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les peintres appellent bien empâter. Les couleurs à l’huile ont l’avantage de pouvoir se mêler facilement par le maniement du pinceau ; mais aussi il est à craindre qu’à force de les tourmenter, on n’en faise perdre la fraîcheur, surtout dans les carnations, & qu’elles ne deviennent sales & terrestres. C’est pourquoi, pour ne pas gâter ainsi les couleurs, il y a des peintres qui finissent en hachant avec des teintes participantes, ce qui réussit admirablement dans les grands ouvrages.

Pour obvier à cet inconvénient, il y a deux choses à observer : la première est de s’accoutumer à peindre & à mêler ses couleurs avec promptude & légéreté de pinceau, ensorte que, s’il étoit possible, on ne passât pas plus de deux fois sur le même endroit. La seconde est qu’après avoir ainsi mêlé légérement ses couleurs ensemble, il faut prendre soin de ne retoucher par dessus qu’avec des couleurs vierges & fraîches, qui conviennent aux endroits où on les met, & qui soient de même ton que celles qui auront déja été peintes & mêlées par-dessous. Pour apprendre à peindre de cette sorte, il n’y a rien de mieux à faire que de copier quelques morceaux du Corrége & de Van Dick pour la légéreté du pinceau ; & d’autres de Paul Véronese & de Ruben, pour les teintes vierges.

Plus un tableau est nourri de couleur, lorsqu’elle est pure, & qu’elle n’est pas patrouillée avec d’autres couleurs des dessous, plus il conserve d’éclat en vieillissant. Aussi n’approuvet’on pas l’usage de quelques peintres qui finissent leurs tableaux sur les ébauches, en mettant peu de couleurs & beaucoup d’huile, comme s’ils ne faisoient que glacer : quelque fois même ils se servent d’huile de térébentine pour faire couler la couleur plus aisément : c’est le moyen d’expédier de l’ouvrage ; mais cette prat que est dangereuse. Avec le temps, les tableaux semblent n’être plus apperçus qu’à travers un brouillard coloré, & perdent toute leur vivacité, parce que la trop grande quantité d’huile, & surtout de celle de térébentine, absorbe & fait mourir les couleurs. (Elémens de peinture pratique.)

COULEURS. (Choix des couleurs.) Il m’a paru que les couleurs à préférer pour la peinture a l’huile, sont les terres en général, telles que

L’ochre jaune.

L’ochre de rut, brulé & non-brulé.

La terre de Sienne aussi brulée ou non brulée, est excellente.

La terre d’Italie a le même avantage : elle est superbe après i’action du feu.

J’estime fort le brun-rouge, aussi brulé.

Le jaune de Naples ne se brule pas : c’est-à-dire, qu’il n’éprouve aucun changement après avoir passé au feu.

Les terres de Cologne & de Cassel sont brunes, grasses, & par cette raison difficiles à sécher.


Les noirs d’ivoire, de pêches & de charbon, sont très-bons : surtout celui de racine de vigne qui mérite d’être distingué par sa légéreté, & par les tons argentins qu’il procure. Il produit un merveilleux effet dans les ciels.

Les stils de grain sont de très-mauvaises couleurs ; ils sont susceptibles de s’évaporer & de noircir. Les anciens peintres ne les connurent point ; c’est Antoine Coypel qui le premier en a fait usage en France lorsqu’il peignoit la galerie du Palais Royal. On a pu voir le mauvais effet qu’ils ont produit.

Les orpins ne sont pas toujours bons : mais on peut les rendre moins mauvais en les purifiant de la maniere suivante. Il faut mettre l’orpin dans un vase de terre, le couvrir d’esprit de vin, & y mettre le feu : laisser évaporer la liqueur, & lorsqu’elle est absolument absorbée, laisser réfroidir. Ensuite, avec la pointe d’un couteau, on enléve la croute noire qui est sur la couleur. Il faut avoir attention de ne pas respirer sur le vase, tant que la couleur est en évaporation.

Je me suis servi du cinnabre avec succès, tel qu’il le trouve dans la mine : il est peut être préférable en cet état par son éclat & sa bonté.

Le vermillon de Chine doit avoir la préférence sur tous les autres : il a un éclat, une affinité, une solidité dont les autres sont privés.

Le beau bleu de Berlin est peut-être, du moins à plusieurs égards, préférable à l’outremer. Il s’incorpore mieux avec les autres couleurs, & ne s’en sépare pas.

La lacque de Venise est la meilleure. On peut connoître sa bonté par l’épreuve du jus de citron.

(Cette note a été trouvée dans les papiers de M. Watelet. On voit que l’auteur est un peintre, puisqu’il appelle plusieurs fois en témoignage sa propre expérience. Les liaisons de M. Watelet avec M. Pierre, premier Peintre du Roi, pourroient faire soupçonner qu’elle est l’ouvrage de cet artiste.

COULEURS. (Remarques sur leur altération par le contact de la lumière, de l’air, & de différentes vapeurs.) Les matières colorées qu’on employe dans la peinture sont, presque toutes, des terres plus ou moins fines, unies à des chaux métalliques. Souvent même ce sont des chaux métalliques toutes pures qui ont subi quelques préparations particulières. Le zinc, le fer & le cuivre fournissent la plûpart des couleurs.

La chymie apprend que toutes ces préparations sont susceptibles de s’altérer par le contact de la lumière. Les chaux de zinc, d’argent, de mercure, prennent des couleurs plus ou moins vives, & se rapprochent d’autant plus du noir, qu’elles ont été exposées plus longtemps, ou d’une manière plus directe, aux rayons du soleil.

L’influence de la lumière sur les végétaux, &