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Il avoit toujours été lent, irrésolu, paresseux, & avoit toujours eu beaucoup de peine à terminer un ouvrage. Le genre du portrait qui n’exige pas d’invention, étoit celui qui lui convenoit le mieux & dans lequel il eut les succès les plus incontestables. Il avoit trouvé le secret de conserver la vivacité à la peinture en huile sur les murailles, en soutenant les couleurs par une composition de poix, de mastic, & de chaux vive. Quoique ce ne fût point un artiste sans mérite, il seroit tombé dans l’oubli s’il n’avoit pas été l’instrument de l’envie d’un homme célèbre. Il mourut à Rome en 1547, âgé de soixante & deux ans.

Hollar a gravé d’après le Frà Bastiano le portrait de Vittoria Colonna.


(13) Andre Del Sarto, de l’école Florentine, né à Florence en 1488. son nom de famille étoit Vannuchi ; celui de Sarto lui fut donné parce qu’il étoit fils d’un tailleur. Il dut moins ses talens aux leçons des maîtres dont il fréquenta les écoles, qu’à l’étude qu’il fit des ouvrages de Léonard de Vinci & de Michel-Ange. Il chercha la grace du premier, & la douceur de son tempéramment suffisoit pour lui faire éviter l’exagération du second. Sa modestie nuisit à sa fortune ; il savoit faire de bons ouvrages, mais il ne savoit pas les bien faire payer. Le morceau qui décida surtout sa réputation fut une sainte famille qu’il peignit à fresque sur une des portes du cloître des freres Servites de l’annonciade ; on admiroit dans cette peinture le dessin, la composition, la couleur, & l’artiste qui avoit produit ce chef-d’œuvre, ne reçut pour recompense qu’un sac de bled. Un voyage à Rome, & l’examen qu’il y fit des ouvrages de Raphaël & des antiques perfectionnerent son talent sans am liorer sa fortune.

C’étoit le temps où François I cherchoit à se procurer des tableaux des meilleurs peintres d’Italie. Un Christ mort qu’André fit pour ce Prince, reçut en France les éloges qu’il méritoit ; André, misérable dans sa patrie, conçut le desir de venir chercher une meilleure fortune auprès d’un souverain qui récompensoit magnifiquement les arts. Ses desirs furent satisfaits : il fut mandé en France, où il avoit soutenu par un second ouvrage l’idée favorable qu’il avoit inspirée. Défrayé de son voyage & de toutes ses dépenses pendant son séjour, logé, meublé, bien payé de ses tableaux, encouragé par des gratifications, goûté du Prince, applaudi des courtisans, admiré pour ses talens pittoresques, chéri pour les agrémens de sa conversation, il pouvoit être heureux, s’il n’eût pas regretté son pays & son épouse. Il prétexta des affaires domestiques qui exigeoient sa présence dans sa patrie, promit d’être bientôt de retour, de ramener sa femme


avec lui, & de rompre tous les liens qui l’attachoient à la Toscane. L’offre d’acheter pour le Roi en Italie des tableaux & des statues, lui fit obtenir aisément la permission de s’absenter, & le Prince lui confia une somme considérable pour payer les morceaux qu’il jugeroit dignes d’être envoyés en France. Mais rendu à ses amis & à son épouse, André oublia les soins de l’avenir, ses engagemens, & même les dévoirs de la probité, & eut l’imprudence de dépenser en fêtes & en plaisirs, non-seulement ses épargnes, mais l’argent même qu’il n’avoit reçu que pour en rendre compte. Il trouva dans la misère la peine de sa faute, & mourut de la peste à Florence, en 1530, à l’âge de quarante-deux ans.

Quelques personnes ont pensé que si le Sarto avoit fait à Rome un plus long sejour, il auroit égalé les plus grands maîtres de l’art. Je croirois plutôt avec Félibien que ce peintre fut tout ce que lui permettoit d’être son caractère personnel Il n’a pas mis dans ses ouvrages toute l’élévation de Raphaël, parce que cette élévation n’étoit pas dans son ame ; il n’a pas mis dans ses expressions la même variété, parce qu’il n’avoit pas l’exquise sensibilité de ce grand peintre ; il lui est inférieur dans les conceptions, parce qu’il n’avoit pas le même génie. La nature a prescrit aux hommes qui cultivent les lettres & les arts, des limites qu’il ne leur est pas donné de franchir.

André avoit une bonne couleur, quoiqu’on lui reproche quelquefois une teinte générale trop rouge, quelquefois des demi-teintes d’un gris verdâtre ou noirâtre. Il peignoit d’un pinceau très-moëlleux, & cette qualité d’exécution étoit rare de son temps, parce qu’on étoit encore peu éloigné de l’époque où l’on avoit abandonné la sécheresse gothique. Son dessin avoit de la grandeur sans exagération, mais quelquefois un peu de manière. On compte au nombre de ses chefs-d’œuvre les sujets de la vie de St. Philippe Benizi, qu’il a peints à l’Annonciade de Florence ; les têtes y ont une grande vérité & un bon caractère ; on y remarque des parties bien drapées, mais on trouve la composition un peu froide & trop peu liée. On remarque souvent dans ses ouvrages des couleurs de draperies rouges d’une extrême fraîcheur & d’une très-grande beauté, qui semblent lui être particulières. Son fameux tableau de la Madonna del Sacco, celui qu’il fit, dit-on, pour un sac de bled, est peint à fresque. « Il est, dit M. Cochin, d’une grande beauté, composé & drapé de très-grande manière, bien peint, d’une façon large, & très-bien exécuté. Il est peint par hachures, mais qu’on voit à peine ; les plis des draperies sont bien formés & délicatement brisés ; la couleur en est bonne, les têtes en sont


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