Page:Encyclopédie méthodique - Finances, T1.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
vij
PRÉLIMINAIRE.

rendit aux raisons du sénat, qui lui présenta que c’étoit préparer la ruine de l’empire, que de diminuer les revenus destinés à le soutenir, parce que, s’il ôtoit les douanes, bientôt après on lui demanderoit l’abolition de tous les autres impôts[1].

Après s’être rendu aux représentations du sénat, il renouvella & confirma des loix faites pour réprimer les vexations & la cupidité des fermiers publics. Jusques-là leurs baux & leurs droits avoient été tenus secrets ; il fut ordonné qu’ils seroient publics & affichés ; que les receveurs ne pourroient, après une année révolue, demander ce qu’ils auroient négligé de percevoir[2]. Que le préteur à Rome & les gouverneurs ou leurs lieutenans dans les provinces[3], connoîtroient de tout ce qui auroit rapport à la manutention des fermiers.

Mais lorsque des gouverneurs avides ou avares les favorisoient, il n’y avoit plus de bornes à la tyrannie.

On voit sous Jules César, Licinius, ci-devant son esclave, ensuite son affranchi, & intendant dans les Gaules, profiter des nouveaux noms donnés au mois de juillet & d’août, pour composer l’année de quatorze mois, afin d’exiger des Gaulois la contribution personnelle qui leur étoit imposée par chaque mois. C’est à cette tyrannie qu’on attribue la révolte des Gaulois & des Sicambres. Ce Licinius, accusé dans la suite de concussion, fait voir à Auguste un monceau d’or & d’argent, lui représente que c’est pour lui qu’il l’a recueilli, & que c’est ainsi qu’on ôte au peuple tout moyen de se révolter. Prenez, lui dit-il, cet or & cet argent ; je ne l’ai point destiné à d’autre usage qu’à passer en vos mains. Cette courte apologie lui servit de justification, & fit de son juge, son complice.

Indépendamment des droits qui se levoient à l’importation & à l’exportation, & qui paroissent avoir été d’un objet très-important, les finances des Romains comprenoient beaucoup d’autres revenus que l’avarice & la cupidité des empereurs augmentoient arbitrairement. La plus ancienne des impositions étoit la taille réelle, d’abord fixée par les rois de Rome au dixième du produit des terres, & au huitième de celui des arbres fruitiers. Les terres du domaine de l’empereur n’étoient pas exemptes de cette taille, & elle étoit assise par des officiers publics appellés Censitores Perequatores. Elle se payoit en trois tems, au premier septembre, au premier janvier & au premier mai[4].

Après la taille réelle, étoit le droit appellé scrptura, qui avoit été imposé sur les bestiaux qu’on menoit paître dans les

  1. Dubitavit Nero, an cuncta vectigalia omitti juberet, idque pulcherrimum donum generi mortalium daret, sed impetum ejus attinuêre senatores dissolutionem imperii docendo, si fructus quibus respublica fustineretur, dimunuerentur, quippe sublatis portoriis, sequens ut tributorum abolitio expostularetus. Tacit. lib. 13, annalium, cap. 50.

    Il suit de ce passage ; que Tacite emploie également le mot de vectigal, & de portorium pour désigner les droits de douane & autres imposés sur les objets de commerce, & les distinguer des taxes qui se levoient sur les terres, & sur les personnes auxquelles il applique le mot de tributum.

  2. Temperandas planè publicanorum cupidines edixit princeps, ut leges cujusque publici occultæ ad id tempus, proscriberentur, omissas petitiones non ultrà annum resumerent. Tacit. lib. 13, annalium, cap. 50 & 51.
  3. Il paroît par la lettre de Cicéron à son frere, gouverneur d’Asie, que la plus grande difficulté de sa place étoit de contenir les publicains sans les mécontenter. « Hic te ita versari, ut & publicanis satisfacias, præsertim publicis malè redemptis, & socios perire non sinas divina cujusdem virtutis esse videtus, id est tuæ. » ed. in-12. 1776, pag. 25.
  4. Traité des finances & de la fausse monnoie des Romains, in-12. 1740. Cet ouvrage, dont le manuscrit est déposé à la bibliothèque du roi, étoit resté inconnu jusqu’à l’époque de sa publication. On l’attribue à M. de Chassipol, qui avoit été intendant de la maison de Bouillon, & ami de M. de Colbert. Ce ministre l’engagea à le composer, pour avoir une connoissance détaillée des finances des Romains, & les ordonnances qu’il a fait rédiger sur cette matiere, annoncent qu’il a beaucoup emprunté de leur législation.