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gles de la perspective, & Fra Bartolomeo donna en échange à Raphaël de savantes leçons sur l’art de drapper & d’employer les couleurs.

Il avoit trop de douceur pour n’être pas timide & modeste. Etan allé à Rome, il fut tellement frappé du mérite de Raphaël & de Michel-Ange, qu’il n’osa entreprendre que deux tableaux d’une seule figure ; l’un devoit représenter Saint-Paul, & l’autre Saint-Pierre ; mais trop peu satisfait de lui-même, il laissa le dernier imparfait.

De retour à Florence & loin de ses émules, il reprit courage, & entreprit, pour différentes maisons de son ordre, des tableaux qui firent connoître que la vue de Rome avoit aggrandi sa manière. Pour ses figures drappées, on le comparoit à Raphaël ; pour ses figures nues, on ne le comparoit qu’à lui même. Il fit un Saint Sebastien dont les formes étoient si belles, & les chairs si délicates, que les religieux crurent devoir le retirer de leur église parce qu’il faisoit sur les sens de quelques femmes de trop vives impressions.

Fra Bartolomeo ne se permettoit de rien peindre sans consulter la nature, & ne traçoit jamais aucune figure sur le paneau ou sur la toile sans avoir fait auparavant des cartons bien arrêtés pour les formes, les lumières & les ombres, seule manière peut-être d’atteindre à la grande perfection. Bien assuré des formes par ce premier travail, il pouvoit sans distraction s’occuper de la couleur & des opérations du pinceau. Nos moins habiles peintres mépriseroient aujourd’hui cette pratique qu’ils appelleroient timide ; ce fut en général celle des plus grands maîtres ; & il vaut mieux sans doute employer de timides précautions pour faire d’excellens ouvrages, que de faire hardiment des ouvrages médiocres.

On doit au Bartolomeo l’invention du mannequin à ressort dont il se servoit pour étudier & peindre les drapperies. Il découvrit le premier que sur une partie saillante, il ne doit y avoir ni plis fortement ressentis, ni aucune ombre qui semble la couper : il trouva le premier, la bonne manière de drapper & de faire sentir le nud que couvre l’étoffe, & Mengs croit que ce fut lui qui apprit cet art à Raphaël. Il peignoit d’une belle sonte, sa couleur étoit vigoureuse, son dessin étoit savant & pur, ses attitudes avoient de la grace & de l’élégance. Si sa carrière eût été plus longue, si ses talens n’eussent pas éte gênés par les régles & les convenances monastiques, aucun peintre ne l’auroit peut-être surpasse. Il mourut à Florence en 1517 à l’âge de 48 ans.

Comme il n’a guere travaillé que pour des églises de Dominicains, ses tableaux sont peu répandus. Le seul qui se trouve au cabinet du Roi représente une annonciation. On y voit huit figures, dont une qui represente une Sainte & qui est placée sur le devant, est tout-à-fait dans la manière de Raphaël. Ces figures sont petites, & le tableau entier n’a que 2 pieds 11 pouces de haut, sur 2 pieds 4 pouces de large.

Ch. Simonneau a gravé d’après ce peintre une Vierge écoutant un concert d’Anges.

(5) Albert Durer. Voyez l’article École sous l’école Allemande.

(6) Michel-Ange Buonarroti, né en 1464 mort en 1564. Voyez sous l’école Vénitienne, article École, ce qui concerne cet artiste. Quoi qu’il ait dit, ou qu’on lui ait fait dire que la peinture en huile ne convenoit qu’à des femmes, il est vrai cependant qu’il a fait un assez grand nombre d’ouvrages en ce genre. On rapporte même qu’il n’avoit encore aucune pratique de la fresque quand Jules II, lui ordonna de peindre la voute de la chapelle Sixtine : c’etoit le Bramante, son ennemi, qui pour le faire échouer, avoit conseillé au Pape de le charger de cet ouvrage. Michel-Ange fit venir de Florence plusieurs peintres qu’il crut capables d’operer d’après ses cartons ; mais il fut obligé de faire abattre ce qu’ils avoient commencé, & de se charger seul de son travail, qu’il finit en vingt mois. Ce grand ouvrage consiste en neuf sujets de l’ancien testament ; & plus bas-sont des figures de Prophêtes & de Sybilles qui n’étonnerent pas moins par la fierté du dessin & des attitudes que par leur peu de convenance avec la sainteté du lieu. Daniel de Volterre fut chargé dans la suite de couvrir quelques unes de ces figures. Ce fut pour l’autel de cette même chapelle que, sous le pontificat de Paul III, le même artiste peignit son fameux tableau du jugement dernier.

Suivant M. Reynolds, après les productions de Raphaël, ce sont celles de Michel-Ange que les peintres doivent étudier : suivant M. Cochin, Michel-Ange, comme peintre, n’est pas pour les peintres l’objet d’une étude fort utile. « Ce n’est pas, ajoute cet artiste, qu’il ne soit très savant, & qu’on n’en puisse tirer parti par un grand de manière, & pour ces figures fictives d’Hercule & de Géans qu’on est quelquefois dans le cas de représenter : mais cette manière est si outrée & chargée avec tant d’excès, que ceux qui l’étudieroient trop, courroient le risque de tomber dans un goût tout-à-fait barbare. » Mengs ne pensoit pas autrement à cet égard ; & quoiqu’autre fois un ait fait fin mérite à Raphaël d’avoir cherché à se rapprocher du caractère de Michel-Ange, on a changé de sentiment dans la suite, & les ouvrages de Raphaël qu’on estime le plus, sont