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d’égards l’un des plus beaux ouvrages du maître ; on y trouve une belle conduite d’ombres & de lumières, une rondeur & une force merveilleuse : mais la figure de la Vierge parut ignoble ; on crut voir le corps d’une femme noyée & l’on trouva le tableau indigne de la majesté d’un temple. Ce n’est pas le seul reproche qu’on fasse à cet ouvrage : la femme assise, la tête penchée, & couverte de ses mains indique plutôt qu’elle ne montre une belle expression de douleur ; mais dans plusieurs autres figures, la tristesse est basse au lieu d’être naturelle : on s’apperçoit dans la composition que l’auteur s’est trouvé embarrassé d’avoir onze figures à placer. La machine est d’un grand effet, le pinceau est fier ; mais la couleur est dure, & les ombres sont si noires que le premier coup-d’œil est rebutant. Le portrait d’Adolphe de Vignacourt, grand maître de Malthe, ouvrage qui procuré à l’auteur la croix de chevalier servant, est digne des plus grands éloges. On n’a pas craint de le comparer au Titien pour la vérité, la force & la suavité de la couleur. Le tour de la figure principale est imposant, l’effet est de la plus grande fierté, la tête du grand maître & celle du page sont admirables ; les accessoires, tels que l’armure, le casque, le panache sont travaillés avec un grand art & une extrême vérité. Le tableau de la Bohemienne a un grand mérite de couleur ; mais il est sur tout notable par la vanité de l’auteur. Il l’opposoit à ceux de Raphaël, & croyoit prouver par cet ouvrage qu’il est inutile d’étudier les chefs-d’œuvres de ce maître & des statuaires antiques.

Le portrait d’Adolphe de Vignacourt a été gravé par Larmessin qui n’en a pas fait connoître les beautés. S. Vallé a gravé la mort de la Vierge ; Benoit Audran, la Bohemienne. Ces ouvrages auroient demandé la pointe ou le burin des graveurs formés par Rubens.


(84) Jean Lys appartient à l’école Allemande par sa naissance à Oldenbourg, & à la Flandre pour son éducation, puisqu’il fut élève de Henri Goltzius. Sa première manière fut celle de son maître ; mais dans ses voyages en Italie, il tâcha de se rendre propre celle des maîtres Vénitiens. Il s’apperçut trop tard qu’il n’avoit pas suivi la meilleure route, & devenu admirateur de l’antique, il en recommandoit fortement l’étude à ses élèves, ajoutant avec douleur qu’il avoit passé le temps où il auroit pu suivre pour lui-même le conseil qu’il leur donnoit.

Il peignoit en grand & en petit, &, dans ces différentes proportions, ses tableaux étoient également recherchés. Il montroit de l’esprit dans l’expression & dans la touche de ses figu-


res ; il leur donnoit des attitudes & des ajustemens gracieux, & plaisoit par la couleur & par la délicatesse du pinceau. Son paysage est bien entendu & bien traité. Il a souvent peint des mascarades, des fêtes, des concerts, & mêloit quelquefois le costume antique avec les ajustemens Vénitiens. Houbraken l’égale aux plus grands maîtres. Son dessin, dit M. Descamps, est quelquefois sort beau, sa couleur toujours vigoureuse, son pinceau moëlleux & ses compositions pleines d’esprit : heureux s’il eût joint une meilleure conduite à ses talens, & s’il n’eût pas partagé sa vie entre la crapule & l’art. Après avoir séjourné long-temps en Flandre, il retourna à Venise & y mourut de la peste en 1629.

J. Visscher a gravé d’après ce peintre le ravissement de Saint Paul.


(85) Pierre ou Peter Néefs, de l’école Flamande, né à Anvers, s’est acquis, dans un genre inférieur, une très grande célèbrité. Elève de Stéenvick, il representa des intérieurs d’églises gothiques. Plaçans avantageusement tantôt un mausolée, tantôt un buffet d’orgues, il interrompoit l’uniformité d’effet que doit causer une seule lumière dans un bâtiment régulier, & rendoit piquant ce qui menaçoit d’être froid. C’est ainsi qu’il n’est aucun genre qui ne puisse recevoir un charme séduisant de la belle entente du clair-obscur. Il suivit d’abord la maniere sombre de son maître ; mais il fit dans la suite des tableaux clairs, & ce sont les plus estimés. A la bonne couleur, ses tableaux joignent le mérite de la perspective aërienne : une vapeur dégradée y fait reculer les objets, marque leur dégré de distance. Quand on trouve des figures dans ses tableaux, elles sont d’une main étrangère. On ignore l’année de sa naissance & celle de sa mort.


(86) Adam Etzheimer, de l’école Allemande, naquit à Francfort en 1574. il est connu en Italie sous le nom du Tédesco : dire qu’il fut estimé dans cette patrie des arts, c’est faire son éloge. Il eut pour père un tailleur qui reconnoissant dans son fils une passion violente pour la peinture, le plaça chez un peintre estimé que le jeune élève eut bientôt surpassé. Adam, ne pouvant plus trouver d’exemples ni de leçons dans sa patrie, passa en Italie, & y fit des progrès rapides. Il peignit en petit, donna le plus beau fini à ses ouvrages, & se distingua par une imitation fidelle de la nature. Il avoit une mémoire si heureuse qu’il lui suffisoit de l’avoir examinée, pour la copier avec une étonnante précision. Ce fut ainsi qu’il représenta de souvenir la Villa Madama : rien ne fut oublié, il rendit les arbres & leurs formes, & sans s’arrêter uniquement


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