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atifli ignoranrs que leurs artiftes favoris , pour qui ce mérite ftérile du bien fait (i) tient lieu d’invention , de formes vraies ou choifies, & de coloris jufte & vigoureux. Pour nous, qui penlbns que rien ne peut fuppléer aux grandes parties de l’art , nous préférerions le plaifir d’en ^rencontrer quelques-unes fous un pinceau tâtonné & froid, à l’abfence de toutes les parties du premier ordre dans un tableau exécuté avec cette hardiefl’e ou plutôt cette eflionterie d’un pinceau conduit par la main d’un aveugle.^ Ce prétendu mérite en peinture eft en éloquence celui que Cicéron redoutoit quand il nous dit « qu’il n’héfite pas à préférer une éloquence » fage & froide à une chaleur vuide de penfées » : (juorum alterum fie optandum , malim equidein indifenam pmdenùam , quam Jhdtam Loquacitatem. (De oratore, lib. 3). Ceux que l’on appelle connoiffeurs en tableaux , nomment leurs auteurs par l’examen du caraflère particulier de chaque pinceau^ comme on nomme l’écrivain à l’infpeftion de fon écriture. Aulïï pour la diftinftion des ouvrages de l’arc, cette habitude eft d’une grande néceffité. Par elle , on ne prend pas les ouvrages des imitateurs ou des copiftes , pour ceux des maîtres ou des originaux ; par elle , le marchand vend en honnête homme, l’acquéreur n’acheté pas en dupe. Cette fcience étonne celui t(ui ne la poffede pas ; mais il ne faut pas croire que la connoiffance de la touche & du pinceau entraîne toujours celle de l’art. Le mérite réel s’apperçoit de loin , & : falflt l’am.e ; celui de la touche n’eft qu’un •amufement pour l’el’prit , & ne fe voit que de près. Le véritable amateur, l’homme fenfible , jouit du premier, & le pinceau n’occupe exclufiyement que les âmes froides. Plaignonsdonc l’amateur qui , en confidérant fes tableaux, ne fait que goûter que le plaifir de la touche. Ce n’eft pas pour lui que le Dominiquin a fait des expreflions fublimes , & que Ra phaël a rendu fi fortement les carailères de tous les rangs & de toutes les âmes. Au refte l’amateur dont nous parlons , eft fans doute à plaindre ; mais il peut-être excufi. Souvent il n’a eu pour guide, dans fa marche pirtorefque , qu’un homme peu inftruit, qui, ne connoiffant pas en quoi confiftent les plus Iblides beautés de l’art de peindre , n’aura pu l’entretenir que de celles qui réfident dans le pinceau. Mais ce qui pourroit paroitre étonnant , ce feroît de trouver des peintres imbus d’une aufli ftérile éducation , qui fe renferme eflèntiellemenc dans le mérite du pin- ) Voyez l’artiele Fait,

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ceau. Plus leurs connoiffances font cîrconfcrites, plus leur vues font bornées, & moins ils connoiffent d’art dans l’art. Aufli ce font des appréciateurs bien froids de tout ce qu’il préfente de beautés, hors au pinceau ^ diibns mieux, hors de leur /jincea ;^ , tout leur paroît au moins médiocre. Nous avons pourtant démentie que même ce genre de talent eft forS diverfifié dans la lifte des grands peintres, depuis l’invention de la peinture à l’huile Ce que nous avons dit fur e mot pinceau, peut fe rapporter à toutes les expreilions qui caraftérifent les différentes fones d’exécution. Car , quoique d’un côté on dife le beau pinceau de Pierre de Cortonne, de Luc Giordano, de Carie Vanloo, &c de l’autre, la touche de Berghem , le feuille de Claude Lorrain, le ragoût de Tré/ifani, de Parrocel père & de Chardin ; ce font tous termes qui ne fe rapportent qu’à l’exécution & expriment les opérations du pinceau. {Article de AI- Robin.) Pinceau. L’Auteur

qu’on vient de lire feroi

du favant Article

mal entendu des

jeunes élèves, s’ils croyoient qu’il les encourage à négliger abfolument Is pinceau. Ils n’ont qu’à lire attentivement l’article entier, pour s’appercevoir qu’il a prévenu cette interprétation de fes principes. Il a voulu feulement leur apprendre que l’art eft bien préférable au métier, & doit être le principal objet de leuis foins & de leurs études-, mais comme le métier eft indifTolument uni à l’art, il eft loin de leur confeiUer d’en négliger l’inftrument.

Lui-même rend hommage à ce qu’avoit d’aîmable le maniement de pinceau de l’Albane , ou du Parmefan , à la fierté du pinceau de Vélafquez & de Jouvenet , à la légèreté de celui de Teniers ; il avoue que le Giorgion, quand il fut devenu colorifte , abandonna la féchereffe Se l’égalité de fonte du pinceau , ’| pour adopter une touche franche & nerveufe, . & que le Corrège trouva des charmes dansl le maniement de la broffe ; il avertit qu’il yl a des genres qui exigent impérieufement le mérite du pinceau. Ajoutons que ce mérite eft généralement requis dans les ouvrages qu3 doivent êtrp vus de près , parce que le fpecJ tateur , après avoir admiré l’art , finit par s’a-è mufer à confiderer le métier,

M. Robin compare le pinceau dans.la peii] ture aux paroles dans l’éloquence , & il cita un paflage de Quintilien , qui veut qu’on s’ati tache principalement aux chofes , mais qui veut aufli qu’on donne du foin aux paroles : curam verhorum : c’eft dire affez que le pin’ ceau n’eft dans la peinture , qu’une partie fubordonnée , comme Iss paroles dans le (bf ;