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Bu plutôt l’amour qu’il avoit conçu pour la capitale des arts , ne lui permetcoit pas de trouver ailleurs le bien-être , & lui faifoit regarder comme un état de maladie les déplaifiis de fon imagination : il obtint la per-Jnifîlon de voir Rome une troifième fois. Bientôt la malheureufe guerre qui livra ia Saxe à une puiffance ennemie le priva de fa penfion de premier peintre, le réduifit à la pauvreté, mais le rendit libre. Il proiita de la liberté pour peindre à frel’que un plafond dans l’eglifè des Auguftins confacrée à Saint Eufebe, & ce morceau , très-mal payé, lui fit une grande réputation. Dans un autre plafond qu’il peignit pour la Villa-Albani , Si dans lequel il choilit pour fujet Apollon, Mnénofyne Se les mufes , il ofa fe fouflraire à l’ufage qui, dans ces fortes de peintures, fait prendre le point de vue de bas en haut ; pratique qui occafionne des racourcis toujours contraires à la beauté des formes. Il iuppoia que fon ouvrage étoit un tableau attaché au plafond. Ce parti lui attira de grands éloges Se de violentes critiques. Il avoit en fa ravc’-ir un grand exemple, celui de Raphaël, ik ce qui efi plus refpeftable que tous les exemples , le grand principe de chercher 8c àe conl’erver la beauté qui doit peut-être l’emporter fur tous les autres principes de l’arc. Nous l’avons dit ailleurs ; nous le répéterons peuc^ être encore ; c’eft dans lenr développement, & non dans leurs raccourcis , que les formes manifeftent letirs beautés.

Appelle à Madrid par Charles llï, il y fit un grand nombre d’ouvrages & fut m.ignifîquement récompenfé. L’excès du travail, & quelques dégoûts que l’envie fufcite toujours à ceux qui obtiennent de la gloire, le firent tomber dans un état de maralme. 11 revint à Rome, jouiffant toujours de la penfion de premier peintre du roi d’Éfpagne , prolongea autant qu’il le put fon féjour en Italie, & fut obligé de fe rendre enfin aux ordres prefTans du roi. De nouveaux travaux lui obtinrent fa liberté accompagnée d’une penfion. Il fe flattoit de jouir enfin du bonheur -, mais à peine de retour à Rome, il eut la douleur de perdre fon époufe, & le refte de fa vie s’écoula dans la trifteffe. Il tomba dans un état d’étifie 8c m :)urut en 1779, à l’âge de cinquante & un ans.

C’efl : au temps qu’il appartient de fixer la réputation de ce célèbre artifte. Ses partifans, à la tê :e defquels eft placé le très-èfiimable Winckeîmann, le mettent à côté de Raohaël & lui accordent même des parties fupérieures. Des artiftes d’un efprit cultivé, & dont les talens femblent devoir donner de l’autori-é à leurs jugemens, lui affignetit un rang honoïable eiitre Jes peintres célèbres ; d’autres , Se P E I


ce font encore des artifles, ont même peine à prononcer qu’il eût des talens fort diftingués. Il avoit un trop grand nom- pour ne pasexciter l’envie ; d’ailleurs, c’eit un foible da bien des hommes , de vouloir s’oppofer à l’éclat des grandes réputations, tant que ceux qui^ les ont obtenues vivent encore , & : même lorlqu’ils ne font pas depuis longtemps dans le tombeau. Nous n’avons en France qu’un tort petit nombre d’ouvrages de Mengs ; on volt bien qu’ils font de la main d’un fort habile artifte ; mais ils ne font pas capitaux, 8c peut-on décider , fur quelques paftels, fi cet artifte étoit_ un grand homme ? Plufieurs perfonnes, Se je fuis du nombre, ont vu quelque temps à Paris un tableau à l’huile de Mengs : il rep ;éfentoit une vierge, figure entière : ce n’etoit pas un chef-d’œuvre ; mais on peut croire aufli que ce n’étoit pas un de» bons ouvrages du. peintre. Ce que nous pouvons dire, c’eft qu’il eft vraifemblable que jamais aucun artifte n’a eu fur l’art des principes plus fublimes , & il eft bien difficile que la grandeur des principes n’ait pas une influence marquée fur les ouvrages. Sa lageflTe a été traitée de froideur par les amateurs des compofitions tourm.entées ; fi tous Ces ouvrages ont été profondément réfléchis, comme fes écrits peuvent le faire fuppofer, ils ont dû être généralement mai jugés, parce que l’on confidère généralement les ouvrages de l’art fans réflexion. On lui a reproché une petite manière qtii fe fentoit de fa première application à la miniature ; on lui a reproché de la féchereffe ; & lui-même, dit l’hiftoriende fa vie, s’eiî eft accule & s’en eft corrigé. On a prétendu que, dans plufieurs de les ouvrages, fon fini tenoit de l’émail , & Pompeo Eattoni difoit que les tableaux de Mengs ponvoient fervir de mn-oir. Mais en admeiiant même qu’il ait eu tous ces défauts , il peut encore refter vrai qu’il ait é :é un très-grand artifte ; parce .que, des défauts, même confidfrables, peuvent être effacés par de trè^-grandes beautés , & : parce que ceux qu’on lui reproche ne portent que fur les parties fecondaJres & manuelles de l’art, & qu’il en a pu pofféder les parties fpirituelles & capitales. (’)Les défauts des hommes fupérieurs fervent de confolation à la*malignité des con :emporains : la poftcrité les pardonne, 8c même elle da’gne à peine les re. marquer ; elle ne’ s’attache qu’aux perfedions, dont elle fait^ les objets de fes études. Tel artifte maltraité de fes contemporains, donne



(1) Il femble qu’on peut s’arrêter fur Mengs au jugement qu’en ports un très-habile peintre , qui le regarde comme un élève intelligent de Raphaël, & qui croie que Men s n’âuroiç été rien, ii Raplaael n’avoit pas exifté.