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lors de son abdication[1]. Il avoit résolu de passer le reste de ses jours avec elle, & il n’osoit pas la déclarer reine. Il est sûr qu’il se conduisit mal après son abdication, & qu’il en perdit bientôt tout le mérite aux yeux mêmes de ses admirateurs. Dès l’année suivante, il fit de vains efforts pour remonter sur le trône. Il redemanda l’acte de son abdication, se présenta à la porte secrète de la citadelle de Turin pour y entrer & s’en rendre maître ; & par ces démarches indiscrètes, propres à troubler l’état, il contraignit son fils à le tenir enfermé à Rivoli, maison royale, où il mourut treize mois après. On assure que la comtesse Saint-Sébastien, femme ambitieuse, avoit eu beaucoup de part à cette intrigue qui la priva elle-même de la liberté.

Est-il permis à un souverain d’abdiquer la couronne ? Le dictionnaire de Jurisprudence ayant traité cette question, nous y renvoyons le lecteur. Nous ajouterons que la plupart des abdications sont suivies de regrets. Voyez Charles-Quint tourmenté au fond de sa solitude ; Christine inquiète, errante, méprisée ; Victor-Amedée intriguant pour remonter sur le trône, & forçant son fils à le tenir enfermé : tel fut le rôle que jouèrent ces monarques après leur abdication.

Abdications forcées. Abdication de Frédéric-Auguste II. Frédéric-Auguste II, par l’article III du traité d’Alt-Ranstadt en 1706, avoit renoncé à ses droits sur la couronne de Pologne, & reconnu Stanislas pour véritable & légitime roi ; & lorsqu’en 1709 il revint, les armes à la main, faire valoir ses anciennes prétentions, il cherchoit à usurper un trône qui ne lui appartenoit pas, & ne lui avoit peut-être jamais appartenu légitimement. Il alléguoit en vain une élection faite par un parti factieux, contre presque toutes les formalités requises, & notamment contre les décrets de la diète de convocation. Son élection se trouvoit annulée d’ailleurs par une assemblée de la nation, qui l’avoit déclaré inhabile à porter la couronne de Pologne, & par sa renonciation expresse ; il avoit tort de fonder l’invalidité de cette renonciation, sur ce qu’elle étoit contraire aux loix de la république : on lui répondoit que son élection elle-même ne leur étoit pas plus conforme. Il alléguoit avec aussi peu de justice la bulle du pape, qui le dispensoit de ses sermens, & lui permettoit de violer, en sûreté de conscience, la fidélité due au traité d’Alt-Ranstadt. Elle ne pouvoit pas rétablir un droit qu’il avoit cédé de la manière Ia plus formelle. Auguste avoit non-seulement reconnu Stanislas pour véritable & légitime roi de Pologne, il lui avoit écrit pour le féliciter sur son avénement à la couronne ; il avoit notifié sa renonciation aux états de la république, & fait publier le traité dans ses états héréditaires de Saxe.

Cependant, à la faveur des conjonctures, il remonta sur le trône de Pologne, qu’il garda jusqu’à sa mort en 1733.

Abdication de Stanislas I, roi de Pologne. Stanislas I, élu deux fois roi de Pologne, la première fois à la faveur des armes victorieuses de Charles XII, la seconde par les suffrages de la nation à la mort de Frédéric-Auguste II, n’en porta jamais que le titre ; mais il l’honora par toutes les qualités d’un grand roi. Quoiqu’il n’eût jamais possédé la couronne, il l’abdiqua, en conséquence du traité de Vienne, en 1738. Nous rapporterons l’acte de cette abdication ; le lecteur verra dans quels termes on exprime une abdication forcée. Cette pièce d’ailleurs est assez intéressante pour la conserver ici.

Acte d’abdication de Stanislas I, roi de Pologne,
signé à Konigsberg le
27 janvier 1736.

« Stanislas premier, par la grace de Dieu, roi de Pologne, grand-duc de Lithuanie, de Russie, de Prusse, de Moscovie, de Samogitie, de Kiovie, de Volhinie, de Podolie, de Podlachie, de Livonie, de Smolensko, de Sévérie, de Czernicowie.

« Les différentes destinées que nous avons éprouvées dans le cours de notre vie, nous ont assez appris à supporter avec force & égalité d’ame les vicissitudes des choses humaines, & à adorer, en quelque situation que ce soit, les décrets de la providence divine. Persuadé donc que la véritable splendeur du trône royal ne brille que par les vertus dignes d’un prince chrétien, & ayant des sentimens qui nous faisoient regarder comme la plus grande victoire de n’être point ébranlés des coups de la fortune ennemie, nous avons conservé, même dans les premiers succès malheureux de la guerre, la même tranquillité d’esprit avec laquelle nous avions vu auparavant les attraits & les caresses de la fortune : la bonté divine a depuis couronné cette fermeté d’ame par l’ëvénement le plus glorieux, lorsque, comblant nos vœux, elle nous a unis, par les liens les plus étroits, avec le roi très-chrétien. Nous ne pensions plus qu’à jouir paisiblement de l’heureux repos qu’il nous avoit procuré ; mais étant appellé de nouveau pour régner sur une nation libre, dans le sein de laquelle nous étions nés & avions été élevés, nous ne nous sommes portés, par aucune autre raison, à condescendre aux vœux de nos concitoyens, que pour ne point paroître nous refuser à nôtre patrie. Tout ce que nous avons supporté dé travaux, & tout ce que nous avons

  1. Il l’avoit épousée le 12 du mois d’août de l’année 1730, & il abdiqua le 2 septembre suivant.