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beaucoup. Chaque nouvel empereur promet, de la manière la plus solemnelle, de faire tous les efforts possibles pour reconquérir & rejoindre à l’empire ce qui en a été démembré ; mais, pour peu que l’on réfléchisse à la puissance des couronnes voisines, au peu de forces du corps germanique, à la diversité des intérêts de ses membres, à la forme de son gouvernement, à la lenteur de ses opérations & à mille autres inconvéniens, on verra que ces réunions doivent être mises au rang des projets imaginaires.

L’empire perd des terres ou des provinces d’une autre manière, que l’on nomme l’exemption. Un prince de l’empire (ou même un étranger) acquiert une terre, un pays, ou une province d’Allemagne ; il prend alors à la diète la place de celui qui passe sous son obéissance ; & il paie les contributions que celui-ci devoit payer ; ou bien il ne paie aucune de ces contributions ; il envisage le pays dont il s’est rendu maître comme une conquête absolue, & l’ancien propriétaire comme un vassal. Ces sortes d’exemptions se font à différens titres, par héritage, par les fiefs de l’empire, par une prescription immémoriale, par une soumission volontaire de celui qui est exempté, par les concessions impériales ; & enfin, à l’égard des puissances étrangères, par voie de conquête. C’est ainsi que la France a soustrait à l’empire la ville de Strasbourg, l’Alsace, les Trois-Évêchés & d’autres provinces. On trouve, dans plusieurs auteurs allemands, la liste des pays qui sont tombés au pouvoir d’un autre prince par l’un de ces titres ; mais elle est trop longue, & nous ne la transcrirons pas. La manière la plus dangereuse, c’est lorsqu’un état obtient l’exemption par les concessions impériales qui n’ont aucune borne. On en a vu des exemples fréquens depuis que la maison d’Autriche est revêtue de la dignité impériale. Les empereurs se sont accordé ces sortes de privilèges à eux-mêmes, & ils ont affranchi une grande partie de leurs états, des contributions & des autres charges de l’empire. On a remarqué que cette maison détachoit insensiblement ses propres provinces du lien général de l’empire, dans le même temps qu’elle faisoit semblant de réunir ce qui en avoit été démembré par les étrangers. On a cru devoir arrêter cet abus ; & c’est l’objet de l’article III de la capitulation de l’empereur Joseph, & de l’article VI de celle de Charles VI.

Les empereurs de la maison d’Autriche ont été, à certains égards, les maîtres absolus du corps germanique, & la France seule les a empêché de rendre héréditaire le trône impérial ; ils intriguoient dans les cours des princes d’Allemagne, & ils obtenoient tout ce qu’ils vouloient. Si ces princes n’étoient pas sujets, ils étoient si dévoués à ses volontés & si accoutumés à défendre la maison d’Autriche, que cette maison affermissoit son empire en Allemagne dans toutes les guerres. Lorsqu’elle s’éteignit, la France eut la force & l’adresse de porter l’électeur de Bavière à l’empire ; mais cette opération utile n’a pas eu de suite, la couronne impériale a passé à la maison de Lorraine substituée à celle d’Autriche.

Rapports de l’empire avec la cour de Rome. Les papes n’ont jamais pu obtenir le droit de disposer des évêchés, & les chapitres ont toujours conservé le privilège d’élire leurs évêques. Les empereurs investissoient autrefois ces nouveaux évêques, per annulum & baculum ; Rome négocia si bien, que l’empereur lui céda ce droit d’investiture l’an 1122. Cependant, comme les évêques d’Allemagne sont en même-temps princes, & qu’ils assistent à la diète, ils reçoivent de l’empereur l’investiture de leur dignité temporelle ; le pape les met seulement en possession du pouvoir spirituel & de tous les droits qui y sont attachés. Mais les archevêques, ainsi que quelques évêques, sont contraints d’aller chercher à Rome le Pallium[1] ou manteau épiscopal, sans lequel ils ne peuvent exercer les fonctions de l’épiscopat.

Les allemands se plaignoient si fort des exactions du saint-siège, que l’empereur Frédéric III crut devoir les diminuer ; il fit avec le pape Nicolas V, en 1148, la fameuse convention appelée concordat de la nation germanique, qui a été reçue comme une loi fondamentale de l’empire, mais dont les états protestans ont été déclarés libres & exempts par la paix de religion, & par celle de Westphalie.

D’après ce concordat, 1o. les bénéfices ecclésiastiques à Rome, & à deux journées à l’entour, sont demeurés à la disposition du saint-siège.

2o. Dans les chapitres d’Allemagne, l’élection canonique a lieu, & le pape ne se réserve que la confirmation.

3o, Le pape & les évêques disposent alternativement des petits bénéfices.

4o. Le pape donne les bénéfices qui viennent à vaquer dans les mois de janvier, mars, mai, juillet, septembre & novembre, que l’on nomme menses papales.

5o. Les évêques disposent de tout ce qui vient à vaquer dans les autres six mois, que l’on appelle menses épiscopales. On a observé que Ja cour de Rome s’est réservée les mois qui ont trente un jours.

6o, On donne une somme d’argent au pape pour les annates ou revenus de la première année que

  1. Le pallium est tissu de laine de deux agneaux choisis parmi ceux que nourrissent les religieuses de sainte Agnès à Rome : on les bénit sur l’autel, le 31 janvier. Les prix d’achat & de transport montent à plus de vingt-cinq mille écus d’Allemagne ; &, pour comble de malheur, cette dépense est renouvellée a chaque élection d’un nouvel archevêque,