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CIN CIN 451

CINNABRE. (subst. masc.) C’est, dit M. Valmont de Bomare, en quelque sorte, la mine de mercure la plus connue, & qui, par une méchanique accidentelle & naturelle, a été combinée dans des cavités souterraines, avec un quart de son poids, & même plus, de soufre plus ou moins pur ; ensuite sublimée par des feux locaux aux voûtes des mines où cette substance se trouve. Du moins le procédé dont on se sert en chymie, pour en faire d’artificiel, fait présumer que les choses se passent ainsi.

Ainsi le cinnabre n’est que du mercure minéralisé par le soufre. Les anciens l’ont connu sous le nom de minium, qu’il ne faut pas confondre avec celui des modernes ; car notre minium n’est qu’une chaux rouge do plomb.

Lorsque le cinnabre est en masse, les parties dont il est formé sont disposées en aiguilles ou stries de couleur rouge ; en certains endroits, on croit appercevoir une couleur grise & brillante ; mais quand il est bien divise, & bien broyé sur le porphyre, sa couleur rouge devient de la plus grande beauté.

Le cinnabre qui se trouve dans le commerce est une production de l’art, que l’on doit à l’industrie des Hollandois. Ce n’est pas que les chymistes de toutes les nations ne sachent faire du cinnabre ; tous l’obtiennent en sublimant du soufre avec du mercure ; mais on semble avoir abandonné jusqu’ici aux Hollandois cette opération en grand.

Voici les détails que donne sur cette manipulation l’auteur du Traité de la peinture au pastel.

« Il faut d’abord faire fondre, dans un creuset, une livre, par exemple, de soufre en poudre, avec quatre ou cinq livres de mercure. On mêle bien ces deux matières. Quand elles commencent à se combiner, elles s’enflamment. On couvre le creuset pour étouffer la flamme, après l’avoir laissé durer deux ou trois minutes : la matière est alors ce qu’on nomme de l’œthiops. On la tire du creuset, on la pulvérise, on la tient près du feu pour l’entretenir presque brûlante. On prend un grand matras de verre, on le place dans un bain de sable, & l’on met dans le cou du matras un entonnoir qu’on lutte bien. On passe par l’ouverture de l’entonnoir une baguette de verre, afin de pouvoir de temps en temps remuer l’œthiops : mais cette baguette porte un bourrelet ou noyau de lut, en forme d’anneau coulant, pour ferme tout passage à l’air, & faciliter le moyen d’introduire de nouvel œthiops dans le matras ; car il ne faut le mettre que par parcelles. On chausse doucement le vaisseau ; en augmente le feu jusqu’à faire rougir le fond du matras. A mesure que l’œthiops se sublime, on en ajoute de nouveau par l’entonnoir


qu’on referme aussitôt ; & l’on entretient le feu, jusqu’à ce que toute la matière se soit convertie en cinnabre par la sublimation. »

Je trouve, dans une note d’un célèbre chymiste, qu’on a reconnu qu’il ne falloit qu’en viron une partie de soufre, pour minéraliser sept parties de mercure.

Il ne faut jamais acheter le cinnabre en poudre, si l’on veut être sûr de ne pas avoir ce que les modernes appellent du minium pour du cinnabre. On le choisit en belles pierres, fort pesantes, brillantes, à longues aiguilles & d’une belle couleur rouge. Le minium, quoique plus orangé, lui ressemble ; mais en prenant le cinnabre en pierre, on ne peut être trompé.

Il est d’un rouge à peu-près écarlate quand il est broyé. Les peintres à l’huile craignent cette couleur, & sont persuadés, les uns, qu’elle ne résiste pas à l’air, les autres, qu’elle noircit. Cependant le savant auteur du Traité de la peinture au pastel, assure qu’il n’est pas à craindre qu’elle change, même à l’huile, pourvu qu’elle ne soit pas mêlée de minium.

« Il est constaté, dit-il, que le mercure, dans l’état de cinnabre, ne se prête à l’action d’aucun dissolvant, parce qu’il est défendu par le soufre, & ne conserve aucun caractère salin. Qu’on l’expose à la vapeur du foie de soufre, ou qu’on en verse dessus, il n’en reçoit pas la plus légère impression. Quelle vapeur assez putride pourroit donc l’altérer, s’il résiste à cette épreuve ? Presque tous les peintres à l’huile, ceux de Londres sur-tout, prétendent qu’il noircit. Je le crois bien. C’est pour l’ordinaire du vermillon qu’ils employent ; c’est-à-dire, un mêlange de cinnabre & de minium, qu’on a même lavé peut-être avec de l’urine, comme le prescrit un petit livre composé sur la miniature ; ce qui ne peut que disposer encore plus ce mêlange à s’altérer. Or comment ne noirciroitil pas dans des villes chargées d’autant d’exhalaisons fétides que Londres & Paris ? »

On dit dans la note dont nous avons parlé, que, pour reconnoître si le cinnabre est altéré par le minium, il suffit de le mettre en digestion avec du vinaigre. Alors la couleur changera ; le vinaigre perdra son acidité, & prendra un goût sucré & nauséabonde. Si l’on fait l’essai sur une petite quantité de cinnabre, il ne faut employer que peu de vinaigre pour reconnoître plus facilement le minium. Dans le cas où l’on craindroit de goûter la dissolution qui aura été faite par le vinaigre, il faudra rapprocher, par l’évaporation, la dissolution, ensuite en verser quelques gouttes dans un verre d’eau de puits. Si l’eau se trouble & devient laiteuse, c’est une preuve certaine que le cinnabre contient du minium. Les autres terres métalliques qu’on auroit pu ajouter pour augmenter la couleur,