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iv
DISCOURS

cre ; & lorsqu’on en avoit quatre, on n’en payoit aucune. Il paroît que ce peuple, qui recevoit une éducation si propre à former des soldats, étoit peu habile dans la science des finances. L’expédient dont il fit usage pour payer aux Samiens les subsides qu’ils demandoient, n’a pas trouvé d’imitateurs, & probablement n’en aura jamais. Comme il n’y avoit point de trésor public à Sparte, & qu’on étoit sans moyens pour satisfaire à cette demande, il fut ordonné que tous les citoyens, leurs familles & leurs troupeaux, jeûneroient pendant un jour, & que la dépense qui auroit eu lieu sans ce jeûne, seroit donnée aux Samiens[1].

Si nous passons à l’examen des finances des Romains, nous reconnoîtrons que c’est à ce peuple conquératn, qui parvint à former un empire à-peu près aussi étendu que l’étoit alors le monde connu, que l’Europe doit les principes & la législation qu’elle suit en matière d’impositions.

Quoique la plus grande partie des écrivains attribue la décadence de ce fameux empire à des causes qui semblent étrangères aux finances, cependant il n’est pas moins vrai que leur désordre y contribua beaucoup. On apperçoit aisément des liaisons & des rapports entre le faste & la cupidité, entre une dépense désordonnée & les vexations, enfin, entre la tyrannie & le relâchement de tous les liens de l’état.

C’est un spectacle digne de tout homme public, de voir que jamais l’empire Romain ne fut porté au plus haut degré de splendeur que sous les règnes de César & d’Auguste. Ces empereurs, à l’exemple de Servius Tullius, qui le premier avoit ordonné le dénombrement de ses sujets, se procurèrent une connoissance exacte & détaillée des forces & de la richesse de leur empire, & c’est ce qui composa le rationaire romain. Ce cadastre les mit en état de faire une sage dispensation des revenus publics, dont la dissipation entraîna sous leurs successeurs la ruine de l’Etat.

Mais n’anticipons point sur les événemens. Il paroît que sous les rois de rome, les impôts consistoient en une espèce de capitation ou taxe par tête, & dans des redevances exigées sur les objets du commerce maritime, & qu’on peut appeller droits de douane, ainsi qu’on les a vus dans la Grèce. Tite-Live le donne à entendre, en disant que l’expulsion des rois délivra le peuple des contributions qu’il payoit[2].

Il paroît cependant que les impôts continuèrent de subsister, puisque Valerius, Publicola ou Poplicola, troisième consul, en accorda l’exemption aux veuves, aux pauvres & aux orphelins. Ce fut ce même consul qui ordonna que le trésor public seroit déposé dans le temple de Saturne, pour que le peuple Romain pût avoir connoissance des dépenses auxquelles il fournissoit.

Jusqu’à la trois cent cinquantième année de la fondation de Rome, les soldats ne furent point soudoyés par la république ; ils alloient à la guerre à leurs frais, & ce ne fut qu’au siège de Veyes que les troupes commencèrent à recevoir une solde. Lorsque les Romains avoient vaincu une nation, ils ne lui accordoient jamais la paix qu’après avoir pris une partie du territoire des vaincus, & il étoit incorporé à celui de la république. Une partie de ces champs conquis se vendoit pour indemniser l’Etat des frais de la guerre ; une autre se distribuoit gratuitement aux soldats & aux pauvres du peuple ; quelquefois on en donnoit à cens au profit de la république, & des patriciens avides se les faisoient adjuger, pour les céder ensuite moyennant une redevance considérable, & indépendamment du cens dû au domaine.

Les armées étoient nombreuses, & néan-

  1. Lacedemonii cum Samii ab ipsis peterent ut pecunias sibi conferrent recuperaturis patriam, scitum fecerunt, una die debere, & dominos, & familiam & jumenta jejunare, & quantum insumpsisset, si non jenunaretur, quisque tantum tribuere Samiis. Arist. economicæ, vol. 2. pag. 503.
  2. Portoriis quoque & tributo plebo liberata, dit cet historien, lib. 2, cap. 9.