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nom avec respect, leur en ont donné l’exemple.

Charles V ayant supprimé en France la plupart des magistrats, leur substitua des commissaires. Ce prince ne tarda pas à s’appercevoir qu’il s’étoit trompé, & il ne rougit point de revenir fur ses pas. Il déclara qu’il avoit fait cette faute par mauvaises impressions & à son grand déplaisir, & il rétablit les choses dans leur ancien état.

Ce n’est pas la république qui doit être accommodée aux loix, ce sont les loix qui doivent s’accommoder au besoin de la république. Le législateur se propose l’utilité perpétuelle des sujets ; &, dans quelques pays, il suppose que sa loi durera toujours, parce qu’elle leur sera toujours utile. C’est ainsi qu’il faut interprêter les formules si connues des édits : par cet édit perpétuel & irrévocable, à tous présens & à venir, & autres semblables dont on usoit à Rome & ailleurs, & dont l’usage s’est conservé jusqu’à nous. Au reste, il seroit à désirer qu’on n’employât plus cette formule qui n’ajoute rien à la force de la loi.

La première & la plus importante de toutes les loix, c’est celle qui ordonne de préférer le salut du public à toute autre considération. Théramenes, après la déroute des Athéniens, leur conseilla d’obéir aux Lacédémoniens victorieux qui vouloient la démolition des murs d’Athènes. Cléomenes s’y opposa ; il dit qu’il seroit honteux d’abattre, par l’ordre des lacédémoniens, des murailles que Thémistocles avoit élevées malgré eux. « Je ne propose rien, répliqua Théramenes, de contraire a la pensée de ce grand homme ; il a fait ces murailles pour l’utilité publique, & c’est pour cette même utilité que je conseille de les abattre ». Plutarque, vie de Lysandre. Voyez ci-devant Abolition. La Science du gouvernement, par M. de Réal, tom. 6. Des Corps politiques, tom. 1 & 2.

ABSOLU, (pouvoir absolu) chaque gouvernement a besoin d’une autorité absolue ; quelque soit l’individu ou le corps civil qui en est revêtu, elle doit disposer à son gré de toutes les forces de la nation ; elle doit non-seulement faire des loix, mais encore jouir d’un pouvoir assez étendu pour les faire exécuter. Elle doit avoir une force suffisante pour obliger également tous les membres de l’état de concourir à son bonheur, à sa conservation, à sa sûreté. Si cette puissance avoit des bornes, le gouvernement manqueroit d’activité & de vigueur ; les vices des membres rendroient sans cesse inutile ou dangereuse une association qui n’a pour objet que le bien-être général. Cette vérité a été sentie par les sociétés les plus jalouses de leur liberté ; on les a vu contraintes de se soumettre, au moins pour un temps, à une autorité absolue. Telle fut la dictature à Rome.

Mais à qui confier le pouvoir absolu ? Comment empêcher qu’on n’en abuse ? Le problême est difficile à résoudre. Si l’on donne à un seul l’autorité absolue, il devient un centre unique qui attire tout à lui, & fait servir les forces de l’état à ses propres passions. Remettra-t-on la puissance suprême à un petit nombre de citoyens choisis ? Bientôt ils deviendront les tyrans de la nation. La nation elle-même conservera-t-elle la plénitude de son pouvoir ? Elle ne sait en faire usage, & l’on a écrit mille volumes fur les inconvéniens des démocraties. Au milieu de cet embarras, quel parti prendre ? Il n’en est point de plus sûr que de partager une puissance qui, placée dans les mains d’un seul homme ou d’un seul corps, les mettroit en état d’opprimer. Dans les grands états la forme du gouvernement la plus heureuse paroît être celle où le pouvoir du monarque est subordonné à celui des représentans du peuple, & ces représentans à la volonté de leurs commettans de qui ils tiennent tous leurs droits, dont ils sont les interpretes & non les maîtres.

Quelques nations ont accordé la puissance législative dans toute son étendue à leurs souverains ; d’autres ont partagé ce pouvoir, se réservant à elles-mêmes ou à leurs représentans la faculté de concourir à la loi, de l’accepter ou de la rejetter, de la modifier ou de la changer, de l’examiner, en un mot d’en peser les avantages & les inconvéniens. Quelques peuples ont donné à leurs à chefs la puissance législative & la puissance exécutrice la plus absolue, ce qui constitue la plénitude de la souveraineté. D’autres ont eu la précaution de séparer ces deux pouvoirs, & de les remettre en des mains différentes qui pussent établir une sorte de contre-poids.

Dans les contrées où les souverains s’arrogent le pouvoir le plus indépendant, ils ne se dispensent jamais, en montant sur le trône, de s’assurer, par quelques formalités, de l’obéissance & de l’aveu de leurs sujets. Si les despotes ont des démêlés avec un concurrent au trône, ils invoquent souvent la décision de ces mêmes peuples qu’ils ont outragés, mais qu’ils reconnoissent alors pour les vrais juges de leurs droits.

Je le répète, de quelque manière que le pouvoir souverain soit distribué, il est absolu. Ainsi la plénitude de la souveraineté donne le droit de contraindre tous les citoyens à se soumettre à ce qu’elle ordonne ou à ce qu’elle approuve ; mais lorsque les gouvernemens aristocratiques, monarchiques & despotiques abusent de leurs privilèges, ils renoncent à leur souveraineté, & le peuple rentre dans ses droits.

Une société, en se soumettant de gré ou de force à la volonté d’un monarque ou d’un despote, ne prétendit jamais se soumettre à une volonté injuste, capricieuse, déraisonnable, elle voulut être heureuse : si elle se priva de l’exercice de ses droits, ce fut afin de les remettre entre des mains qui pussent l’en faire jouir plus sûrement ; ce fut pour simplifier une machine qui, devenue trop compliquée par les efforts opposés

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