Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SCU SCU 329


ce moyen qu’ils sont parvenus à la sveltesse.

La face a trois parties, c’est-à-dire trois fois la longueur du nés ; mais la tête n’a pas com­plettement quatre de ces parties. La partie supérieure de la tête, depuis l’origine des cheveux jusqu’au sommet, n’a que trois quarts de longueur du nés.

Winckelman suppose que le pied servoit de mesure aux anciens dans toutes leurs grandes dimensions, & que c’étoit sur la mesure du pied que les statuaires régloient celles de leurs figures, en leur donnant six fois cette longueur. C’est en effet la proportion que donne Vitruve ; Pes verò altitudinis corporis sextœ, 1. 3, ch. I. Le célèbre antiquaire regarde comme certain que le pied a une mesure plus déterminée que la tête ou la face, qui sont les parties d’après lesquelles les sculpteurs modernes empruntent leurs dimensions[1].

Cette proportion du pied, quoiqu’elle ait paru étrange au savant Huet, & qu’elle ait été rejettée par Perrault, est, ajoute-t-il, fondée sur l’expérience, & s’accorde même avec les mesures des tailles sveltes. « Après avoir mesuré avec soin, dit-il, une infinité de figu­res, cette proportion ne s’est pas trouvée seulement aux figures égyptiennes, mais encore à celles des Grecs, comme on le ver­roit à la plupart des statues, si les pieds s’y étoient conservés. On peut s’en convaincre par l’inspection de quelques figures divines, dans la longueur desquelles les artistes ont poussé de certaines parties au-delà des di­mensions naturelles. Dans l’Apollon du Belvédère, qui excède un peu la hauteur de sept têtes, le pied qui porte a trois pouces d’un palme romain plus de longueur que la tête. Cette même proportion a été donnée par Albert Durer à ses figures de huit têtes, dans lesquelles le pied compose la sixième partie de la hauteur. La taille de la Vénus de Médicis est d’une sveltesse ex­traordinaire ; & quoique sa tête soit très-petite, la figure ne porte néanmoins que sept têres & demie : son pied est long d’un palme & un demi-pouce, & toute sa hauteur porte six palmes & demie » ; (ou six fois la longueur entière de son pied).

L’expression du contentement, celle de l’amour, ajoutent encore à la beauté ; celles de la colère, de la douleur, la diminuent en proportion que ces affections s’annoncent avec plus de violence ; le calme laisse les traits dans l’état de la nature.

La beauté étant le premier objet de l’art antique, l’expression devoit lui être subordonnée. Cependant les artistes ne s’exposoient pas au reproche de paroître sacrifier la seconde partie à la première, & ils évitoient de supposer leurs figures dans une situation où les mouvemens de l’ame, trop impétueux, trop violens, auroient trop altéré la beauté des traits ; c’est par cet art qu’ils accordoient ensemble la vérité & la beauté. Voyez à l’article Passions, le morceau intitulé : Pratique des Grecs dans la représentation des Passions. Les anciens avoient adopte pour la compo­sition deux règles principales dont ils se sont rarement écartée ; celle de n’employer que le plus petit nombre de figures que permettoit le sujet, & celle de les représenter dans des actions modérées. Les poëtes tragiques n’introduisoient ordinairement que deux personnages à la fois sur la scène & jamais plus de trois ; les artistes, reconnoissant que cette règle étoit fondée sur les bornes de l’attention des spectateurs que les poëtes vouloient ménager, pour la fixer plus surement, l’adoptèrent eux-mêmes autant que le leur permettoient les sujets qu’il avoient à traiter. Quelquefois même ils forçoient des sujets qui supposoient une grande multiplicité de figures, à se contenter d’un petit nombre ou même d’une seule, dont l’action avoit d’autant plus d’empire sur l’ame des spectateurs, que leur attention n’étoit pas distraite par d’autres objets. Ainsi le peintre Théon,que les anciens ont placé entre leurs artistes les plus ingénieux, voulant représenter un guerrier qui résiste seul à ses adversaires, ne peignit que la seule figure de ce guerrier, & laissa l’imagination des spectateurs se peindre à elle-même les ennemis qui étoient censés hors de la toile. Les récits des temps héroïques & les poèmes d’Homère sont remplis d’actions qui se passent entre un petit nombre ce figures, & c’étoit ces actions simples que l’art se plaisoit surtout à traiter.

« A l’égard du repos dans la composition, dit Winckelmann, on ne voit jamais dans les ouvrages des anciens artistes, comme dans ceux des modernes, de ces foules où chacun s’empresse de se faire entendre con­jointement avec les autres, ni de ces affluences de peuple, où l’on diroit que l’un veut monter sur l’autre. Les compositions de l’antiquité ressemblent à des assemblees de personnes qui marquent & exigent de la considération.»

Quoiqu’il ne faille pas chercher des grouppes dans la composition du plus grand nombre des

  1. Quand Winckelman assure que le pied a une mesure plus déterminée que la tète, veut-il dire que les justes proportions du pied sont plus constantes ; Cela semble extraordinaire dans une partie plus sujette à souffrir la fatigue, & à être altérée par elle. Il semble que la tête, choisie par les modernes pour mesure commune, est en effet une mesure plus commode, par la division de la face en trois parties égales. (Note du Rédacteur.)