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nent des engagemens particuliers qui, posant pour base le droit de la nature & des gens, y ajoutent de nouvelles obligations, telle, par exemple, que celle de se secourir mutuellement au besoin.

Cette assistance réciproque paroît être le principe le plus ordinaire des alliances ; & quelques auteurs politiques ont défini l’alliance, un traité solemnel, par lequel les parties prennent des obligations mutuelles, soit pour une défense commune, soit pour l’attaque d’un ennemi commun : ce qui divise les alliances en défensives & offensives. Comme les alliances offensives se nomment plus ordinairement ligues ou confédérations, nous renvoyons le lecteur aux articles CONFÉDÉRATION & LIGUE.

Les secours que stipulent les alliances défensives ne sont point universels, indéterminés & sans bornes. Il faut en marquer les limites ; & une convention purement générale, qui ne spécifieroit ni la nature ni la qualité des secours que les parties devroient se prêter, seroit à peu près de nul effet ; à force de trop dire elle ne diroit rien. Les contractans ne sont tenus qu’à remplir la lettre du traité, & dans les cas douteux, & les disputes que produit l’interprétation des articles, on part de ce principe, que chacune des puissances contractantes ne s’est engagée qu’aux conditions les moins onéreuses ; principe commun à tous les traités.

Les alliances semblent avoir été imaginées pour le bonheur du genre humain, pour le repos & la tranquillité des petits états en particulier, ainsi que pour réprimer la force ambitieuse des grands. L’inégalité de forces entre les souverains, d’où naît la nécessité d’établir une sorte d’équilibre ; le maintien du systême de chaque gouvernement ; l’impossibilité où se trouvent certains états de faire valoir seuls & par eux-mêmes leurs droits, leurs prétentions & leurs griefs contre une puissance trop formidable : tels sont les motifs des alliances ; & comme par-tout le besoin fonde les droits, de là tous les souverains & tous les états ont le droit de contracter des alliances.

Les grands états ne doivent pas former des alliances avec de petits souverains, à moins qu’il n’y ait des circonstances particulières qui leur en fassent une loi. On ne peut espérer beaucoup de secours d’un petit prince ; son alliance est peu sûre, parce qu’une puissance ennemie a bien des moyens de l’attirer à son parti. Les petits souverains ont presque toujours donné leur amitié aux plus offrans ; d’ailleurs ils ne peuvent agir par eux-mêmes, & on est obligé de leur payer des subsides qui énervent l’état. Ils ne peuvent pas non plus se défendre par eux-mêmes contre un ennemi puissant ; &, s’ils sont accablés, les dédommagemens deviennent très-considérables. On en a vu des exemples dans la guerre du nord, lorsque le duc de Holstein se déclara pour la Suéde, & fut accablé par la Russie & le Danemarck. La même chose est arrivée avec le duc de Modène dans la dernière guerre d’Italie. S’allier avec de petits princes, sur-tout lorsque leurs états sont voisins de l’ennemi, c’est souvent offrir à l’ennemi plus de prise sur nous. Il vaudroit mieux payer alors ces princes pour être neutres que pour se déclarer en notre faveur. À moins qu’ils n’aient des qualités militaires d’un ordre distingué, ou qu’on ne soit obligé de passer sur leurs terres, il ne convient peut-être pas de rechercher leur alliance ; & même dans ces cas ou d’autres semblables qui sont en petit nombre, il est nécessaire de prendre des précautions pour s’assurer de leur fidélité.

Si l’on voit si souvent les nations alliées renoncer à leurs alliances & changer de parti, c’est que les états ainsi que les particuliers ne s’occupent guères que du moment actuel. Pour sortir d’un embarras où ils se trouvent, ils signent des traités d’alliance les plus contraires à la saine politique. On peut expliquer de cette manière les traités bisarres qu’offre l’histoire de la politique.

Ainsi les Provinces-Unies, peu de temps après la paix des Pyrénées, contractèrent une alliance étroite avec la cour de Madrid qui possédoit les Pays-Bas ; elles craignirent moins la haine de l’Espagne dans l’état de foiblesse où cette monarchie étoit tombée, que l’ambition de la France dont toutes les vues d’agrandissement se tournoient du côté de la Flandre ; elles crurent devoir soutenir un voisin qui leur paroissoit beaucoup moins redoutable que son ennemi ; mais si l’Espagne eût gardé les Pays-Bas, les hollandois se seroient repentis de cette alliance.

Il y a des alliances forcées que les grands ministres ont soin d’éviter.

On assure que, dans le voyage que le Czar Pierre fit en France pendant la minorité de Louis XV, il négocia une alliance entre le roi très-chrétien & la Russie. Mais une telle alliance auroit été forcée, en ce qu’elle ne pouvoit être d’aucun avantage aux deux parties contractantes. Ce n’est que le commerce qui peut unir les cours de Pétersbourg & de Versailles ; & le commerce, à moins qu’on ne traite avec un état purement commerçant, ne l’emporte jamais, & ne doit jamais l’emporter sur les autres intérêts politiques. La Russie, par la situation de ses provinces, doit être plus attachée à la maison d’Autriche qu’à la France, puisqu’elle n’a d’ennemi commun qu’avec la première ; par une diversion favorable, elle protège la Hongrie contre les armes de la Porte ; si elle se lie d’une manière plus intime avec la cour de Vienne, elle en impose davantage au grand-seigneur, qui doit craindre d’être obligé de se défendre sur le Danube, s’il veut porter la guerre sur le Nieper. D’ailleurs cette alliance auroit déplu à la cour de Vienne & à celle de Londres, & la France se seroit rendue suspecte à la Porte & à la Suéde.

Des puissances assez considérables se sont fait une maxime d’être neutres ; elles ne cherchent