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de la main, on peut trouver la différence de la gravure, de la sculpture & de la peinture, en n’en supposant de réelle que pour la partie du mécanisme, qui en effet n’a rien de commun entre ces arts.

Dans la gravure, l’affoiblissement ou la force des teintes propres à exprimer les lumières & les ombres sont produits par la finette ou par la grosseur des tailles, par leur éloignement ou leur rapprochement, enfin par le plus ou moins de profondeur du travail sur le cuivre. Au lieu que l’emploi seul du brun ou de clair, remplissent ce but dans les dessins & les tableaux : le peintre trouve la nature des couleurs locales dans celles dont la palette es chargée ; le graveur ne peut les exprimer d’une manière speciale ; mais il parvient à donner une idée de la différence des tons de couleurs, par une combinaison bien réfléchie des diverses natures de son travail. C’est par une suite de teilles disposées, en lignes courbes ou droites, ou par la manière d’en former des lozanges ou desquarrés plus ou moins parfaits, qu’il varie les caractères des substances dans les estampes que produit son art Le talent d’exprimer la nature des différens corps avec le pinceau ou le crayon est le résultat d’un mécanisme fort simple & fort rapide ; le graveur au contraire ne parvient à caractériser la surface des corps, ou poreux ou compactes, que par des moyens : fort longs & sort compliqués : tels sont les points de différentes formes & placés de différentes manières, la disposition variée des traits que forment son burin, la largeur, la finette & la fermeté de ces mêmes traits, le mêlange raisonné de tous ces travaux, ou quelquefois enfin l’association des diverses manières de graver soit à burin, soit à l’eau-forte, soit à la pointe sèche, &c.

Le graveur doit avoir toutes les qualités par lesquelles on parvient à l’art de bien dessiner, justesse d’organe, justesse de raison & le plus vis sentiment pour en exprimer le résultat dans son ouvrage & le rendre intéressant à ceux qui le considerent. Mais le dessin du graveur doit être porté à ce point de précision qu’il n’y entre aucun goût adoptif, afin qu’il soit capable de se soumettre à celui des peintres différents dont il multiplie les productions. Ainsi le graveur doit montrer en raison, en justesse & en constance, tout ce qu’on est en droit d’exiger du peintre, en chaleur & en fécondité.

Dans ce que nous venons de dire ici sur les qualités qui conviennent aux graveurs, nous n’entendons pas parler de ces artistes à imagination qui, par une pointe rapide, incorrecte & spirituelle, ont su enrichir les portefeuilles des amateurs de leurs fécondes compositions. Tels sont Tempesta, Callot, Labelle, Rembrandt, Silvestre, Leclerc, &c. les estampes de ces maîtres célèbres tiennent plus à l’art du peintre ou du simple dessinateur, qu’à celui du graveur. Nous voulons parler de l’art qui constitue essentiellement la belle gravure, de l’art qui multiplie & transmet aux temps & aux pays les plus reculés, les productions distinguées que la sculpture & la peinture ont enfantées. C’est ce talent que les Goltzius, les Bolswert, les pontius, les Vorsterman, les Maçon, les Gérard Audran, les Edelinck, & les Drevet ont rendu si utile & si précieux à toutes les sciences, aux arts en général, & à tous ceux qui les connoissent les aiment & les cultivent.

Article de M. Robin.

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