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les esprits vaguant à leur gré & suivant leurs qualités diverses, n’ont pas l’espérance de partager à leur tour & l’honneur des places & es bienfaits du gouvernement, sans crainte des cabales qui s’élèvent contre les styles originaux & contre les ames fières & naturellement indépendantes.

La patience dexécution dont nous avons parlé plus haut, est encore différente de ce courage persévérant, utile pour parcourir la carrière des études, Nous allons faire l’énumération de toutes les connoissances utiles aux arts, & on conviendra que la constance que demande leur recherche, sembleroit incompatible avec le feu d’imagination sans lequel il n’y a point de grands hommes, li les Virgile, les Bossuet, les Raphaël, & les grands statuaires antiques & modernes, n’en manitestoient l’abmirable réunion.

« Ce n’est pas assez, disoit Platon, de sçavoir seulement l’art qu’on exerce, il faut encore connoître tout ce qui y a rapport » ([1]). Quelques auteurs ont traité des connoissances qui tiennent aux arts de peindre & de sculpter ; mais on nous trouveroit surement ici distus & exagérés, si nous rapportions en entier leurs sentimens. Le Chevalier Marino ([2]) veut par exemple, que les artistes connoissent l’astronomie, la cosmographie, la théologie &c.

Il est bon en effet de ne pas être ignorant dans ces scienses & beaucoup d’autres encore ; mais bornons-nous à parler de celles dont la connoissance est d’une, nécessité absolue pour l’art.

La perspective, qui ne peut se bien apprendre sans quelques leçons préliminaires de géometrie & d’optique, doit être regardée comme une étude indispensable. Le peintre & le statuaire ne peuvent faire ni bas-reliefs, ni tableaux, sans faire juger de la diminution perspective, & des raccourcis des objets. Et cette diminution toujours relative entre toutes les parties des corps, doit être rendue avec la plus grande précision. Envain compteroit —on sur l’habitude de copier la nature, sur la justesse de l’œil ; il faut connoître parfaitement la science exacte de la perspective pour obtenir la saillie ou l’enfoncement de tout ce qui est représenté sur une superficie platte.

On sait que l’anatomie, en ce qui traite des os & des muscles, doit être l’objet d’un profond travail pour l’artiste occupé de rendre les mouvemens de la figure humaine. Sans cette connoissance, comment pourroit-on lire


ce que nous cache la peau, & comment exprimeroit-on les impressions que les actions diverses produisent sur toutes les parties du corps ? Ce ne seroit pas encore assez que de se borner à la connoissance de l’ostéologie, & de la myologie : il faut sçavoir la place des assemblages des glandes extérieures, des plus forts cordons de veines & d’arteres, & connoître les endroits où se logent les pelotons de graisse ; afin de ne pas laisser appercevoir mal-à-propos les impressions des muscles & des os. Ce seroit un contresens qui rendroit la science elle-même ridicule. C’est ainsi qu’il faut apprendre beaucoup pour ne montrer que ce qui est nécessàire.

Sans anatomie, on ignore les moyens les plus vrais & les plus certains de vatier à son gré les sexes, les âges, les divers caractères, ceux de l’homme qui travaille, de celui qui a reçu une éducation délicate &c. Ce n’est que par les légères ou les fortes impressions des os, par la fermeté, la mollesse, la sêcheresse,,’appauvrissement des muscles exprimés avec une justesse relative, que l’art peut rendre ces différences.

Il ne seroit pas suffisant pour l’artiste de connoître l’architecture des Etrusques, des Grecs, celle des Romains dans les différens âges de leur empire, ni celle que les Goths & les modernes ont adoptée depuis ; il doit faire une recherche des habitations des hommes dans tous les tems & dans tous les climats, il doit connoître la nature de leurs temples, de leurs tombeaux & de leurs constructions navales & militaires.

Pour se mettre en état de choisir des sujets pour leurs ouvrages, lie expliquer ceux qui ont été choisis pour d’autres, les artistes doivent parcourir les histoires sacrées & profanes ; il faut les approfondir, en faire des extraits pour y pusier la connoissance des mœurs, des corpulences, des vêtemens, des armes, des instrumens propres aux autels, de ceux qui servent à l’art de bâtir, à la navigation, à Part militaire & à l’agriculture chez tous les peuples anciens & modernes. Sans ce travail pourroient ils présenter aux hommes érudits & l’image des pays dont la description nous a été transmise, & celle des usages des nations qui les ont habités ?

Ce n’est pas seulement dans les livres que le peintre doit étudier l’histoire, e’est aussi sur les monumens de l’antiquité : bas-reliefs, meubles, vases, médailles, enfin tout ce qui a été découvert, doit servir à l’artiste non seulement pour acquérir les connoissances des détails obmis par les écrivains ; mais encore pour les vérifier & pour faire la critique de ce que les antiquaires & les historiens auront dit, d’après l’inspection des fragmens an-

  1. (l) Jon.
  2. (2) Dicerie sacre. Volume primo.