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P E I Pasias. L’exemple d’Erigonus est remarquable, en ce qu’il prouve que le talent pouvoit faire taire la loi qui ne permettoit qu’aux hommes d’une condition distinguée de se livrer à la peinture. La loi étoit sage en elle-même ; elle auroit été barbare, si jamais elle n’eût été susceptible d’exception.

(39) EUPHRANOR de l’Isthme de Corinthe. Pline le met au premier rang entre les peintres qui fleurirent après Pausias ; époque indéterminée, puisqu’il peut s’être écoulé plus ou moins de temps après Pausias avant qu’il ait paru un peintre d’un très grand talent. Suivant les éditions de Pline, Euphranor florissoit dans la 104e. olympiade dont la première année répond à l’an 364 avant notre ere : époque vicieuse, puisque Nicias éleve d’Antidote qui eut pour maître Euphranor vivoit dans le même temps qu’Attalus : or le premier Attalus prit le titre de Roi de Pergame 241 ans avant notre ere, sous la 134e. olympiade. M. Falconet s’est apperçu que cette époque des éditions de Pline étoit fautive. V. ses notes sur le 35e. livre de Pline.

Cet artiste a consulté le manuscrit de Pline de la bibliothéque de Saint-Petersbourg : on y lit olympiade centesimâ quinquagesimâ primâ. Je trouve en marge de l’édition de Pline de Dalechamp la leçon d’un autre manuscrit qui porte olympiade scilicet quinquagesima prima. Il est bien certain qu’Euphranor n’a pu vivre dans la 51e. olympiade ; il est donc clair que le mot scilicet a pris la place de centesima & que ce manuscrit s’accorde avec celui de Saint-Petersbourg pour placer Euphranor sous la 151e. olympiade.

La vérité de cette leçon est prouvée par le recit de Pline. Il raconte qu’Attale voulut acheter de Nicias un de ses tableaux. Il est au moins très probable que cet Attale, amateur des arts, étoit le même qui régnoit du temps de la prise de Corinthe, & qui mit un très haut prix à un tableau d’Aristide de Thebes qui provenoit du pillage de cette ville & que Mummius retira. Corinthe fut détruite 146 ans avant notre ere, la troisième année de la 158e. olympiade.

Nicias fleurissoit donc à peu-près 140 ans avant notre ere ; & parconséquent Euphranor, maître d’Antidote, dont Nicias étoit l’éleve, pouvoit jouir de toute sa réputation à-peu-près 36 ans plutôt, c’est-à-dire 176 ans avant notre ere, ce qui répond à la première année de la 151e. olympiade. La leçon des éditions de Pline doit donc être corrigée d’après les manuscrits que nous avons cités, & d’après le récit de Pline lui-même.

Quintilien après avoir parlé des plus grands peintres de l’antiquité, & d’Apelles lui-même, nomme enfin Euphranor, qu’il regarde comme


ayant porté l’art au plus haut dégré de perfection ; il entre ensuite dans le détail des orateurs Romains, & finit par nommer Cicéron qui parvint à la perfection de l’art oratoire & qu’il compare à Euphranor. Il résulte de ce passage que l’art de peindre n’étoit pas encore parfait du temps d’Apelles, & que c’est Euphranor qui le premier a réuni toutes les parties qui complettent sa perfection, comme Cicéron a réuni le premier, chez les Romains, toutes les parties qui complettent l’éloquence, At M. Tullium non illum habemus Euphranorem circa plurium artium species præstantem, sed in omnibus, quæ in quoque laudantur, eminentissimum ? (Inst. Orat. l. 12. c. 10.) Cette observation a été faite avant nous par M. Falconet.

Jamais artiste ne fut plus docile ni plus laborieux qu’Euphranor. Peintre & statuaire, il excelliot dans tous les genres, & étoit toujours égal à lui-même. Il paroissoit avoir exprimé le premier la dignité des héros & avoir atteint à l’entière perfection. C’est au moins ce que dit Pline s’il faut entendre par le mot symmetria qu’il emploie, ce que nous entendons par proportion : mais je soupçonne qu’il y a dans la signification de ce mot symmetria une légère nuance qui nous échappe, & qui le distingue des mots commensus, proportio, &c. Les nuances entre le sens des mots qui paroissent synonymes feront toujours, dans les langues anciennes, le désespoir des savans.

Pline remarque qu’Euphranor faisoit les corps un peu trop sveltes, & les têtes un peu trop fortes ; ce qui seroit un vice contre la proportion. Il est vrai que si l’on osoit retrancher du texte le mot fed, on pourroit entendre qu’Euphranor donnoit de la sveltesse à ses figures, & de la grandiosité à ses têtes ; ce qui seroit un éloge. Il avoit écrit sur la symmétrie & sur les couleurs.

Les ouvrages d’Euphranor dont les sujets nous ont été conservés étoient les douze dieux, des tableaux célèbres à Ephese représentant Ulysse, qui contrefaisoit la démence & qui atteloit à la charrue un bœuf avec un cheval ; des hommes en manteau, plongés dans la méditation ; un général qui remettoit son épée dans le fourreau ; il avoit peint aussi les exploits des Athéniens à Mantinée, ouvrage plein d’enthousiasme, une Junon, dont on admiroit la chevelure, & sous un portique d’Athenes, la democratie, le peuple, & Thésée. Je ne sai si c’est ce Thésée qu’il comparoit avec celui de Parrhasius, disant que le sien étoit nourri de roses & l’autre de chair.

(40) CYDIAS de Cythnos. On ne peut apprécier son talent que par le haut prix qu’Hortensius mit à l’un des tableaux de ce peintre, & par l’honneur qu’Agrippa fit à ce même