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monde connoît la fameuse devideuse, mère de Gérard Douw, gravée par Wille.


(161) Mathias Preti, dit le Calabrese, né d’une famille noble à Taverne, dans la Calabre, au royaume de Naples, en 1613, reçut les premières leçons de son frére, qui étoit directeur de l’académie de Saint Luc, à Rome ; & se mit ensuite, à Bologne, sous la conduite du Guerchin. Après avoir passé quinze ans dans cette école, il alla étudier à Venise les ouvrages du Titien, du Tintoret, de Paul Véronese, & à Parme ceux du Correge. Avide de connoître tout ce qui avoit de la réputation, il fit le voyage de Paris pour voir les tableaux du Vouet, & ayant admiré la galerie du Luxembourg peinte par Rubens, il voulut en connoître l’auteur & alla lui faire une visite à Anvers. Ce grand maître lui fit présent d’un tableau représentant Hérodiade qui tient la tête de Saint Jean. Le Calabrese parcourut ensuite l’Allemagne, cherchant d’habiles artistes & n’en trouvant que fort peu.

Il réussit principalement dans les grands ouvrages à fresque. L’habitude de peindre en ce genre lui donna celle de colorer vigoureusement à l’huile, mais de tenir les ombres trop noires ; pratique qu’il pouvoit avoir conservée du Guerchin. D’ailleurs on remarque de grandes beautés dans ses ouvrages ; une manière fière, de belles têtes & de belles mains bien dessinées, un grand caractère, de la majesté dans l’invention, de la richesse dans les détails, de la variété dans l’ordonnance. Il aimoit à choisir des sujets sombres, comme son coloris. Le ton de ses tableaux est souvent bleuâtre. Il mourut à Malthe en 1699, âgé de quatre-vingt-six ans. Il étoit commandeur de Syracuse, & jouissoit d’une aisance qui lui permettoit de soutenir avec dignité la noblesse de son art & celle de sa naissance.

Capana & Beauvarlet ont gravé chacun un tableau de ce peintre, de la galerie de Dresde : le premier représente Saint Pierre délivré de prison ; le second, l’incrédulité de Saint-Thomas.


(162) Pierre de Laar, dit Bamboche, de l’école Hollandoise, naquit vers 1613 dans la petite ville de Naarden. On sait qu’il témoigna de bonne heure son inclination pour la peinture, & que ses parens, qui vivoient dans l’aisance, lui permirent de suivre son goût ; mais on ignore quels furent ses maîtres. Il étoit encore jeune, quand il fit le voyage de Rome, où il se fit assez de réputation pour vendre ses ouvrages fort cher. Il y fut lié avec le Poussin, Claude Lorrain & Sandrart. Sa personne étoit très difforme ; ses mœurs & son esprit très aimables. Le vice de sa conformation le fit ap-


peller par les Italiens Bambozzo & Bamboché par les François.

Il représentoit ordinairement des chasses, des attaques de voleurs, des fêtes publiques, des divertissemens champêtres. On assure que c’est de son surnom, que les tableaux qui représentent des actions de la vie privée ont été nommésbambochades. Son dessin étoit spirituel, sa couleur vigoureuse & vraie, son génie fertile, ses compositions variées ; sa mémoire si heureuse qu’il pouvoit représenter fidélement ce qu’il n’avoit vu qu’une fois. On assure que le plus souvent il peignoit les vues de mémoire. Il exprimoit avec une facilité très rare les vapeurs plus ou moins épaisses dont l’air est plus ou moins chargé suivant les différentes heures du jour, ou les différentes variations de l’athmosphere. Ses compositions étoient ordinairement enrichies d’un grand nombre de figures d’hommes & d’animaux, ornées d’architecture, animées par des vues maritimes. Il ne se mettoit jamais à l’ouvrage qu’après avoir monté, en quelque sorte, son esprit au ton dont il avoit besoin, en jouant de quelqu’instrument.

Après seize ans de séjour à Rome, il se rendit aux vives solicitations de sa famille & revint dans sa patrie. Non seulement on s’empressa d’acheter les ouvrages qu’il y fit, mais on fit venir, en plus grand nombre qu’il fut possible, de ceux qu’il avoit faits un Italie. On a prétendu qu’il étoit mort de chagrin de se voi préférer Wouwermans qui donnait ses tableaux a plus bas prix. Ce fait rapporté par Houbraken a été copié depuis par le plus grand nombre des auteurs qui ont écrit la vie de ce peintre : mais, comme le remarque M. Descamps, Houbraken n’a fait que suivre, en cette occasion, Florent le Comte, écrivain peu exact pour ce qui regarde les peintres Flamans. Weyermans, auteur plus digne de foi, rapporte que le Bamboche, à qui sa conformation n’avoit jamais laissé qu’une santé délicate, sentit vers l’âge de soixante ans, augmenter ses infirmités ; qu’alors cet homme dont le vif enjoument avoit fait le charme des sociétés, tomba dans une noire mélancolie, & devint insupportable à lui-même & aux autres, & que cet état le conduifit au tombeau en 1673 ou 1674.

Le roi posséde trois tableaux de Bamboche, dont deux sur toile ; on en voit le même nombre au palais-royal.

Corn. Wisscher a gravé, d’après ce peintre, un maréchal ferrant, des voleurs de nuit éclairés par la lune, un paysan & une paysanne gardant des vaches & des chèvres, un four à briques. Bamboche a gravé lui-même à l’eau-forte quelques unes de ses compositions.


(163) Jacques Van Artois, de l’école Flamande, naquit à Bruxelles en 1613. On ne


connoit