & d’y revenir.

À l’époque de ce grand renouvellement dans la Métaphysique, on n’a fait que désapprendre l’erreur, se déprévenir de ces notions qui affectoient de nous faire-lire dans des choses impénétrables, fixer notre intelligence sur les seuls objets dont nous pouvons avoir des idées sûres. On a cherché l’art de saisir la vérité dans celui de l’observer ; on s’est fait un langage simple pour des idées nettes ; on a appris à les développer, en les étudiant mieux. On est revenu enfin à la pratique de l’analyse, par laquelle nous pouvons démêler tout ce que la nature communique à nos sens ; on a su l’entendre par un usage plus prudent de l’analogie, & l’on a sans cesse étudié les résultats de l’un & de l’autre, pour en tirer plus de lumières & éviter plus d’erreurs.