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PRÉLIMINAIRE.

Huges Capet & les grands vassaux de la couronne, lorsqu’il fut élevé sur le trône.

A commencer de l’an 929, où finissent les capitulaires de nos rois, jusqu’en 1226, sous Saint Louis, on ne trouve presque plus de titres relatifs au gouvernement de l’Etat[1]. Ce ne sont que des chartes accordées à des villes, à des églises ou à des monasteres, à l’exception de l’ordonnance de Philippe-Auguste, de 1190, ou plutôt le testament de ce prince, par lequel il règle ce que devront faire la reine & l’archevêque de Reims son oncle, dans le cas où il viendroit à mourir dans la terre sainte, pour laquelle il partoit.

Si l’on remarque que les moines & les gens d’église étoient les seuls qui sussent alors lire & écrire, que les traités de mariage se concluoient verbalement aux portes des églises, sans en avoir d’autre titre que la mémoire des témoins, combien ne sera pas chancelante la foi qu’on exigeroit pour tous les actes de ces tems de trouble & de barbarie !

M. le président Hénault, malgré la disette de preuves historiques, n’hésite cependant pas à mettre au rang des revenus de la couronne, lorsqu’elle passa sur la tête de Huges Capet, en 987, les droits d’entées & de sortie perçus sur les frontieres du royaume[2] ; mais il ne parle en aucune façon de leur objet. Il ne pouvoit qu’être très-modique, en considérant la situation fâcheuse de l’Etat, sa division en une multitude de souverainetés, & le peu de relation que ses parties avoient entre elles, puisque, suivant le même écrivain, on regardoit comme un voyage en pays étranger & inconnu, que de venir de Cluny en Bourgogne, à Saint-Maur, près Paris.

L’autorité royale étoit presque anéantie, puisque d’après le traité du nouveau roi, les seigneurs avoient un droit naturel & foncier sur leurs vassaux : ils pouvoient en recevoir les redevances de vivres & du service ordinaire, leur imposer des tailles extraordinaires. Le monarque n’avoit pas droit d’en imposer sur les sujets des seigneurs ; mais, dans les besoins de l’Etat, il convoquoit les barons, qui étoient particulièrement chargés des deniers d’imposition, pour les faire consentir à la levée des sommes nécessaires.

Ces barons se cotisoient entre eux pour le paiement, & ils imposoient ensuite sur leurs vassaux une taille arbitraire, sur laquelle ils prenoient la somme demandée par le roi, & ils pouvoient retenir le surplus. C’est ce qu’on voit par une charte de Philippe-le-Bel, en faveur des seigneurs du comté d’Alençon.

Les choses subsistent dans cet état jusques au tems des guerres saintes, sous le règne de Philippe Ier, vers l’an 1095. La religion en fut le prétexte ; la politique en entretint l’ardeur pendant près de deux cents ans.

Les papes, comme chefs naturels d’une guerre de religion, acquirent le droit de commander aux empereurs & aux rois ; ceux-ci profiterent de cette occasion pour établir des impôts, & réunir à leurs domaines des villes, des provinces & de grandes terres, que les seigneurs se trouvoient dans la nécessité de vendre ou d’engager, pour subvenir aux frais de ces grands voyages.

La puissance souveraine ne commença véritablement à se relever, que sous le règne de Louis-le-Gros, mort en 1137, après avoir occupé le trône vingt-neuf ans. L’établissement des communes, & l’affranchissement des serfs, y contribuerent d’abord. La création, par Philippe-Auguste, des grands bailliages,

  1. On a cru devoir modifier l’assertion positive de M. le président Hénault, parce qu’on a trouvé un mandement du 21 mai 1132, portant défenses de sortir du royaume des bleds, & toutes espèces de grains ; des lettres du mois d’août 1204, qui règlent les honoraires des sénéchaux de Poitou & de Guyenne, & par lesquelles il paroît qu’ils étoient en même tems receveurs des droits & revenus du roi. Recueil des ordonnances de nos rois, tome ii, page 228.
  2. Abrégé chronologique de l’histoire de France, tome premier, page 139.