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P E I tableau en le dédiant sous le portique de Neptune, en mémoire de ses victoires navales. Il représentoit les argonautes. Les peintres durent à Cydias une nouvelle couleur rouge : cette découverte lui fut suggerée par de l’ochre demi brulée qu’il trouva dans une boutique consumée par le feu.

(41) HERACLIDE de Macédoine, avoit commencé, comme Protogenes, par peindre des vaisseaux, & s’il ne parvint pas au talent de Protogenes, il s’éleva du moins au rang des peintres qui méritoient d’être cités. Tout ce que l’on sait de lui, c’est qu’après la captivité de Persée, il chercha un asyle à Athenes.

(42) METRODORE vivoit à Athenes dans le même temps qu’Héraclide. Il étoit à la fois peintre & philosophe, & jouissoit, dans ces deux genres, d’une grande considération. C’est le témoignage que Pline lui a rendu, & lui seul l’a fait connoître à la postérité.

(44) ANTIDOTE, disciple d’Euphranor, avoit plus d’exactitude que de fécondité. Sa couleur étoit sévère. On avoit de lui à Athenes un guerrier qui se servoit de son bouclier pour combattre, un lutteur, & un joueur de flute, tableau loué entre le petit nombre des meilleures productions de l’art.

(44) NICIAS, fils de Nicomede, reçut les leçons d’Antidote, qui fut encore plus honoré par les talens d’un tel disciple que par ses ouvrages. Il peignit les femmes avec beaucoup de soin ; il observa les effets de l’ombre & de la lumière, ce qui constitue la partie positive du clair-obscur ; il faudroit voir ses ouvrages, pour savoir s’il porta le clair-obscur jusqu’à l’idéal que les artistes appellent la magie de cette partie de l’art : il sut aussi donner du relief aux objets & les faire sortir du tableau, talent qui tient encore au clair-obscur. Il s’appliquoit au travail avec tant d’opiniâtreté qu’on l’entendit souvent demander à ses gens s’il avoit été au bain, ou s’il avoit dîné. C’est ce qui lui arriva plusieurs fois lorsqu’il peignoit le tableau qui représentoit Ulysse évoquant les ombres des morts. Le Roi Attale voulut acheter ce tableau soixante talens, c’est-à-dire 270 mille de nos livres ; & le peintre, qui étoit extrêmement riche, aima mîeux le donner à sa patrie. Un de ses ouvrages représentant Némée assise sur un lion, fut apporté d’Asie à Rome par Syllanus. On voyoit aussi de lui à Rome un Bacchus, dans de temple de la concorde, & Hyacinthe, à qui il donna la plus grande beauté, pour faire connoître l’amour qu’Apollon ressentit pour ce jeune homme. Auguste aimoit tant cet ouvrage qu’il le fit


apporter à Rome, après s’être rendu maître d’Alexandrie, & Tibere le consacra dans le temple d’Auguste. La Calypso de Nicias, son Io, son Aléxandre étoient des figures de très grande proportion.

Pausanias raconte qu’avant d’entrer à Tritia étoit un tombeau de marbre blanc digne d’ailleurs d’attacher les regards, mais surtout par les peintures qui le décoroient & qui étoient de la main de Nicias. On voyoit assise sur un trône d’ivoire une jeune femme d’une grande beauté ; une esclave étoit auprès d’elle tenant un parasol : un jeune homme, encore sans barbe, étoit de bout, vêtu d’une tunique que recouvroit une clamyde de pourpre : à côté de lui, un valent tenoit des javelots, & conduisoit des chiens de chasse.

Pline doute si c’est ce Nicias, ou un autre peintre du même nom qui vivoit dans la 112e. olympiade : ce doute est singulier dans la bouche d’un homme qui fait Nicias contemporain d’Attale. Il prétend aussi que Nicias enduisoit d’un vernis les statues de marbre de Praxitele ; mais comment auroit-il pu être à la fois contemporain de Praxitele & d’Attale ? Un peintre comme Nicias, qui refusoit 60 talens d’un de ses tableaux, auroit été d’une bien rare complaisance s’il s’étoit fait le vernisseur des statues de Praxitele. Il faut donc convenir qu’il y eut au moins deux peintres nommés Nicias ; l’un distingué par le talent, & l’autre inférieur, mais qui excelloit à vernir les statues, ensorte que Praxitele disoit que ceux de ses ouvrages en marbre qui lui plaisoient le plus étoient ceux qui avoient été vernis par Nicias.

Nicias avoit sa sepulture à Athenes entre les monumens de ceux que la république avoit jugé dignes de cet honneur. Ce peintre, dit Pausanias, l’emportoit sur tous ceux de son temps, par son habilité à peindre des animaux. Aussi voyons-nous qu’il avoit peint Nemée assise sur un lion ; que sur le monument qu’il avoit décoré de peintures près de Tritia, il avoit représenté des chiens de chasse, & un passage de Démétrius de Phalere nous apprend qu’il aimoit à représenter des combats de cavalerie. Il peignoit à l’encaustique, & ce fut dans ce genre de peinture qu’il fit le tableau de Némée.

Suivant Plutarque, ce ne fut pas Attale, mais Ptolémée qui voulut acheter soixante talens l’évocation des ombres de Nicias. Alors ce peintre pouvoit être le même que Pline trouvoit sous la 112e. olympiade ; alors il ne seroit pas impossible qu’Euphranor eût vécu dans la 104e. olympiade. Mais Euphranor auroit donc été plus ancien qu’Apelles, ce que le passage de Quintilien que nous avons rapporté ne permet pas d’admettre. Pline dit lui-même qu’Euphranor n’a paru qu’après Pausias.