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V

VAGUE. (adj.) Vague se dit en peinture de la couleur, & plus particuliérement de celle du ciel.

On dit, la couleur de ce tableau est vague ; ce ciel d’un ton, d’une teinte, d’une couleur vagues.

Le sens de ce mot tient dans cette acception de ce qu’on appelle indécis ; mais dans le langage de l’art, il emporte cependant un sentiment d’approbation qu’il n’a pas dans le langage ordinaire ; car, lorsqu’on dit, un esprit vague ; un raisonnement, une idée vagues, on a dessein de blâmer & non de donner une louange.

Ces différences sont fondées. En effet un raisonnement est deftiné à fixer les idées intellectuelles, à atteindre un but qui est la vérité ; lorfqu’il n’atteint pas ce but, qu’au lieu de s’y diriger sensiblement, il s’égare ; lorsqu’enfin le raisonnement est vague, il est inutile & ne peut être loué.

L’harmonie du coloris exige de son côté un mélange de nuances, de tons, de teintes, de lumières, de reflets & d’ombres qui n’est jamais plus parfait que lorsqu’on ne peut en discerner les liaisons. Le ciel est d’une imniensité qu’on conçoit d’après l’idée qu’on s’en fait & qu’on rappelle dans le tableau, d’après les tons indécis, transparens avec le secours desquels on le représente. Plus ces tons sont vagues, plus justement ils offrent la ressemblancc ou la vérité qu’un désire. Ces deux principes que je viens d’établir sur le raisonnement & sur la peinture, ne peuvent être mis en exécution que par des moyens absolument différens.

C’est ainsi qu’il y a dans les acceptions différentes des mêmes mots & dans les divers emplois qui leur deviennent propres, une philosophie assez souvent cachée, qui est juste & fondée, & dont peut-être on ne cherche pas assez à se rendre compte.

On dit quelquesois vaguesse, qui est imité de l’italien vaghezza, pour exprimer ce ton aërien & une certaine légéreté ou finesse de teintes, qui appartiennent à d’heureuses ruptures ou mêlanges de tons, dont la pratique, l’observation de la nature & l’étude des maîtres qui sont recommandables par cette partie, peuvent seules instruire l’artiste. (Article de M. Watelet).

VARIER (v. act.) Non seulement la nature


varie ses productions, elle varie aussi les détails de ses ouvrages. Chez elle, les genres sont innombrables ; ils se subdivisent en de nombreuses espèces ; & dans chaque espèce, il n’est pas deux individus qui se ressemblent. L’artiste qui se répète lui-même ou dans un feul ouvrage, ou dans ses différentes productions, n’imite pas la nature ; il n’a qu’a la consulter, & il produira des œuvres variées comme elle. (L.)

VARIÉTÉ (subst. fem.) Pline, après avoir dit qu’entre tant de milliers d’hommes, il n’y a pas deux reffemblances parfaites, ajoute que l’art, malgré tous ses efforts ne peut opérer cette variété, même dans un petit nombre de têtes. (liv. 7. c. I.) M. Falconet a justement relevé cette injuste accusation de Pline contre l’impuissance de l’art. « Si des artistes, ditil, soit peintres, soit statuaires, font les portraits ressemblans de mille hommes qui ne se ressemblent pas, il est certain que les mille portraits n’auront pas encre eux plus de ressemblance… Pline avoit donc mal vu la quantié. de portraits peints & sculptés qui étoient de son temps à Rome… »

« Auroit-il fait une équivoque, en fondant fa comparaison du naturel avec l’art sur les statues grecques, eù en effet la variété des caractères de tête n’est pas eonsidérable ? on sait que, pour la plupart, elles ont un air de famille, les femmes sur-tout. Il régnoit un beau style d’école, qui se transmettoit de statue en statue : mais par les bustes, les médailles & les pierres gravées qui nous restent, nous voyons qu’il n’en est pas ainsi des portraits, puisqu’ils sont très variés. »

« J’accorde que certains artistes n’aient pas, autant que d’autres, le talent de varier leurs têtes ; ce n’est pas alors la faute de l’art, mais de ceux qui l’exercent. L’art peut imiter toutes les variétés de la nature ; & si nous pouvions rassembler l’immense quantité de têtes qu’il a produites, nous les verrions variées par le goût, le temps, l’âge, le pays, & d’autres circonstances dont les artistes dépendent. Ce sont aussi les circonstances qui contribuent à placer la variété ou la reflemblance sur nos physionomies. Chez une nation dans laquelle les races ne sont pas mélangées, on retrouve assez généralement la même conformation de tête & le même air de visage ; on la prendroit sou-