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seroit déclarée invalide, si elle étoit faite sans la permission du magistrat du lieu : & pour engager ce magistrat à ne point accorder trop facilement cette permission, on le rendrait responsable de sa complaisance ». Nous ne discuterons pas ce plan, nous n’examinerons pas s’il seroit contraire à la propriété.

4o. Les hommes ne s’intéressent qu’à leur propriété. Il est impossible que la culture soit florissante dans un pays où le peuple n’est que serf ou fermier. On a reconnu les désavantages de la servitude, & il n’y a plus de serfs qu’en Pologne, en Russie, & dans quelques cantons de l’Allemagne. Les laboureurs polonois sont tellement vexés par la noblesse, dont ils sont les esclaves, que les terres de Pologne ne donnent pas le quart du produit des terres de France, quoiqu’elles soient aussi fertiles ; & qu’il y ait dans la première de ces deux contrées deux fois autant de terres mises en culture. Mais il ne paraît pas qu’on sente de même les inconvéniens des grands possesseurs de terre, qui réduisent à l’état de simple fermier la plus grande partie des laboureurs. Cet abus tient aux principes de quelques-unes des constitutions modernes, & il sera très-difficile de le détruire : tout ce qu’on doit espérer c’est d’en arrêter les progrès. On ne doit plus songer à fixer la quantité de terrein que chaque classe des citoyens pourra posséder, ainsi que le pratiquoient les républiques anciennes. Il faut attendre cette révolution des progrès du commerce : c’est par lui que la propriété des terres rentre en partie dans les mains du peuple, comme il est arrivé en Angleterre.

Un auteur moderne a prouvé que les droits seigneuriaux & celui de retrait bornent les progrès de la culture. Le possesseur d’une terre sujette au droit de directe ne fera point de dépense, parce qu’un étranger en recueilleroit les fruits. Dans les endroits où le retrait est établi, la propriété des terres reste incertaine pendant un temps quelquefois assez considérable. Ces droits abusifs sont un reste du gouvernement gothique. Ce gouvernement ne subsiste plus : il seroit raisonnable d’abandonner aussi les coutumes qui en sont la suite. Le bien public, l’avantage du cultivateur, la commodité même du seigneur, demandent qu’on échange ces droits seigneuriaux contre une rente modique annuelle, & qu’on abolisse le retrait.

Section sixième.
L’agriculture envisagée dans son rapport avec le commerce.

Le commerce en général est la communication réciproque que les hommes se font des choses dont ils ont besoin. Ainsi il est évident que l’agriculture est la base nécessaire du commerce.

Cette maxime est d’une telle importance, que l’on ne doit jamais craindre de la répéter, quoiqu’elle se trouve dans la bouche de tout le monde. La persuasion où l’on est d’un principe, ne forme qu’une connoissance imparfaite, tant que l’on n’en conçoit pas toute la force ; & cette force consiste principalement dans la liaison intime du principe reconnu avec un autre. C’est ce défaut de combinaison qui fait souvent regarder avec indifférence à un négociant l’aisance ou la pauvreté du cultivateur, les encouragemens qu’il peut recevoir, ou les gênes qui peuvent lui être imposées. Par la même raison, la plupart des propriétaires de terres sont portés à envier au commerce ses facilités, ses profits & les hommes qu’il occupe. L’excès seroit bien plus grand, si ces mêmes propriétaires venoient à séparer l’intérêt de leur domaine de l’intérêt du laboureur, s’ils se dissimuloient un instant que cet homme destiné par le hasard à tracer péniblement les sillons d’un champ, ne le soignera jamais qu’en raison de ses facultés, des espérances ou de l’opinion qui peuvent animer son travail. Une nation où de pareils préjugés se trouveroient fort répandus, seroit encore dans l’enfance de l’agriculture & du commerce, c’est-à-dire de la science des deux principales branches de l’administration intérieure : car on ne doit pas toujours juger des progrès de cette partie, par les succès d’un état au-dehors ; comme on ne peut pas décider de la bonne conduite d’un particulier dans la gestion de ses biens, par la grande dépense qu’il paroît faire.

L’agriculture ne sera envisagée ici que sous ce point de vue politique.

L’idée de conservation est dans chaque individu immédiatement attachée à celle de son existence ; ainsi l’occupation qui remplit son besoin le plus pressant, lui devient la plus chère. Cet ordre fixé par la nature, ne peut être changé par la formation d’une société, qui est la réunion des volontés particulières. Il se trouve au contraire confirmé par de nouveaux motifs, si cette société n’est pas supposée exister seule sur la terre. Si elle est voisine d’autres sociétés, elle a des rivales, & sa conservation exige qu’elle soit revêtue de toutes les forces dont elle est susceptible. L’agriculture est le premier moyen & le plus naturel de se les procurer.

Cette société aura autant de citoyens que la culture de son territoire en pourra nourrir & occuper : les citoyens deviendroient plus robustes par l’habitude des fatigues, & plus honnêtes gens par celle d’une vie occupée.

Si ses terres sont plus fertiles, ou ses cultivateurs plus industrieux, elle aura une surabondance de denrées qui se répandront dans les pays moins fertiles ou moins cultivés.

Cette vente aura dans la société qui la fait, des effets utiles.

Le premier sera d’enlever aux étrangers ce qui