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cours ; mais que cependant cette partie exige du ſoin.

Il obſerve avec juſteſſe que les idées forces de Corneille ne ſeroient pas bien rendues, par le ſtyle doux de Racine, ni la fierté de Michel-Ange, par le pinceau du Cortone. Mais comme, dans la poeſie , il n’eſt point d’idées, de quelque genre qu’elles ſoient , qui ne puſſent être dégradées, & en quelque ſorte détruites par un mauvais ſtyle, de même les belles idées des peintres perdroient beaucoup ſi, dans un ouvrage qui doit être vu de près, elles étoient rendues par un pinceau capable de déplaire au ſpectateur.

Ce qu’a voulu combattre M. Robin, c’eſt l’erreur de n’approuver qu’un ſeul manie-nent de pinceau. Nous avons vu un temps, où il ſembloit qu’on ne daignât admettre que le pinceau ragoûtant : c’étoit mettre ridiculement des bornes au métier, & le condamner même à devenir ſouvent défectueux, puiſque cette ſorte de pinceau a une certaine molleſſe, qui peut être ſouvent condamnable. Il doit y avoir d’ailleurs autant de maniemens de pinceau, que de mains qui en font uſage. Les bonnes manières de traiter e pinceau ſont donc innombrables.

De belles chairs vues de près, de belles draperies, font en partie le réfultat d’un beau pinceau : des objets légers feroient mal rendus avec un pinceau lourd, & ce qui eft moelleux avec un pinceau fec. Un pinceau fatigué nuit à la franchife^ des tons. On lait combien eft admiré dans les ouvrages à l’huile , e pinceau du Correge ; & quel peintre auroit le droit de méprilér, de négliger une partie qui c^antribue à la gloire de ce grand maîcre. La variété des objets de la nature infpire la variété du pinceau, 8c , dans un bel ouvrage, elle eft , un mérite de plus. Il n’eft aucune partie de l’art & du métier, qui n’exige des fc^ins , parcequ’il n’en eft aucune qui ne foit un moyen de plaire (L).

PITTORESQUE (adj). On entend par ce mot , & ce qui convient à la peinture, & ce qui fait un bon effet dans les ouvrages de cet art. Il eft peu d’objets < !ans la nature qui ne puifTent devenir pittorefques , par le moyen de quelques attitudes que l’on peut y donner, de quelques accefToirc. qu’on -y peut âjufter, de quelque point de vue, fous lequel on peut les cor.fîdrrer.

On dit cette phyfionomio eft pittorefque , cet habillement eft pittorefque, cette vue, ce payfage eft pittorefque. Ùans ces phrafes le mot pittorefque fignitic qui convient à l’art. On dit que le Dominiquin a des coëiFures phtorefques , que les bizarreries du Bénédette Ibni pittorefques ;. & celafignifie que ces coëf-P I T


furesj ces bizarreries font un boa effet eg peinture.

Ce qui dans la nature a des formes maigres, ce qui décrit des lignes droites & régulières & qui offre peu de variété, n’eft pa.s pittorefque. Les vieux arbres dont le tronc eft tortueux & rongé par le tems , donc l’écorc* fouvenc interrompue eft profondément fillonnée, dont les branches font nouejfes font pittorefque :; un arbre dont la tige eft droite & : maigre ne l’eft pas ; mais il peut fe groupper avec d’autres 8c former une maffe pittorefque. Vne table mince & qui décrit des lignes droites n’eft pas pittorefque : elle peut le devenir en l’ajuftant avec d’autres objets qui cachent en partie fa maigreut & fa régularité. Le pittorefque , car ce mot le prend auïïl fubftantivement, tient moins au génie qui exprime, qui fent, &• qui porte le fenriment dans l’ame du fpeclateur, qu’au goût qui faic choifir ce qui eft capable de plaire à la vue, Raphaël s’occupoit peu du pittorefque, que cependant on rencontre fbuvent dans les ouvrages ; mais c’eft au pittorefque , que bien des Maîtres inférieurs, doivent leur principal mérite : ils ne parlent point à l’ame , mais ils ont l’art d’enchanter les yeux, & leur mérite eft réel , puifqu’il produit d’agréables jouiffances.

Il n’y auroit qu’une bien grande fupériorité qui pût donner aujourd’hui le droit de négliger le pittorefque : ou plutôt perfonne n’a ce droit -, car ce feroit annoncer bien de l’orgueil, que de vouloir impofer de i’eftime aux fpeélateurs fans cherchera s’infinuer dans leur bienveillance , & à trouver les moyens de leur plaire.

Certains peintres ont vu le public toujours froid pour leLirs ouvrages , quoiqu’ils ftiffenc peut-être fupérieurs à d’autres artiftes , qui avaient les plus grands fuccès : c’eft que les derniers avoient un goût pittorefque, & que les premiers ne l’avoient pas.

Boucher à dû fa fortune pafTagère à fon goût pittorefque , quoiqu’il négligeât toutes les grandes parties de l’art, & même la plupart des parties agréables.

Nous avons vu , dans ces derniers temps des ouvrages de l’art, obtenir tout le fuccès qu’ils méritoient , q’.ioiq’. :e le charme pittorefque y fût négligé, ou plutôt quoiqu’on eût judicieufement penfc que ces charmes y feroient "déplacés. Ce font de beaux exemples, mais il eft dangereux de les fuivre avec moins de génie. Ce goût auftère deviendroit barbare. Le goAt pittorefque de la compcfition confifte dans l’agencement agréable de tous le»obie^s dont elle eft formée, dans la difpofii-ion des grouppes, dans leur enchaînement , dans des contralies heureux , dans l’accord 8c l’oppoi