des portraits. Il fit encore un autre tableau du même genre pour la compagnie de S. Sébastien, ouvrage comparable au premier, & dans lequel, malgré le grand nombre des portraits, rien n’est froid ni confus. On cite aussi, parmi ses ouvrages remarquables, les portraits des artistes & amateurs de son temps sous la figure de Jésus-Christ & des Apôtres.
Ses ouvrages, dont on ne peut louer le dessin, sont remplis d’esprit. Il modeloit en terre & en cire, peignoit l’histoire en grand & en petit, le portrait & l’architecture, & étoit un des poëtes estimés de son pays. C’est ce même Kétel dont nous avons parlé à l’article MAIN, qui s’avisa de peindre avec les deux mains, sans pinceau, & qui ensuite employa ses pieds au même usage. On ignore l’année de sa mort ; un sait qu’il vivoit encore en 1600.
(59) HenriVan-Stéenvick, de l’école Flamande, né en 1550 dans la ville dont il porte le nom, doit être compris entre les peintres estimables, quoique le genre dans lequel il excelloit ne fût que subalterne. Il peignoit des perspectives, & vit ses ouvrages fort recherchés & payés très cher. Il aimoit sur tout à représenter des édifices gothiques, & se plaisoit à ne les éclairer que de la lueur des flambeaux, cherchant à rendre plus mystérieux encore, par l’effet, ces lieux déjà mystérieux par le genre de leur construction. Il joignoit la vérité de la couleur au piquant des effets. La guerre l’obligea de fuir son pays & de se retirer à Francfort sur le Mein : ses talens n’y furent pas moins bien récompensés que dans sa patrie, il y trouva des amis, & y laissa des regrets lorsqu’il mourut en 1604, à l’âge de cinquante-quatre ans.
(60) Paul de las Roelas, de l’école Espagnole, naquit à Séville vers 1550, & vint à Venise prendre des leçons du Titien. Il acquit la beauté de la couleur, & joignit, dit-on, à ce talent un dessin correct, une composition ingénieuse & le sentiment de l’expression. Il excelloit à représenter les affections douloureuses. On célebre son tableau de la bataille gagnée par Clovis à Tolbiac : la confusion & le trouble des vaincus y fait un heureux contraste avec la tranquille fierté des vainqueurs. Il étoit savant dans la perspective & l’anatomie, & avoit fait une étude approfondie des proportions. Il fut fait chanoine de l’église d’Olivarès, & mourut dans la ville où il avoit pris naissance en 1620, à l’âge de soixante & dix ans.
(61) Christophe Schwartz, de l’école Allemande, né à Ingostadt en 1550, reçut dans
sa patrie les élémens de son art & alla se perfectionner à Venise dans l’école du Titien. Les Allemans le nomment très improprement le Raphaël de l’Allemagne : il n’a ni la correction ni la noblesse de Raphaël, & semble avoir cherché bien plutôt à imiter le Tintoret. Son mérite consiste dans l’abondance de la composition, la beauté du coloris & la facilité du pinceau. Loin de chercher à imiter les maîtres des écoles Romaine ou Florentine, il regardoit celle de Venise comme la première du monde, & n’a jamais cherché que l’imitation des parties brillantes de cette école. On admire pour la manœuvre ses fresques qui sont moëlleuses comme des peintures à l’huile. De retour en Allemagne, il se fixa à Munich & fut employé par le duc de Bavière Albert V, le grand protecteur des arts. C’est dans cette ville qu’il faut voir & juger ses ouvrages. Il y mourut en 1594 à l’âge de quarante-quatre ans.
Plusieurs de ses tableaux ont été gravés par les Sadeler. Luc Kilan a gravé d’après ce peintre l’entrée de Charles Quint emmenant des captifs d’Alger.
(62) Venceslas Koeberger, de l’école Flamande, naquit à Anvers, on ne sait en quelle année. Il fut élève de Martin de Vos. L’habitude de voir la fille de cet artiste la lui fit aimer, & son amour fut malheureux. Désespérant enfin de plaire, & tourmenté de chagrin, il chercha dans les voyages une dissipation à sa mélancolie & un moyen de faire de nouveaux progrès dans son art. Il étudia les beautés de Rome, & se rendit à Naples où la fille d’un peintre Flamand nommé Franc effaça, par sa beauté, l’impression qu’avoit faite sur son cœur la fille de Martin de Vos. Plus heureux cette fois, il fut aimé, & reçut la main de celle qu’il aimoit.
Il avoit trouvé le bonheur en Italie, & ne pensoit plus à quitter cette belle contrée. Ses talens y trouvoient leur récompense, & sa réputation qui passa dans son pays lui procuroit des ouvrages qu’il envoyoit en Flandre. Ce fut en Italie qu’il peignit pour la ville d’Anvers la confrairie de Saint Sebastien ; ce fut en Italie qu’il répara cet ouvrage qui lui fut renvoyé, parce que des artistes jaloux ou des amateurs sans probité en avoient coupé & enlevé deux têtes de femmes qui attiroient tous les regards. L’auteur répara cet accident avec tant de succès, qu’on ne pouvoit appercevoir l’insulte ou l’hommage qu’on avoit fait à son tableau. Cet ouvrage, dit M. Descamps, est admirable dans toutes ses parties ; dessin, coloris, disposition du tout-ensemble.
Enfin Koeberger, toujours sollicité par ses concitoyens, ne put se défendre de se rendre
Beaux-Arts. Tome II. E