Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.
DISCOURS PRÉLIMINAIRE[1].

LES deux sciences que l’on réunit ici dans le même Dictionnaire étant, l’une, l’étude des facultés de notre esprit, l’autre, la direction de ses opérations vers la vérité, se tiennent de toutes parts ; elles ont toujours marché du même pas : soit que l’obscurité & la lumière y aient régné, elles n’ont jamais été, n’ont pu être que deux divisions d’un même corps de doctrine. En les réunissant, on ne fait donc que céder à un usage ancien, & même à l’ordre des choses. Arrêtons-nous un moment sur les rapports qui les lient, considérons-les dans leurs principes, leurs progrès, & leur influence sur les autres parties de la philosophie.

L’homme n’existe, n’agit, ne pense que par ses sensations ; elles sont pour lui la source & le mobile de tout. Il les sépare en les recevant ; il réunit les idées qu’il en a gardées ; il compose des jugemens d’après les comparaisons qu’il en fait ; il étend ces jugemens ou les rectifie, en en considérant les objets avec plus d’attention & d’intelligence. C’est par-là qu’il arrive des idées individuelles aux idées générales, de l’apperçu des premiers rapports à la liaison des résultats les plus éloignés ; qu’il avance dans toutes les connoissances par des moyens qui en abrègent l’étude ; qu’il ordonne celles qu’il a acquises, de manière à les embrasser d’une vue tout-à-la-fois plus vaste & plus nette ; enfin que d’un être tout physique, comme les autres animaux, il devient un être moral qui règne sur la nature par l’énergie de ses sentimens & l’élevation de ses pensées.

Comme nous tirons tout de la sensation, notre unique moyen d’acquérir des connoissances consiste à la bien observer, à y saisir tout ce qu’elle nous offre, à n’y rien mêler d’étranger. Chaque objet, en affectant un ou plusieurs de nos sens, nous donne la sensation qui lui est propre. Si nous nous bornions à la première impression que les objets font sur nous, elle resteroit toujours confuse & fugitive ; & ne démêlant rien dans les objets qui nous frappent, n’en gardant qu’un vague souvenir, nous connoîtrions tout au plus leur présence, sans pénétrer dans leur nature. Il faut donc en

  1. On a adopté & suivi, dans ce Discours, les principes expliqués dans les différens ouvrages de M. l’abbé de Condillac.

Encyclopédie, Logique & Métaphys, Tom. I. 1