Page:Encyclopédie méthodique - Economie politique, T01.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son roi avec le cortège le-plus honorable, ayant conduit cent quatre-vingts charrues à son passage. Ce faste doit paraître bien ridicule à nos citadins accoutumés aux décorations frivoles. On voit encore des hommes, stupidement vains, ignorer que ce sont les riches laboureurs & les riches commerçans, attachés au commerce rural, qui animent l’agriculture, qui font exécuter, qui commandent, qui gouvernent, qui sont indépendans, qui assurent les revenus de la nation, qui, après les propriétaires distingués par la naissance, par les dignités, par les sciences, forment l’ordre de citoyens le plus honnête, le plus louable & le plus important dans l’état. Ce sont pourtant ces habitans honorables de la campagne, ces maîtres, ces patriarches, ces riches entrepreneurs d’agriculture, que le bourgeois ne connoît que sous le nom dédaigneux de paysans, & auxquels il veut même retrancher les maîtres d’école qui leur apprennent à lire, à écrire, à mettre de la sûreté & de l’ordre dans leurs affaires, à étendre leurs connoissances sur les différentes parties de leur état.

Ces instructions, dit-on, leur inspirent de la vanité & les rendent processifs : la défense juridique doit-elle être permise à ces hommes terrestres, qui osent opposer de la résistance & de la hauteur à ceux qui, par la dignité de leur séjour dans la cité, doivent jouir d’une distinction particulière & d’une supériorité qui doit en imposer aux villageois. Tels sont les titres ridicules de la vanité du citadin, qui n’est qu’un mercenaire payé par les richesses de la campagne. Omnium autem rerum ex quibus aliquid acquiritur, nihil est Agricultura melius, nihil uberius, nihil dulcius, nihil homini libero dignius. Cicero de Officiis.… Meâ quidem sententiâ, haud scio an nulla beatior esse possit, neque solùm officio, quod hominum generi univerfo cultura agrorum est salutaris ; sed & delectatione, & saturitate, copiâque omnium rerum quæ ad victum hominum, ad cultum etiam deorum pertinent. Idem, de senectute.

De tous les moyens de gagner du bien, il n’y en a point de meilleur, de plus abondant, de plus agréable, de plus convenable à l’homme, de plus digne de l’homme libre, que L’AGRICULTURE. Pour moi, je ne sais s’il y a aucune sorte de vie plus heureuse que celle-là, non-seulement par l’utilité de cet emploi, qui fait subsister tout le genre humain, mais encore par le plaisir et par l’abondance qu’il procure ; car la culture de la terre produit de tout ce qu’on peut desirer pour la vie des hommes et pour le culte des Dieux.


X.

Qu’une partie de la somme des revenus ne passe pas chez l’étranger sans retour, en argent ou en marchandises.


XI.

Qu’on évite la désertion des habitans qui emporteroient leurs richesses hors du royaume.


XII.

Que les enfans des riches fermiers s’établissent dans les campagnes pour y perpétuer les laboureurs ; car si quelques vexations leur font abandonner les campagnes, & les déterminent à se retirer dans les villes, ils y portent les richesses de leurs pères, qui étoient employées à la culture. Ce sont moins les hommes que les richesses qu’on doit attirer dans les campagnes ; car plus on emploie de richesses à la culture, moins elle occupe d’hommes ; plus elle prospère, & plus elle donne de revenu. Telle est, par exemple, pour les grains, la grande culture des riches fermiers, en comparaison de la petite culture des pauvres métayers, qui labourent avec des bœufs ou avec des vaches.


NOTE.
( Attirer les richesses dans les campagnes pour étendre la grande & éviter la petite culture ).

Dans la grande culture, un homme seul conduit une charrue tirée par des chevaux, qui fait autant de travail que trois charrues tirées par des bœufs, & conduites par six hommes. Dans ce dernier cas, faute d’avances primitives pour l’établissement d’une grande culture, la dépense annuelle est excessive par proportion au produit net, qui est presque nul, & on y emploie infructueusement dix ou douze fois plus de terre. Les propriétaires manquant de fermiers en état de subvenir à la dépense d’une bonne culture, les avances se font aux dépens de la terre, presque entiérement en pure perte ; le produit des prés est consommé, pendant l’hiver, par les bœufs de labour, & on leur laisse une partie de la terre, pour leur pâturage pendant l’été ; le produit net de la récolte approche si fort de la non-valeur, que la moindre imposition fait renoncer à ces restes de culture, ce qui arrive même en bien des endroits tout simplement par la pauvreté des habitans. On dit qu’il y a une nation pauvre qui est réduite à cette petite culture dans les trois quarts de son territoire, & qu’il y a d’ailleurs chez cette nation plus d’un tiers des terres cultivables qui sont en non-valeur. Mais le gouvernement est occupé à arrêter les progrès de cette dégradation, & à pourvoir aux moyens de la réparer.

XIII.

Que chacun soit libre de cultiver dans son champ telles productions que son intérêt, ses facultés, la