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en voyant son ouvrage devenu colorié, si c’est le graveur qui a su profiter d’un jeu de la nature, ou la nature qui, sans y avoir été forcée, a fait l’opération toute seule. »

« On voit de ces camées qu’une main industrieuse a rendu très-singuliers & infiniment agréables. Dans les uns, c’est une tête, ou bien ce sont des figures entières représentées en bas-relief, lesquelles ont été épargnées dans un morceau d’agathe où se sont rencontrés deux lits de différentes couleurs, couchés l’un sur l’autre, l’un blanc, & l’autre de toute autre couleur qu’on voudra supposer : les figures ont été taillées dans l’épaisseur du premier lit, & le second lit qui est demeuré entier & resté à découvert, sert de fond à ces figures, qui, par cette opposition de couleurs, prennent un grand relief, & se dessinent beaucoup mieux sur leur champ que si la pierre n’étoit que d’une seule couleur : la gravure ne feroit que l’effet d’un simple bas-relief de marbre, & elle imite un tableau peint en clair-obscur. Dans d’autres camées, où les couleurs de l’agathe sont plus mêlangées & plus diversifiées, on verra, par exemple, une tête, mais dont la coëffure, la barbe, les cheveux, les draperies, la chair même, se peignent d’une couleur qui approche du naturel. Effets du hasard qui, saisis par un graveur intelligent, produisent quelquefois des tons de couleur si vrais, & dont l’application est si juste, & la rencontre si heureuse, qu’on ne sait souvent lequel admirer le plus ou de l’ouvrage de l’art, ou de celui de la nature. »

« Que ne puis-je, pour le mieux faire appercevoir à mes lecteurs, mettre sous leurs yeux cette admirable sardoine-onyx que M. Crozat montroit comme un des morceaux qui faisoit le plus d’honneur à son cabinet, & qui se trouve actuellement dans celui de M. le Duc d’Orléans (*) ? Dans un assez petit espace, elle renferme trois têtes de femmes d’une beauté ravissante, toutes trois de profil, rangées l’une sur l’autre, sur trois plans différens, & ce qu’on appelle accollées. Les chairs légérement teintes en quelques endroits d’un incarnat qui leur donne de la vie, sont restées blanches, sans que cette couleur se mêle avec celle du fond ni avec celle des draperies dont chaque tête est voilée, & qui sont coloriées d’un beau rouge. Car il ne sera pas hors de propos de remarquer que c’est un grand défaut dans un camée, lorsque la couleur qui peint les objets qu’on y voit


représentés, participe en quelque partie, & principalement sur les extrêmités, de la couleur de l’objet voisin, ou de celle du fond. Il faut que toutes les couleurs tranchent net, & qu’elles ne se boivent pas, comme s’expriment les gens du métier. Les plus beaux camées sont antiques. »

Quoiqu’on n’ait parlé dans cet article que des gravures exécutées sur des pierres qui ont des lits diversement coloriés, on grave cependant aussi en bas-relief sur des pierres d’une seule couleur. Le travail en est moins difficile ; mais il est aussi moins agréable.

Voyez sur la pratique de la gravure des camées, l’article Gravure en pierres fines.

CARMIN. (subst. masc.) Belle couleur rouge tirant sur le cramoisi, dont la base est la cochenille, insecte qu’on ramasse au Mexique, sur une plante nommée Nopal. On assure qu’il seroit aisé de naturaliser la cochenille dans les plaines de la Guadeloupe & de Saint Domingue. On posséde deja, dans cette dernière colonie, une espèce de cochenille qui donne la même couleur, mais en moindre quantité. Nous en avons une en France qu’on nomme Kermes, & qu’on recueille sur un arbrisseau du genre des chênes verds ; mais elle n’a pas la beauté de la cochenille américaine. Le haut prix de la cochenille entraîne nécessairement la cherté du carmin.

On ne fait guère usage de cette couleur dans la peinture à l’huile, parce qu’elle n’a pas assez de consistance, & qu’elle tourne, avec le temps, à la couleur naturelle de la cochenille, qui tire sur le violet. Si elle étoit moins chère, elle feroit un bel effet dans la peinture à la détrempe. On ne l’employe guère que dans les deux genres de détrempe en petit, qu’on nomme gouazze ou gouache, & miniature : on en fait aussi des pastels.

On trouve dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, la manière suivante de faire le carmin.

Prenez cinq gros do cochenille.

Trente-six grains de graines de chouan : c’est une semence dont on ne connoît pas encore la plante, & qui vient du Levant ; elle est d’un verd jaunâtre, & d’une saveur légérement aigrelette.

Dix-huit grains d’écorce de roucou, arbre cultivé dans toutes les îles de l’Amérique.

Dix-huit grains d’alun de roche.

On pulvérise à part, dans un mortier de marbre ou de verre, chacune de ces substances ; on fait bouillir dans un vaisseau d’étain bien net, deux pintes & demi d’eau de riviere, ou de pluie, bien nette, bien pure, & même filtrée. Pendant que l’eau bout, on y jette le chouan, & on le laisse bouillir trois bouillons, en remuant conti-