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Pour nous restreindre ici au seul genre du paysage qui est l’objet de cet article, il ne s’est trouvé dans les environs de notre capitale où les arts semblent fixés, ni le ciel souvent serein & presque toujours chaud du midi, ni cette nature grandiose, dent abonde l’Italie, ni ces fabriques imposantes, ni ces ruines majestueuses qui y arrêtent si souvent les regards & qui rappellent à l’esprit Rome ancienne & par elle la Gréce immortelle.

Il ne s’est pas rencontré non plus que les habitans de nos états, longtemps troublés par les guerres, disposés par caractère à changer de goûts & de lieux, fussent sensibles aux charmes de la nature champêtre. Il n’est donc pas étonnant que nos paysagistes ayent suivi peu exactement les routes des paysagistes Hollandois, ou celles des artistes Italiens.

Ils ont dû peindre le plus souvent de pratique, ou d’après des idées suggérées, & tomber par là dans la manière la plus pernicieuse à tous les arts, je veux dire, l’imitation des imitations.

On ne doit pas cependant douter que je n’admette des exceptions. Il en est qui le présenteront aux défenseurs des arts patriotiques, au nombre desquels je fais profession de me ranger.

Mais gardons-nous de nous autoriser des noms imposans des Lorrains & des Poussins ; car on nous observeroit que, naturalisés, pour ainsi dire, dans l’heureuse Italie, qu’ils affectionnoient & où ils ont passé une grande partie de leur vie, ils ont profité de tous les avantages & de toutes les inspirations de leur partie adoptive.

On peut donc, je crois, penser que la plus grande partie de nos peintres paysagistes ont jusqu’ici traité leur genre trop idéalement, ou qu’ils ont copié la nature, d’une manière trop servile, d’après des imitations étrangères.

Ce n’est cependant pas que la France ne puisse offrir aux artistes des sites intéressans, variés, quelquefois majestueux, plus ordinairement agréables & rians. Notre climat, dans certaines parties, a des ressemblances avec l’Italie, à laquelle il confine au midi ; il en offre le ciel & les productions. D’autres provinces partagent quelques-uns des avantages de la Hollande. Nos montagnes, nos fleuves, nos pays de bocages, nos fécondes vallées, sont des modèles heureux d’une nature qui nous appartient ; mais nos artistes, si actifs par caractère, sont paresseux, lorsque pour tirer parti de ces richesses, il faut se priver des joissances de la capitale ; car ressemblant en cela à nos possesseurs de biens de campagne, ils n’ont pas d’attrait réel pour les beautés & les mœurs champêtres. Le penchant invincible pour la socialité & l’appât des dissipations les


enchainent aux séjours où ces gouts sont plus complettement satisfaits.

Nos paysagistes enfin, trop choqués du défaut qu’on reproche quelquefois aux peintres de figures, ne voyent pas d’assez près les modèles.

On pourroit penser qu’au moins nos paysagistes pourroient trouver quelques secours dans les descriptions des poëtes & des romanciers ; mais les mêmes causes qui se sont opposées aux grands succès de nos peintres de paysage ont influé sur les tableaux poëtiques & sur les descriptions de nos auteurs. Aussi la plupart de ceux qui ont écrit dans le genre pastoral, ne consultant que leur imagination, ont décrit une nature trop idéale pour guider nos artistes à la vérité. En effet ceux de nos articles qui ont parcouru avec d’Urfé les rives du Lignon, les bocages de l’Astrée, n’en rapportent guere que les images d’une nature manièrée.

O Gessner !. O mon ami ! C’est près de vous, c’est sur les bords des eaux lympides & ombragées de ce beau lac où vous avez guidé nos pas, qu’il faut étudier avec vous l’originalité piquante, simple & touchante des beautés de la nature. C’est là qu’on apperçoit encore une idée des mœurs qu’on desireroit avoir ; c’est là qu’on trouve les sites qu’on voudroit habiter. Vous auriez imaginé & créé ces trésors, si les Théocrite, les Virgile, les Ovide ne vous avoient pas devancés. Les Muses vous ont fait naître peintre & poëte, aussi vos ouvrages embellis des doubles charmes que vous y répandez, sont des Idylles pittoresques & vos paysages des Idylles poëtiques. Enfin, par un avantage qui vous distingue, vous charmez les sens & vous consolez de leurs peines & de leurs maux ceux qui s’occupent de vos ouvrages. Je me borne dans ces explications déjà assez étendues, aux trois divisions que j’ai tracées. Quant aux conseils par lesquels j’ai hazardé de terminer quelques articles de cet ouvrage, il me semble que si je les adressois à ceux des véritables amateurs qui s’occupent de la pratique de l’art pour en mieux connoître la théorie, je serois peut-être assez heureux pour faciliter les études pour lesquelles les loisirs sont souvent trop rares & trop courts.

Mais les bornes que je dois me prescrire m’arrêtent, & quant aux éléves, destinés à s’occuper absolument de la peinture, les études de la figure, par lesquelles ils commencent tous, leur donnent les principes dont ils ont besoin pour le paysage, & lorsqu’ils se sont initiés dans les grands mystères de l’histoire, ceux des imitations de chaque genre leur deviennent aisément familiers. (Article de M. Watelet.)

ADDITIONS à l’article PAYSAGE . Quoique l’article précédent soit d’une étendue assez considérable,