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«3© P E I s’attachant essentiellement à l’exactitude scrupuleuse du langage, ne sentent pas le charme de s’abandonner à ces expressions inspirées, souvent peu correctes, qui partent toujours du sentiment, ou de la chaleur de l’esprit. L’homme qui ne fait pas assez sentir la peau est de même un pédant qui ne sait pas goûter les détails charmans qui font respirer les ouvrages de l’art. Ce défaut a cependant été celui de quelques beaux génies : nous nommerons entr’autres Jean Cousin, André Mantegna, & quelquefois même, osons le dire, le sublime Michel-Ange. Quiconque voudra trouver le milieu entre cet excès & celui du Pujet, de Rubens, de Bernin & autres, peut regarder les ouvrages de Raphaël, du Guide, les statues du Laocoon, du gladiateur, du rémouleur, la Vénus agenouillée, l’hermaphrodite & beaucoup d’autres, sans parler de plusieurs ouvrages distinguées de peintres, dessinateurs & sculpteurs modernes.

Sur l’emploi du mot peau, il faut distinguer l’art du coloris de celui du dessin, parce qu’il ne s’applique guères qu’à cette derniere partie de l’art de peindre. On se sert du mot chair en parlant de ce qui regarde le pinceau ou le coloris, & on dit : les chairs de Rubens sont fraîches & vives, celles du Titien sont vraies & ainsi de tous les autres cas où l’on veut exprimer l’art de rendre en peinture les chairs de la figure humaine.

Il en de même de la gravure : le mot chair y est en usage & jamais celui que nous avons traité dans cet article.

(Article de M. ROBIN).

PEINDRE & PEINTURE ; (v. & subst. f.)

Peindre, c’est imiter les objets visibles par le moyen des figures qu’on trace & des couleurs qu’on applique sur une surface.

D’après cette explication, l’action de peindre a deux buts principaux, d’où dérivent tous les auttes. L’un de rendre l’imitation sensible à la vue ; l’autre de fournir à l’esprit l’occasion de juger à quel dégré de perfection atteint cette imitation.

Peindre signifie donc en général imiter avec des couleurs.

Peindre signifie aussi l’action même qui opère l’imitation.

Cette action suppose les couleurs, les mouvemens de celui qui les employe, les ustensiles avec lesquels il les met en œuvre & la nature des procédés dont il se sert.

On dit : Cet homme fait profession de peindre ; cet artiste peint avec facilité, & enfin, il peint ou à l’huile, ou à fresque, ou en détrempe, ou en émail, &c.

Une partie des explications que je donne ici convient également au mot Peinture : c’est


pourquoi je réunis ces deux termes & je dois placer par ces mêmes raisons à la suite de ce mot, toutes les manieres de peindre, ou toutes les sortes de peinture que je pourrai recueillir.

Avant ces détails, je dois encore m’arrêter un instant sur l’action de celui qui applique la couleur.

Cette action, ou maniement de la couleur, à l’aide des ustensiles qui y sont propres, a dû varier & se perfectionner en même tems que s’est perfectionné l’art.

Il ne paroît pas que jamais, même dans les plus grossiers usages qu’on ait fait des couleurs, la main seule ait pu suffire à placer & à mêler ou unir ces couleurs. On a donc été obligé naturellement d’employer des moyens qui d’une part fussent susceptibles de se charger de la couleur qu’on vouloit transporter & appliquer sur une surface destinée à être peinte, & de l’autre qui fussent faciles à mettre en usage. Le but qu’on a dû avoir dans le perfectionnement de ce procédé, étoit de concilier le plus parfaitement possible, ces deux convenances.

Nous savons que les anciens se sont servis d’éponges ; mais si l’éponge étoit en effet très-propre à se charger de la couleur, en la supportant liquide ; si l’éponge ajustée à une sorte de manche, pouvoit se prêter aux mouvemens de la main qui en faisoit usage ; d’un autre côté, la nature & sur-tout la forme de l’éponge ne pouvoit pas contribuer aussi facilement à former avec exactitude & légereté les traits dont il est indispensable de se servir pour désigner certaines formes, figures & détails des objets qu’on imite en peignant.

On peut dire que nous n’avons peut-être pas une connoissance assez exacte de la manière donc les anciens artistes préparoient & mettoient en usage pour l’action de peindre, l’éponge qu’ils employoient ; mais il est à présumer que l’usage du pinceau, qui a été substitué à l’éponge, devoit remplir mieux l’intention des peintres. En effet le pinceau & la brosse, qui sont un assemblage de poils, peuvent, par leur disposition, se rapprocher & s’unir plus ou moins à leur extrémité : le pinceau surtout est susceptible de former une pointe qui rapproche ce moyen de ceux qu’on a sans doute employés de tout tems pour tracer les figures, les caractères & pour désigner les détails les plus fins de certains contours ou des formes de certaines parties. Les différens moyens qu’on a employés pour parvenir à cette finesse de détail, ont toujours dû être une peinte ; soit celle d’une plume, d’un roseau, d’un stilet, d’un poinçon, & enfin d’un pinceau.

Mais le pinceau, favorable aux détails, devoit paroître dans d’autres opérations de