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PafTons à une nouvelle école de peinture, bien faite pour occuper une place ilans l’hiltoire & les époques de l’art. On entend que je veux parler de i’école angloile. JoCiié Reynolds , peintre vivant, en efl le fondateur. Tout le monde connoît le bon goût qui règne dans les tableaux , ils euffent lufn pour lui mériter un ran ;; diftingué dans la clafl’o des artiftes de ce iiècle ; mais la Cuite qu’il a fu donner à Tes travaux parla crca’.ion d’une nouvelle école, & par les bons principes que les dii’cours & l’es exemples y ont lisniîs , lui affurenryiin nom célèbre tant que l’Angleterre connoîtra les avantages Sr le prix des talens. Le goût anglois paroît s’être formé fiir les grands maîrres de l’école italienne, Se fur les peintres d’effets que la Flandre a produits. La mort, ’du général Wolf, Le déparc de lléguliis reioumaiu à Cm i liage , l’arrivée d’^-- grippine à Brindes , & quelques autres liijets lerônt toujours des preuves que l’école, angloilb a, connu la grandeur du ftyle , les fortes expreflîons , &£ l’art d’ordonner les plus nombrcufes compofitions. Heureux, fi plus févcrc.s dans leurs formes, moins ambitieux des effets piquans , ils foutiennent quelques tems des commenccmens fi beaux. Mais quand l’Angleterre n’auroit pas déjà mcn :ré de fi brillans fbccès en peinture , elle fe feroit toujours immorralMee par fes gravures. Cette lavante nation n’a furtout pas encore été égalée dans l’art de traiter la manière noire , dans laquelle on peut dire qu’elle a furpaffe fes inventeurs. Il faut pourtant dire une vérité ’, quelque flatreufe qu’elle foit , pour nous. S’il exifle encore une nation où la JMftelTe des propor- . lions , la certitude & la pure :é des formes, & la belle manière de peindre rappelle les écoles d’Italie : c’efl : en France. S’il ell une école qui fourniffe un grand ntmbre-d’artifles diflingués dans tous les genres, & qui par fes travaux & les principes , rfpande une influence fenfible fui l’induflrie S.- fur le commerce ; c’eft encore notre école. Une feule chofe eft à craindre, c’eft l’attrait qu’on excite trop univerfellcmcnt pour la peinture, d’où s’enfuivra la multiplication défaftreufe des artiftes. Il paroît que depuis quelque tems on encourage moins les talens naiflans que le ; talons à naître. Par un projet mal /calculé d’élever l’art, on a multiplié des écoles de deffin : b’en différentes, fans doute, de ces écoles formées par des peintres habiles , on y montre les élémens félon des fyuêmes uniformes auxqtîels .les efprits font reftreints des leur enri’ée dans là .carrière. Cependant leur nombre s’accrr.ît dans lou.s les co’ns de cet empire ; elles produifent le double inconvénient de donner à la Franco des peintres mcdircres, c’efl-à-dire , des hommes les plus inutiles à Ja patrie, & P E I

celui de les multiplier avec excès, S ; de hâtèî par-là la décadence & le mépris de la peinture.

Jetrons un coup-d’œil fur l’état de cet art en Italie, il ne fera qu’augmenter nos craintes. Les premiers peintres y etoient en très-petic nombre, parce que dans ces tems , ce n’étoit qtie des génies qu’urje force impérioufe entraînoic vers l’étude de la peinture. Ils étoient honorés, & mérito’ent de l’être ; mais nulle autre cirtonfiance que celle de leur goût naturel ne les avoit lances dans une prcfeilion où jamais la récompenfe ne précédoit le fuccès. Les âges fuivans ont vu éclorrc des peinîres fans nombre ; mais ils ont perdu la confideration à mcfure qu’ils fe font multipliés. Les ouvrages, moins ellimahlos à la vérité, & par confequen.t moins recherchés, fe font : donnés à vil prix. La misère enlève la pofllbilité des études : I art fe détériore fenfiblement ; & ceux qui l’exercent font bientôt niéprifés & confondus dans la foule du bas peuple.

Eîi ! comment ces hommes , quand ils auroienieu quelques talens , ne fe feroient-ils pas dégrades avec z peinture ? On les a vus, dans ces tems malheureux pour les arts, mendier, & fe difputer entr’eux un ouvrage qui ne devoir être que mal récompenfe’ : ils le faifoient en efclaves , toujours aflervis au caprice de celui qui leur donnoit un falaire de première néceflité. E{l-ce ainfi que l’art de peindre doit être exercé ? Pour qu’il le foit avec fuccès, il faut que l’efprit du peintre foit, comme fon état, indéoendant ; & que fon ame foit élevée & ennoblie par les honneurs & les encouragemens. Les grands & les riches n’accorderont ces faveurs qu’avec peine, toutes les fois que les peintres feront en grand nombre’, & forcés à la foliicitation.

La- dégradation de la peinture pourroit avoir encore la fource dans la mauvaife forme & le dol’potifme qui régnent quelquetois dans les fociétés académique.’ ;. En cfïet , clle^ ont fouvent été dominées par des goûts exclufifs qui gênent les génies de caraéhéres, Se les forcent à fe dénaturer. Si elle ; exigent tel ou tel mérite d’exécution , bientôt pour s’y rendre habile, on négligera les premières parties de l’arr. L’école ie porte-t-elle vers le mérite du deffin d’une manière abluhie , ce qui arrivera toutes les fois que les fculpteurs y feront prépondérans. ? alors l’ariifte , dont l’inclination feroit marquée pour le coloris, ne fuirra pas une partie danslaquelle il n’obtiendroit aucune efîime, & fera forcé de fe li-vrer à-celle dans laquelle il reflcra toujours médiocre. Le même genre d’inconvéniens aura lieu , comme il eft arrivé à Venife, où la fculpture n’a pas été pratiquée ,. fi toute l’infcrutlion de l’école fe porte vers le talent de colorier ; un efprit dif-