Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/203

Cette page n’a pas encore été corrigée

P L A

Sans doute l’étude affidue des ylâtrls moU’ lés fur l’antique ne donnera pas, auffi, bien qje le modèle vivant , le fentimenc de la i chair, la connoiflance des plis de la peau, celle de ces petits détails qui fe multiplient avec l’âge & qui font des témoignages de l’infirmité iiLm^iine : mais elle fera connoître la véritable beauté des formes, leur plus parfaite pureté, leur grandeur la plus fublime ; elle donnera la plus profonde fcience des formes qui indiquent que l’homme vit, qu’il agit, qu’il fe meut, & : non de celles qui indiquent feulement qu’il doit fe dégrader ou périr. De beaux plâtres m.oulés fur l’antique vous foi’ceront d’étudier feulerr.ent les attitudes fages , décentes & modé :ée5 que les plus beaux génies de la Crèce ont cru" devoir donner, à leurs modèles. Vous aurez oeau les retourner, les confiuérer fous tous les points de vue ; ce fera toujours la même pureté , la même fageffe ; il ne fera pas au pouvoir d’un téméraire proreffeur de les tourmenter, de les contourner pour les plier à les caprices, comme il y fbumet le modèle vivant. Cette étade vous biffera donc dans une heureufe ignorance fur les attitudes recherchées ou -forcées, fur les grâces minaudières, furies mouvemens violens & exagérés. Perfonne ne pourra pétrir & réformer votre plâtre antique comme les tailleurs, les cordonniers, les maîtres de danfe, les parens pétrifTent & déforment la nature humaine. Vous ne connoîtrez donc que les grâces véritables, que libelle conformation ; celle que donne la nature qui croît 8c fe développe fans contrainte.

Les grands maîtres de la Grèce, nés dans un climat qui leur offVoit les plus beaux modèles , & fous des moeurs qui leur montroient journellement ces modèles nuds & dans des attitudes toujours variées & toujours belles, puifqu’elles étoient celles de la nature, ont employé tout leur génie à repréfenter ces modèles qu’ils s’attachoient encore à dépouiller de leurs imperfedions. Ayant toujours fous les yeux des modèles diftérens , ils corrigeoient par les beautés de l’un les défeftuofités de l’autre , & font parvenus au beau de choix & d’union ; par la fublimité de leur penfee , ils Te font élevés jufqu’à l’idée d’une nature plus parfaite encore que celle de la nature la mieux choifie , & font parvenus jufqu’au beau idéal : ils ont créé une beauté que l’art moderne ne connoîtroit pas fans eux & qu’il s’efforce d’atteindre fans ofer même efpérer d’y parvenir. C’efl par l’étude des plâtres que nous deviendrons les élèves de ces grands maîtres , & s’il exifle un moyen de les égaler, c’eft de commencer par fréquenter leurs tcoîss. L’étude du plâtre eu , dira-t-on . nuifible i ;â la beauté de la couleur. Cela peut être. On Beaux-Ans. Tome II,

PL A

iP5

veut être â la fofs grand deffinateur , grand peintre d’exprelTion , grand compofiteur, grand colorifte , grand machinifre. On veut être tout, on cherche à la fois la perfeflion de toutes les parties , & on ne prodtiit qu’un tout médiocre , ou du moins que des ouvrages agréables , & dont la plus grande perfection eil de n’avoir pas d’imperfeâions choq-i’antes, mais dont le plus grand dé.faut eil : de n’avoir pas de beautés fupérieures. Tel eft généralement le carafière moderne. On fait bien que la malignité des contemporains cherchera toujours la partie foible d’un habile Artiile pour le déprimer. Mais celui qui veut atteindre au grand , doit d’abord fe rendre affez grand lui-même pour méprilér les traits de l’envie, de l’ignorance & de la malignité. Placé au-deffus de fon fiècle, fupérieur aux jugemens de ceux qui vivent, il doit confacier fes chefs-d’œuvre à ceux qui naîtront. Enfin , par le moyen des plâtres , nous pouvons , dès nos premiers pas dans l’art, mettre fous nos yeux l’expérience de tous les fiècles ëc les chefs-d’œuvre qui les ont illuftrés. Cependant en louant l’étude des ; ;/atrej- moulés fur l’antique, nous ne prétendons pas donner l’exclufion à celle de la nature : ce feroif faire perdre à l’art un trop grand nombre de fes avantages. Mais c’elt en confulrant affidaemerjt l’antique, que l’art pourra corriger & aggrandir la nature.

L’étude des plâtres moulés fur de belles fVatuos ou fur la natiire elle-même , eft d’une utilité prefqu’indifpenfable aux commençans. Sans elle , ils ne parviendront peut-être jamais à la précifion. La nature vivante eft trop mobile pour qu’un élève qui n’a point encore d’habitude, qui n’a point encore une multiplicité de formes gravées dans la mémoire, puifPe l’imiter avec exactitude. Pendant qu’il baiffe les yeux, le modèle refpire , & : quand il les relève, il ne retrouve plus la même forme qu’il avolt commencée. Le même mufcle offrira peut-être dans fa copie incertaine des mouvemens contradifloires. iVIais le plâtre refte immobile fous les yeux de l’élevé ; le mouvement, les formes ne changent pas ; il peut retrouver fon modèle toujours le même , & par conféquent fo corrif^er.

Les plâtres moulés fur l’antique feront toujours utiles à l’Artifte avancé. Ils l’avertiront des défauts du modèle vivant, ils lui montreront les formes dans leur plus grande pureté , la beauté dans fa perfedion fuprême, le grand ftyle de l’art dans ce qu’il a de plus fublime. Et quel Artifte croira qu’il eft temps pour lui de négliger une étude qui fut toujours celle de Raphaël ? Quand croira-t-on ne pouvoir plus rien apprendre dans ce qui appric toujours quelque chofe aa Pouffin î L^ B b