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P A Y considérable,

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il y manque un grand nombre d’observations techniques, nécessaires aux jeunes Artistes qui se destinent à la peinture du paysage : nous nous croyons donc obligés d’y joindre un assez long supplément.

De Piles, amateur éclairé, & ami de Dufresnoy, ce législateur des peintres, unissoit à l’amour de la peinture la pratique de cet art. On ne niera pas cependant qu’il ne se trouve, dans ses ouvrages, des opinions que les artistes ne conviendroient pas généralement d’adopter ; mais s’il est sur-tout quelques parties bien traitées dans son cours de peinture, l’article du paysage tient entre elles le premier rang, & nous croyons très-utile d’en donner ici un extrait étendu. On ne nous reprochera pas, sans doute, de nous trop arrêter sur un genre, qui, considéré dans toute sa richesse, est le premier après celui de l’histoire.

C’est de Piles qui va parler, mais un peu plus briévement que dans son livre.

Si la peinture dit-il, est une espèce de création, c’est le paysagiste surtout qui jouit d’une puissance qu’on peut nommer créatrice, puisqu’il peut faire entrer, dans ses tableaux, toutes les productions de l’art & de la nature : tout lui appartient : la solitude & l’horreur des rochers, la fraîcheur des forêts, les fleurs & la verdure des prairies, la lympidité, le cours rapide & écumeux & la marche tranquille & majestueuse des eaux, la vaste étendue des plaines, la distance vaporeuse des lointains, la variété dis arbres, la bizarrerie des nuages, l’inconstance de leur formes, l’intensité de leurs couleurs, tous les effets que peut éprouver à toutes les heures la lumiére du soleil, tantôt libre, tantôt enchaînée en partie par les nuages, ou arrêtée par les barrières que lui opposent des arbres, des montagnes, des fabriques majestueuses, des cabanes couvertes de chaume. Tout ce qui respire demande au paysagiste la gloire d’animer ses tableaux.

Deux styles dissérens peuvent former la division de ce genre ; l’un est le style héroïque (ou idéal) l’autre le style champêtre.

Tout est grand dans le style héroïque : les files sont pittoresques & romanesques ; les fabriques sont imposantes & majestueuses. Les fabriques sont des temples, des pyramides, des obelisques, d’antiques sépultures, de riches fontaines : les accessoires sont des statues, des autels ; la nature offre des roches brisées, des cascades, des cataractes, des arbres qui menacent les nues. Elle n’est point telle qu’elle se montre familièrement à no, regards ; elle a réuni pour se manifester à l’artiste dans ses songes sublimes des parures qui lui ap-


partiennent ; mais qu’elle a coutume de séparer.

Dans le style champêtre, elle se communique sans ornement & sans fard : quelquefois cependant elle réunit encore plusieurs beautés qu’elle dévoile rarement ensemble, & permet à l’artiste de lui prêter quelques parures simples, mais idéales, c’est-à-dire de rassembler dans son ouvrage des beautés qu’il n’a pas vu réunies. Il peut même emprunter quelques ornemens au genre héroïque, & joindre aux richesses les plus simples de la campagne des monceaux de ruines qui rendront plus touchans les charmes de la vie champêtre. S’il copie simplement la nature, son ouvrage ne sera plus que cette sorte de portrait qu’on appelle des vues. C’est alors qu’il doit surtout remplacer par les richesses du coloris celles qui manquent à l’aspect dont il fait une représentation naïve ; c’est alors qu’il doit relever le peu d’intérêt de sa composition, ou, si l’on veut, de sa copie, par des effets piquants, extraordinaires, & en même temps vraisemblables : s’il ne se permet de rien introduire d’idéal sur la terre, qu’il emprunte au moins quelque chose d’idéal à le lumière du ciel.

Le choix du site est ce qui doit occuper d’abord un peintre de paysages, comme le plan d’un édifice doit occuper d’abord l’architecte. Ce mot site, adopté dans la langue des arts, vient de l’Italien sito : il signifie la situation, l’assiette d’une contrée. Il est aisé de sentir que de cette premiere assiette plus ou moins favorable à l’art, doit dépendre, en grande patrie, le succès du tableau. Les sites doivent être bien liés & bien débrouillés par leurs formes ; ensorte que le spectateur puisse juger facilement qu’il n’y a rien qui empêche la jonction d’un terrein à un autre, quoiqu’il n’en voye qu’une partie.

Les sites les plus variés sont en même temps les plus heureux : mais si le peintre est obligé d’adopter un site plat & uniforme, il lui reste la ressource de le rendre agréable par la disposition d’un bon clair-obscur, & la richesse d’une belle couleur. Il doit s’attendre à trouver le spectateur d’autant plus difficile sur ces parties de l’art, qu’il trouvera moins d’objets attrayans dans la composition.

L’un des moyens les plus puissans de faire valoir un site, de le varier, de le multiplier en quelque sorte sans changer sa forme, c’est d’y répandre d’heureux accidens.

On appelle accident en peinture l’interception qui le fait de la lumière du soleil par quelque nuage, ou par quelqu’autre obstacle que le peintre suppose. Les accidens