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cole Fi-ançoîfe. Il étoit porté au grand , peut- î être encore plus par ambition que par génie ; & s’il n’avoit pas le fentiment de ce qui conftitue le grand dans la nature humaine , il avoir bien l’intelligence de ce qu’on appelle le grand dans la machine. Il étoit gracieux fans chercher comme Coypel , la grimace, la minauderie qui veut imiter la grâce ; fes conceptions , fes ordonnances , fes attitudes avoient du naturel , de la vérité. Il ne tomboic pas dans les attitudes théâtrales, comme de Troy ; il ne cherchoit pas non plus, comme ce peintre , la richeffe dans la magnificence affeftée des vêtemcns Se des acceffoires ; il la plaçoit dans l’ordonnance , difpofoit indultrieufement les grouppes , & varioit fans afFeftation les mouvemens de toutes les figures. Enfin, il entendoit très-bien la machine pittorefque , & c’eft un des grands moyens de réuflir , parce qu’il ei peu de bons juges des parties plus favantes de l’art.

Le Moine ne peut être placé dans la clafle .des grands colorifles ; mais il avoir des parties de couleur qui dévoient le conduire au fuccès -, de la fraîcheur, des tons fuaves, un agrément général , effet de l’harmonie , une heureufe cadence dans la diftribution des ombres & des couleurs. Il peignoir avec affez de peine , & étoit lent dans l’exécution : mais il a voit l’adrefTe de revenir fur fon ouvrage, & d’y donner l’apparence de la facilité. Si les deflbus étoient peines , il les couvroit Se ne laiffoit plus voir que la grâce du pinceau ; rufe permife Se même recoramandable ; car l’artifte curieux de fa réputation ne doit négliger aucun moyen de plaire, & le fentiment d’un travail pénible déplaît toujours.

Ses ouvrages ont de l’ame & du feu. S’il étoit mou & incorreft dans le delîin , s’il connoiffoit trop peu la fineffe des attaches , fi prefque toujours on peut lui reprocher un peu ^e manière dans les formes, il plaifoit par un fentiment de chair, & par cette morbideffe qui charme le grand nombre des fpeélateurs , bien plus qu’une favante & profonde étude. Il donnoit plutôt du gracieux que de la •grâce à fes têtes de femmes , & n’avoit pas le fentiment de la vraie beauté ; mais il plaifoit fans elle , ce qui , par des raifons thyfiques , eft moins dilBcile en France que dans plufieurs autres pays. Comme la beauté des têtes y eft rare dans la nature, on eft convenu d’y prendre pour elle une gentilleffe de convention. Ses têtes d’hommes manquent de caraâère ; & en gonéral , il n’étoit propre à aucune des parties de l’art qui exigent de la fermeté. Il n’atteignoit pas à la nobleffe dans les figures , & n’avoit que celle de la compofition. Ses draperies font comme tout le reAe, plutôt agréables que d’un grand goût, P E I

Il chercha les grandes entreprifes, & parvint à s’en procurer. Il fit , à très bas prix , le plafond du chœur des Jacobins de la rue du Bacq ; il peignit d’une frefque vigoureufe celui de la chapelle de la Vierge , à la paroiffe S. Sulpice -, mais fon plafond du fallon d’Hercule, à Verfailles, eft la plus vafte compofition qui exifte en Europe, puifqu’elle porte 64 pieds de long, fur 54 de large, & huit pieds & demi de renfoncement, fans être interrompue par aucun corps d’architeflure vraie ou fuppofée. Le nombre des figures eft de cent quarante deux. Cet ouvrage, tout entier de la main du maître, a été peint à l’huile, fur toiles maroufflées , en quatre années. Le Moine répandoit trop d’éclat , & cherchoit trop ouvertement la gloire pour ne pas exciter la haine de ceux qui avoient la vanité de fe croire fes rivaux. Tendre fils, maître doux & complaifant pour fes élèves, mais homme paffionné , il n’eut pas l’adrefle de cacher la haine qu’il rendoit à fes ennemis, & ne fit que les aigrir davantage. On fit à Cazes une grande réputation qui eft oubliée, parce qu’on vouloir oppofer une réputation faélice à celle de le Moine. On ferma les yeux fur les brillantes qualités pittorefques du dernier , pour ne s’attacher qu’à fes nombreux défauts : le Cortone de la France ne recueillit que des mépris de la part des artiftes. Il crut que fon mérite étoit méconnu , parce qu’il étoit en eir fet trop bien fenti par fes envieux , qui cherchoient à le ravaler ; il fe crut mal récom^ penfé de fon fallon d’Hercule ; il comparoit les honneurs dont le Brun avoir été comblé, avec le peu de diftinftion qu’on lui marquoit •, il crut même fes ennemis affez puiffans pour lui ravir la liberté. Son efprit s’aliéna, & un matin que M. Berger , qui l’aimoit, & qui l’avoit conduit à Rome , venoit le chercher pour le mener à la campagne , où il efpéroit le faire traiter, il crut qu’on venoit l’arrêter pour le conduire en prifon , fe frappa de neuf coups d’épse , eut encore la force d’ouvrir fa porte , & tomba mort aux pieds de fon ami. Cet événement arriva en 1737 : le Moine avo’t alors quarante-neuf ans , & étoit revêtu dei» puis dix mois, de la place de premier peintre du Roi. On regarde comme fon chef-d’œuvre la fuite en Egypte, tableau qu’il fit pour les religieufes de l’Affomption. On y joint encore uns femme entrant au bain , qu’il commença à Bologne, qu’il continua à Venife, & qu’il finit à Rume. Son morceau de réception à l’Académie Royale , repréfentant Hercule & Cacus , n’eft pas le plus beau de fes ouvrages ; mais il eft peut être le moins incorreâ. Cars a gravé d’après ce Peintre , Hercule & Omphale , la femme defcendant au bain , le Teras qui enlevé la Vérité, Hercule &