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un travail favant & facile , îl donne à fon tableau l’ame 8i l’expreflion.

Les peintres de ponraitJ-, en fe renfermant dans un genre inférieur , ont cru lui donner un mérite nouveau , en y ajourant une force de perfeftion qui femble appartenir au genre qu’on appelle de la nature morte. Cette forte de perfedion confifte à rendre avec un foin extrême , arec l’étude la plus recherchée , les étoffes & tous les acceflbires qui peuvent accompagner un portrait ; des tables garnies de bronze, des meubles précieux, des pendules, des candélabres, des vafes, &c. Par cette recherche , par l’extrême fini qu’ils donnent à ces objets fubalternes , ils font tombés dans une double faute : d’abord , dans une faute d’accord, parce que la tête du modèle étant mobile , ils ne peuvent l’étudier avec la patience minucieufe qu’ils donnent aux autres objets, enforte que le travail des acceflbires porte l’empreinte d’un foin plus marcjué que celui de l’objet principal : enfuite dans une faute de raifon & de convenance ; en effet fi nous rencontrons une perfonne qui nous intérelfe , c’ell fur fon vifage que fe fixent nos regards -, fi l’on nous fait remarquer un homme dift^ingué par fes talens ou par fes vertus, & que nous défirions de connoître, c’efl à fa phyfionomie que nous fâifans attention -, fes vêtemens & tout ce qui peut l’environner ne nous caufe aucun intérêt • nous ne voyons ces objets qj’en mafle & d’une manière vague. La deftination d’un portrait eft : de rendre préfens les traits d’une perfonne aux abfens qu’elle intéreffe, ou de confervcr à la pofiérité les traits d une personne qui méritera l’eflime des âges à venir : dans l’un ou l’autre cas, ce font toujours les traits de" la perfonne reprélèntée qui forment l’objet principal du tableau : loin que les acceflbires doiv£ ;nt exciter une attention particulière, il efl : du devoir d’un artifte judicieux d’empêcher qu’ils ne détournent l’attention de l’objet qui mérite feul de l’arrêter. C’efl ce que l’on trouve dans les portraits du Titien & de Van-Dyck •. fi l’on en confidèrs les acceffoires, on reccnnoî ;ra qu’ils font traités par une main habile -, mais c’efl : la tête feule qui arrête le regard , & l’on remarque à feine les autres objets, à moins qu’on n’ait un deffein formé de les examiner en détail. Il ferabje que les peintres de portraits fe foient piqi.és de fuivre une pratique ablblument contraire à celle de ces grands maures, & de ne faire de la tête qu’un acceflbire du tableau, i^’efl toujours la partie la plus négligée.

Nous avons vu, dans ce fiècle, des pe’ntres de ponrahs à qui l’on n’a pu reprocher de négliger les- têtes ; s’ils ont jnis à cette par-P O R


tîe effentielle moins de fcîence , moins de caradère que Van-Dyck , ils y ont peut-être donné encore plus de foin. Mais ils ont donné ut) foin égal aux étoffes Ik. aux acceflToires , enforte que fi ces objets fécondairçs ne l’emportent point fur la tête, ils difputent au moins avec elle, ils partagent avec elle l’attention , & finifient par l’abforber parce qu’ils tiennent plus de place dans le tableau. Ces ouvrages ont un grand vice , c’efl d’être trop généralement beaux. Les maîtres qui doivent fervir d’exemple fe feroient bien gardés de s’arrêter à ces beautés fubalternes. Les portraits de Rigaudme femblent repréfenter des gens infatués de leurs richefles , S^ qui , n’étant rien que par elles, cherchent à en faire un pompeux étalage. La compofiîion du portrait porte fur le même principe que celle des tableaux d’hilloire : il faut que l’œil foit appelle, fans pouvoir s’en défendre, vers l’objet qui, liiivant l’intention du peintre, doit exciter la principale attention. Puil’que le but du peintre àe portraits efî la reflemblance individuelle, îl doit vêtir & coëffer la perfonne qu’il repréfenie , comme on a coutume de la voir coëffée & vêtue. Vn hnmme qui change confidérableraent fa manière accoutumée do fe mettre , n’eft fouvenc reconnu qu’avec une forte de peine par fes amis, & ne l’eft point du tout par les perfonnes qui lui font moins familières. Il eff dfguifé, & n’efi-il pas abfurde de fe déguifer pour avoir fon portra’t, & de fe plaindre enfuite quand ce portrait neû pas aifemenc reconnu, lorfqu’on feroit à peine reconnu foimême fous ce déguifement ? On a cependant vu des peintres mettre ces déguifemens à la mode : ils falfoient une Junon , une Diane, d’une coquette minaudière , & une n3’mDhe de cour, d’une bourgeoife de la rue Saint-Honoré. Par une mode plus ridicule encore, on a vu quelque lems des femmes fe faire peindre en Cordeliers.

Nous avons eu un peintre de portraits qui transformoit toures les femmes en nymphes ou en dcefles ; il leur donnoit de grands yeux , de petires bouches, un coloris qui étoit le même poiir toutes ; d’ailleurs la reflemblance alloit comme elle pouvoit. De tels artifles devroient épargner aux femmes qui veulent fe faire peindre , la fatigue de prendre fcance : ils n’auroient qu’à apprendre une belle tête par cœur & la leur envoyer.

.Te crois que c’efl une faute de la part des artifles, de pofer eux-mêmes les perfonnes qui demandent leurs portraits. Chaque perfonne a un certain nombre d’attitudes habituelles , les autres ne leur font point familières, & c’efl un grand hafard fi le peintre, qui ordinairement connoît peu fes modèles, faifit une de leurs attitudes accoutumées. Nous reconnoif-