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manière bien décidée, celles qui sont brunes & celles qui sont claires. Le Caravage, le Titien, surtout dans sont beau tableau de l’Eglise Saint-Jean à Venise, Lahire dans celui où Saint-Paul est renversé, le Tintoret, Jouvenet dans presque tous leurs ouvrages offrent des exemples remarquables de la résolution dans les effets.

Les grands dessinateurs ont presque tous été résolus dans le choix des attitudes, & dans la manière de rendre les contours. Mais les modèles les plus frappans de la résolution des formes, sont les ouvrages distingués des sculpteurs antiques. Parmi la multitude de leurs chefs-d’œuvre, il faut citer l’Hercule Farnese, l’Hercule Commode, le jeune Faune, l’Antinoüs & surtout les Lutteurs & le Gladiateur dont la vue seule inspire le goût de la résolution.

Quant à ce qui caractérise un pinceau résolu, c’est celui qui, partant d’une main decidée, d’un jugement prompt, d’un caractère ardent, exprime avec fermeté tout ce qu’un homme savant aura conçu. Mais ce qu’on appelle ici un pinceau résolu n’est jamais la suite de la recherche d’un auteur : la touche part involontairement de son pinceau comme de son esprit.

Nous avons démontré dans le mot pinceau que si la fermeté ou la resolution de la touche étoit l’effet d’une convention d’école, ou de la seule adresse de la main, plutôt que le résultat du savoir, cette sorte de mérite dégénéroit alors en manière affectée, & n’étoit pas digne de l’estime de l’homme instruit.

Les peintres qu’on peut citer pour la résolution de pinceau sont en grand nombre, parce que, si l’on en excepte les manières très-fondues, le savoir a ordinairement une expression vive & résolue. Les plus, remarquables dans les-différentes écoles & dans les différens genres, sont le Giorgion, Tempesta, le Caravage, Ribera, Velasquez, Carle du Jardin, Jean Méel, Lahyre & Jouvenet. Nous ferons remarquer que les artistes résolus dans leur exécution, le sont aussi dans les autres parties de l’art, parce que ce talent part de la même trempe d’esprit & de goût qui produit des succès de même sorte dans l’effet & dans le dessin. (Article de M. Robin).

RESSEMBLANCE (subst. fem) Plusieurs figures dans un même ouvrage, ne doivent pas se ressembler. Il ne suffit pas que les traits du visage ne soient pas ressemblans ; il faut marquer une diversité sensible dans toutes les parties, sans quoi l’art témoigneroit son impuissance de lutter contre la richesse & la variété de la nature. Il seroit aussi difficile de ouver dans la sature deux personnes qui


eussent la même conformation, les mêmes habitudes corporelles, le même geste, le même maintien, que d’en trouver deux qui eussent le même visage. Les artistes ne pécheroient jamais contre cette diversité, s’ils étoient précis, & s’ils changoient de modèle à chaque figure. Un maître peut leur servir d’exemple à cet égard, & c’est encore ce même Raphaël qu’on peut leur offrir pour exemple dans tant d’autres parties.

Quand, dans une suite de tableaux du même maître, le même personnage doit le reproduire, il est de la convenance qu’il se ressemble toujours à lui-même, & qu’on observe seulement dans les différentes représentations de ce personnage, les changemens que l’âge doit apporter. Dans une galerie qui représenteroit les aventures d’Ulysse, Ulysse devroit toujours être reconnu, excepté quand ses traits ont été changés par Minerve.

Il y a des peintres qui répetent toujours la même tête, ou du moins des têtes toujours ressemblantes entr’elles dans tous leur tableaux : il semble qu’ils ne peignent que l’histoire d’une seule famille. C’est publier leur négligence à varier leurs modèles, ou, plus souvent encore, c’est apprendre au public qu’ils n’en consultant aucun. (L)

RESSENTI, (adject.) On dit, ce modèle a des formes ressenties ; le dessin d’Annibal Carrache est ressenti, &c.

La signification de cet adjectif est fort circonscrite, & n’est guere applicable que dans les exemples que nous venons de donner. Nous n’avons donc qu’à expliquer quel est le vrai caractère des ouvrages de’l’art, ou des corps naturels auxquels on peut donner l’épithète ressenti.

Les entrelacemens & les liaisons qui existent entre les organes du mouvement, & la peau qui les recouvre, sont les causes de l’erreur des yeux peu exercés à les considérer.

Ainsi quand un jeune élève commence à copier le corps humaine il n’apperçoit pas les impressions musculaires. Les contours extérieurs qu’il voudroit imiter lui paroissent dénués, de formes, & le trait de son dessin est conforme à cette première manière de voir la nature. A peine les plus gros muscles y sont-ils indiqués.

Cependant à mesure qu’il s’exerce soit d’après nature, soit d’après les statues antiques, il prend l’habitude de comparer les formes entr’elles & il les fait sentir dans son ouvrage.

Si ensuite devenu homme, il a un efprit ardent, il s’échauffe aifement dans l’étude de ses modèles, & s’il a bien étudié les proportions, les mouvemens & les places des muscles,