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Baudet : son burin n’etoit pas propre à imiter le pinceau de l’Albane.

Le génie de ce peintre l’entraînoit toujours vers les graces badines, de il savoit les introduire sans effort & sans manquer aux convenances, même dans les sujets les plus graves : c’est ce que prouve son tableau de la Vierge & de l’Enfant-Jésus. Le divin enfant, qui est sur les genoux de sa mère, s’empresse de prendre des fleurs que deux anges lui offrent dans un vase de porcelaine, tandis qu’un autre fait courber avec force une branche d’arbre, pour faciliter à la Vierge le moyen d’y cueillir un fruit. Ce tableau est précieux pour la couleur & pour la beauté des têtes.


(92) François Sneyders, de l’école Flamande, né à Anvers en 1579, fut élève de Van-Balen. Il ne peignit d’abord que des fruits, & dès-lors il excita l’admiration de ceux qui virent ses ouvrages. Voulant ensuite s’essayer dans un genre plus difficile, il se mit à peindre des animaux, & surpassa tous ceux qui l’avoient précedé dans ce genre, & même tous ceux qui l’ont suivi. Rubens applaudit le premier aux talens de Sneyders, & lui rendit une sorte d’hommage, en l’invitant à peindre dans ses tableaux les animaux & les fruits.

On a écrit que Sneyders avoit voulu voir l’Italie, qu’il y fit un long séjour, que les ouvrages de Benedetto Castiglione le piquèrent d’émulation, & qu’on doit la grandeur de son talent aux efforts qu’il fit pour surpasser le peintre Génois. Nous en croirons plutôt l’historien des peintres de la Flandre, M. Descamps, qui assure que Sneyders ne quitta la ville où il avoit pris naissance, que pour demeurer quelque temps à Bruxelles, où il fuappellé par l’Archiduc. Il est surtout fort peu vraisemblable & même impossible qu’il ait dû ses progrès aux ouvrages du Benedetto, qui avoit dix-sept ans moins que lui. En supposant que le Benedetto se soit distingué dès l’âge de 25 ans, cette époque répond à l’année 1641, & l’on sait que Sneyders peignit les animaux dans des tableaux de Rubens qui mourut en 1540. Il fit aussi quelquefois les fonds de paysages dans les tableaux de ce grand maître. Il savoit si bien s’accorder avec lui pour les teintes & pour la touche, que l’ouvrage entier sembloit être d’une seule main. Rubens & Jordaens lui rendirent quelquefois aussi réciproquement le service de faire les figures d’hommes dans ses peintures d’animaux.

Un tableau représentant une chasse au cerf assura la réputation & la fortune de Sneyders. Le roi d’Espagne vit cet ouvrage, & voulut avoir de la même main plusieurs grands sujets de chasses & de batailles : l’archiduc Albert,


gouverneur des Pays-Bas, le fit son premier peintre. Sneyders se réposoit des grandes entreprises dont il étoit chargé par des tableaux de chevalet mais il n’en a pas sait un assez grand nombre pour qu’ils soient fort répandus.

On admire dans les ouvrages de ce peintre la manière grande & vraie dont il a traité les animaux, la touche fière & sûre dont il les a caractérisés suivant leurs espèces différentes, la richesse, la variété, le mouvement, la vie, dont il animoit ses compositions, la beauté, la franchise, la facilité de son pinceau, la vigueur & l’éclat de son coloris, digne d’être associé à celui de Rubens. Il est inutile d’avertir qu’il traitoit avec le même talent & la même vérité un genre inférieur, tel que les fruits, les ustensiles de cuisine, &c. ; mais on peut observer qu’il peignoit bien le paysage, & qu’il n’etoit pas absolument inhabile à peindre la figure humaine, quoique, pour cette partie, il ait souvent imploré des mains plus savantes. Il a fait lui-même son portrait. Il est mort à Anvers, en 1657, âgé de soixante & dix ans.

Entre quatre tableaux de ce maître qui sont au cabinet du roi, on distingue surtout une chasse au sanglier, dont on connoît des copies multipliees, & un tableau de fruits & de légumes.

Sneyders a gravé lui-même à l’eau-forte, d’une pointe fière & spirituelle, seize feuilles d’animaux ; on regrette qu’il n’en ait pas gravé davantage. Vorsterman a gravé d’après ce maître une chasse à l’ours.


(93) Jacques Cavedone, de l’école Lombarde, naquit à Sassuolo dans le Modenois, en 1580. Chassé fort jeune de la maison paternelle, obligé de chercher la subsistance dans la maison d’un gentilhomme qui le prit à son service, il copia à la plume quelque tableaux de son maître, qui fit voir ses essais au Carrache ; Annibal encouragea le jeune homme, lui prêta des dessins, lui donna des conseils, & le reçut enfin dans l’on école. Cavedone y fit les plus grands progrès, alla étudier à Venise la couleur du Titien, & tâcha de s’identifier les graces moëlleuses & la belle manière de peindre du Corrége, Il fut à son retour admiré d’Annibal, & les connoisseurs trouverent qu’il avoit plus de rondeur, & même plus de pureté que ce maître, & que les compositions étoient plus séduisantes.

Le Cavedone étoit la gloire de l’école de Bologne ; le malheur en fit un artiste médiocre, & finit par le réduire bien au dessous de la médiocrité. La superstition accusa sa femme de sortilége, & cette accusation absurde, mais si dangereuse, se plongea dans la plus vive affliction ; la perte de son fils, qui lui fut en-


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