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Après que la peinture fut parvenue, cliezles Grecs, à Ton plus haut degré de perfeftion du temps de Zeuxis & de Parrhafius, Apelle ne trouva rien qu’il pût ajouter à l’arc que la grâce : de même, chez les modernes, il ne refloit, lori^-iue Raphaël eût paru, que la grâce qui manquât aux ouvrages de l’arc : eile leur fut donnée par le Corrège. Alors la peinture fut portée au plus haut degré de perfection chez les modernes —, le goût éclairé des vrais connoifTeurs, & les yeux peu exercés du vuîp-aire furent également iatisfaits. Après ces grands maîtres, on trouve un grand intervalle jufqu’au temps des Carraches. Ces arciftes, n-js à Bologne, s’éiant appliqués à étudier les ouvrages de leurs prédéceffeurs, parriculicrement ceux du Corrège, devinrent les premiers, les plus grands & les plus célèbres de leuts imitateurs. Annibal eut un deflîn très-correa, & réunit le flyle des antiques à celui de Louis, l’on frère ; mais il négligea de chercher les fineffes de l’art & fes caufes philofophiques. Les élèves des Carraches formèrent une école aflez lavante, en luivanc néanmoins la même route : mais le Guide, peintre d’un talent heureux & facile, le forma un ftyle tout-à-ia-fois gracieux & beau, riche & facile. Le Guerchin fc forma d’anrès le Caravage, ou inventa lui-même un ftyle particulier de clair — obfcur, compofe d’ombres fortes, de vives oppofitions, d’interruptions tranchantes.

Après ces grands artifl-es qui, d’une manière facile, avoier.t imité l’apparence des perfections qu’ils avoient trouvées dans leurs predéceffeurs & dans la nature, vint Piètre de Cortone, qui, trouvanttrop de difficulté àréiiffir en ce genre, & ayant d’ailleurs un grand talent naturel, s’appliqua principalement à la partie de la compofuion ou agencement, & à ce que les artiites appellent goût. Il diftingua l’invention de la compofition, parut ne s’appliquer que foiblement à la première, & s’arrêia i’iirtouc aux parties qui flattent la vue, c’eft-à-dire, aux contraftes des grouppes, & à ceux des membres des figures. Ce fut alors que commença l’uCage de charger les tableaux d’un grand nombre de figures, fans examiner fi elles convenoient ou non au fujet d’hiftoiie qu’on traicoit. Au lieu que les anciens Grecs n’avoient employé dans leurs ouvrages qu’un retit nombre de figures, afin de rendre plus fenfible la perfeèlion de celles qu’ils admettoient, les peintres difclples ou imitateurs du Cortone ont, au contraire, cherché à cacher ]eurs imperfeflions, en multipliant les objets. Cette école du Cortone s’eft divifée en plu-Ûeurs branches, & a changé le caraôère de l’arc •, ou plutôt s’occupant bien plus de multiplier le nombre des figures, que d’en faire P E I

un choix judicieux & raifonnc, de les rendre néceffaircs, de les porter au plus haut degré de perfecl : ion, ils n’ont fait que reprend.-e la peinture au point où l’avoient laifle fes premiers reflaurateurs entre les modernes, & ajouter à ce premier état de l’art les perfections dont il étoit rufceptible.

Peu de temps après, parut à Rome Carie Marattequi, voulant parvenir à la perfedlion, la chercha dans les ouvrages de « grands maîtres, particulièrement dans ceux de l’écele des Carraches ; quoiqu il eût déjà beaucoup étudié la nature, il reconnut par les ouvrages de ces artifles, qu’il ne faut pas toujours l’imiter avec une exaftitude Icrupuleufe : ce principe, qu’il étendit fur toutes les parties de l’art, donna à Ion école, qui fut la dernière de Rome, un certain liyle foigné, mais cmi eil : un peu tombé dans la manière. la France eut auiïï de grands-hommes, principalement dans U partie de la compofition ; partie dans laquelle le Pouflin a été, après Raphaël, le meilleur imitateur du fbyle des anciens Grecs. Charles-le-Brun Se pkifieurs autres le diftinguèrent par une grande fécondité -, & auffi long-temps que l’école Françoife ne s’écarta point des principes de l’école d’Italie, elle produifit des maîtres d’un grand mérite dans les différentes parties de l’art. C’efl Mengs qui a parlé juliqu’ici, & nous n’avons fait que le tranfcrire prefque mot pour mot. Il ne fe trompe pas quand il prononce que l’art a dégénéré en France après le Brun ; mais il fe trompe quand il donne pour caufe de fa d^rgénération, l’imitation des ouvrages de Rubens qui fe trouvent à Paris. Il prouve par ce jugement que notre école récente ne lui efr pas bien connue. Jamais les François ne fe font beaucoup occupés de l’imitation de Rubens ; ils l’ont même long-temps méprifé. Prefque tous élèves de l’Italie, ils ont dégénéré en prenant furtout pour exemple l’école du Cortone & de Carie Maratte, en adoptant les défauts de ces écoles fans en prendre toutes les beautés qu’ils perdent trop tôt de vue. Ils ont dégénéré, parce qu’Antoine Coypel, qui a pris.beaucoup d’influence fur les artiftes de fa nation, avoir trop écouté les confeils du Bernin. Enfin la perfedion de l’art dramatique en France, l’habileré de nos aS-eurs, la magnificence & les manières de notre cour n’ont pas foiblement con-^ribué à la dégradation de l’art. Au lieu de chercher à fe former fur la belle fimplicité de la nature, nos peintres ont étudié les gefires & les attitudes de nos comédiens, les minaudeiies des femmes de la cour, les airs aftéâés des courtlfans, le fafte de Verfailles, & la magnificence de l’Opéra. Mengs dit lui-même, & nous ne le contredirons pas, o que les Fran-