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ne peut se décider qu’en distinguant deux espèces de monarchies ; dans les unes, le monarque est absolu, & dans les autres, son pouvoir est limité par la loi. Il est certain que l’exercice de la puissance impériale est réglée par des capitulations, & que l’empereur n’a pas plus de pouvoir sur les princes, qu’un canton suisse n’en a sur les autres. Les états, en lui prêtant serment de fidélité, se réservent leur indépendance & leurs privilèges. Les jurisconsultes dont nous avons parlé plus haut, soutiennent que l’empereur n’est qu’un magistrat, chargé de titres pompeux & stériles, & que la souveraineté réside dans les états. Il faut convenir que dans la capitulation que l’empereur jure d’observer, les électeurs lui prescrivent ce qu’il doit faire, & qu’ils se réservent le droit de lui désobéir, s’il viole ses engagemens. Cette capitulation prouve simplement que sa puissance n’est pas absolue, & qu’il est des cas où la désobéissance ne peut être regardée comme criminelle. Le chef de l’empire ne déroge point au droit de souveraineté, lorsqu’il s’engage à observer les loix fondamentales, à demander le conseil des états dans les affaires publiques, à ne point changer les législations, à n’introduire aucune nouveauté dans le culte, à ne faire ni la paix ni la guerre sans le consentement de la nation. C’est en conséquence de ces engagemens que les états de l’empire promettent de sacrifier leur fortune, & leurs vies pour la cause commune.

La puissance impériale est beaucoup moins étendue que dans les monarchies, où la puissance du monarque est restreinte par la loi ; dans celles-ci, les premiers de l’état lui doivent compte de leurs actions, & il ne peut être cité à aucun tribunal ; il lève des tributs & des armées, &, par la raison ou sous le prétexte du bien public, il peut soumettre la fortune de ses sujets à ses volontés, pour soutenir des guerres justes ou d’ambition. L’empereur d’Allemagne ne jouit point de ces privilèges ; ses intérêts sont absolument distingués de ceux des états. Les princes qui composent le corps germanique, font des alliances avec les autres puissances sans sa participation ; & lorsqu’ils se croient lésés, ils lui déclarent la guerre. Il y a encore une autre différence dans les prérogatives de l’empereur ; un monarque peut disposer des forces de l’état, il est général né de ses armées, il en dirige à son gré les opérations ; il est l’ame & l’esprit qui font mouvoir tout le corps. L’empereur, quoique chef d’une nation nombreuse, n’a pas le même privilège ; c’est avec ses propres revenus qu’il soutient l’éclat de sa dignité ; il n’y a point de trésor public ; les états ne lui entretiennent point d’armées ; chaque prince dispose à son gré de ses troupes & du revenu de sa souveraineté. Lorsqu’il est pressé par des guerres, il est obligé de mendier des secours d’hommes & d’argent, que souvent on lui refuse, ou qu’on lui fournit avec épargne. Il est une autre espèce de servitude qui le met au-dessous des rois ; une ancienne coutume, confirmée par la Bulle d’or, assujétissoit l’empereur, dans de certains cas, à comparoître devant le comte Palatin, pour rendre compte de ses actions. Les trois électeurs ecclésiastiques citèrent Albert I à ce tribunal ; mais il étoit trop puissant pour obéir : au lieu de répondre, il prit les armes contre ses accusateurs : c’est le seul exemple que l’histoire nous fournisse de l’exercice de cette loi.

Quelques écrivains allemands ont prétendu que leur gouvernement étoit populaire, & qu’eux seuls jouissoient du droit de citoyens, qui consiste à être admis dans les délibérations, & à donner sa voix dans les affaires publiques. Il faut avouer que c’est une étrange démocratie. La constitution politique d’Allemagne n’a aucun trait de conformité avec les républiques populaires de l’ancienne Grèce ; & ce gouvernement, qui n’est formé sur aucun modèle, n’en servira jamais à d’autres. C’est un corps monstrueux qu’on ne peut réformer sans le détruire ; ses membres sont trop inégaux pour en faire un tout régulier ; c’est une confédération de peuples libres, semblable à celle qui étoit entre les romains & les latins. Les Allemands, sous leur empereur, ressemblent encore aux grecs, qui se réunissent sous Agamemnon, pour venger, contre Troie, l’injure de Ménélas.

Section XIXe.
Des loix fondamentales de l’empire.

Les loix fondamentales de l’empire sont ou écrites ou coutumières. À l’égard de celles qui sont écrites, on peut dire, avec les plus habiles jurisconsultes, que ce sont des conventions faites entre l’empereur & les états de l’empire, par lesquelles on régla la forme & le systême de la république, soit en entier, soit en partie. Ce qu’on appelle, dans la jurisprudence, l’interprétation authentique des loix fondamentales, n’appartient qu’à l’empereur & aux états de l’empire conjointement.

Bulle d’or. La première de ces loix fondamentales est appellé la bulle d’or ; elle tire cette dénomination du grand sceau d’or aux armes impériales, qui y est attaché. Elle fut publiée en 1356, sous le règne de l’empereur Charles IV, à la diète de Nuremberg & à celle de Metz ; elle contient plusieurs réglemens sur la manière d’élire l’empereur & de le couronner ; elle fixe les droits des électeurs ; elle règle la cour de l’empereur, elle établit les officiers du palais, & détermine leurs fonctions. L’original de cette loi, écrite en langue latine & en caractère gothique, est conservé comme un monument très-précieux, dans la ville de Francfort sur le Mein, où se fait ordinairement l’élection de l’empereur. Toutes les cérémonies qu’elle prescrit, & dont quelques-unes sont assez bisarres, s’observent encore aujourd’hui