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PRELIMINAIRE.

de l’instruction publique, ses funestes effets étoient sans exception & sans remède.

Ce ne fut que par des hasards infiniment rares que, pendant huit à neuf siècles, il se rencontra quelques esprits assez élevés, assez indépendans pour rentrer dans la raison, faire des découvertes & ouvrir de meilleures voies ; & encore ces exemples étoient presque toujours perdus. Il falloit, pour briser des chaînes si puissantes, un de ces hommes faits pour renverser des empires & en fonder. Descartes parut, & la révolution nécessaire arriva. Rien ne fut plus hardi que la marche de ce génie extraordinaire. Après avoir tout appris, il sentit qu’il n’avoit fait que s’enfoncer dans l’erreur. Il osa faire la chose la plus naturelle, mais la plus difficile, douter pour connoître, examiner avant de prononcer. Il se fit un systême du doute ; il l’étendit à tout & se créa une science nouvelle, toute tirée de son propre fond. Mais, en abdiquant l’erreur avec ce courage, en embrassant la vérité avec cette ardeur, il ne put plier son esprit à la seule manière de la chercher ; il imita, dans leur marche, ceux dont il avoit su reconnoître la fausse science ; entraîné par ses propres illusions, lors même qu’il secouoit les préjugés anciens, satisfait de voir & de penser par lui seul, il songea moins à observer les phénomènes de la nature, mais à en deviner les causes. Il fit donc à son tour des systêmes ; ils étoient pleins de génie, & ils régnèrent ; mais ils montroient un nouvel art de raisonner, & ils formèrent des esprits aussi libres & plus sages. Il avoit de plus donné deux nouveaux moyens d’avancer & de réformer les sciences, en agrandissant les Mathématiques, & en les appliquant l’étude de la nature.

Deux hommes vinrent, qui se partagèrent le domaine où Descartes avoit édifié avec autant de grandeur que peu de solidité ; ils mirent tous leurs soins à éviter ses fautes, & en cela même il a servi leur gloire plus qu’ils ne l’ont avoué. Ces deux excellens génies ont fait l’usage le plus parfait de l’analyse, de l’analogie, de l’expérience, que Descartes avoit tour-à-tour pratiquées & abandonnées. Newton, sublime géomètre & sage physicien, mit une partie des forces de son esprit à bien recueillir les faits ; l’autre, à les combiner avec la plus profonde justesse. Loke, moins imposant peut-être aux yeux savans, mais plus utile au commun des esprits, renfermé dans l’étude de l’homme & de la société, est descendu dans le fond de notre ame, non pour en expliquer les mystères, mais pour en suivre & en développer toutes les opérations ; il s’imposa, comme la seule


Encyclopédie, Logique & Mètaphysiq, Tom. I. b