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P A Y Mais la satisfaction la plus complette, (mais fort différente de ce qu’éprouve un homme bien épris) est celle qu’il goûte lorsqu’éloigné du modèle, il est frappé dans le portrait qu’il vient de faire, d’une vérité de nature & de certaines beautés dont il n’auroit jamais eu l’idée, s’il ne les tenoit pas de la premiere main.

Voilà l’image des plaisirs que procurent par eux-mêmes & pour eux seules les arts & la pratique des talens. Eh ! si ces satisfactions sans remords, qui font oublier les maux & les peines, qui font couler le tems avec des mouvemens de rapidité si agréables, étoient plus connues, combien diminueroit le nombre des oisifs, victimes de l’ennui, qui s’efforcent de le fuit & le portent par-tout avec eux !

Les vues intéressent donc l’artiste imitateur par leur ressemblance, ainsi que les possesseurs des aspects imités ; mais elles peuvent intéresser quelquefois bien plus vivement encore ceux à qui ces aspects reppelleroient des souvenirs chéris.

Je laisse en juger ceux qui se représenteront Volmar, fixant ses yeux bientôt mouillés de pleurs sur une vue fidele des Chalets solitaires ou de l’Elysée de Julie.

Cette indication suffirira certainement à ceux qui reunissent la sensibilité au goût des arts, & je passe aux impressions qu’occasionnent les vues par cette vérité qu’on appelle, en langage de l’art, sentiment de nature.

Cette sorte d’impression vient des droits de la vérité, dont l’ascendant est si absolu que, par instinct même, nous lui rendons hommage.

Ce que j’observe a tellement lieu dans la peinture, que souvent l’artiste ignore en quelque façon lui-même des beautés qui font le charme de son ouvrage & que les admirateurs de l’ouvrage en éprouvent l’attrait, sans démêler exactement la cause de leur plaisir.

Quant aux impressions que causent, ou la singularité, ou les accidens de la nature, elles ont lieu, parce que l’homme trouve de plaisir à être remué, & que les objets peu ordinaires produisent en lui cet effet.

Au reste, cet effet est relatif à son caractère & souvent même à la situation momentanée de son ame.

Ainsi des accidens bizarres de rochers, de torrens de précipices arrêtent généralement les regards sur les imitations fidèles qu’on en fait ; mais la représentation d’une solitude d’une caverne, d’une sombre forêt, fixera particuliérement le mélancolique, tandis que l’homme en souriant à son bonheur se plaira à contempler la vue d’un bocage ou d’un vallon émaillé de fleurs.

Ces différentes images me conduisent natu-


rellement à passer au genre de paysages que j’ai nommés Vues composés ou paysages mixtes.

Des paysages mixtes.

Dans ce genre combiné, le paysagiste, comme je l’ai dit, prend pour base quelque site conforme à son intention, mais il se permet dans les dispositions, dans les accidens ou dans les effets, des changemens que son imagination lui présente comme plus favorables à son art.

C’est dans ces sortes de paysages que se sont distingués les Artistes nombreux & célébres qu’a produit la Hollande.

Potter, Vanden-Velde, Ruysdael, Berghem, Herman & tant d’autres, ont souvent peint, en les embellissant & en se permettant d’être plus ou moins fidéles, des aspects connus.

Plusieurs d’entreux se sont quelquefois restreints au portrait exact de quelques lieu, comme Van-Goyen, Vanden-Velde ; quelquefois encore, ils ont presqu’entiérement créé leurs paysages, comme Polembourg, Wouwermans, & dans ce cas, ils ont droit de pendre place dans la classe despaysagistes inventeurs ; mais en général la nature du pays que ces peintres out habité, est tellement empreinte dans leurs ouvrages ; les études qu’ils faisoient continuellement, comme on le voit par le nombre de leurs dessins y répandoient une telle vérité que presque tout ce qu’on appelle l’Ecole Hollandoise établit l’idée que je viens de donner des paysages mixtes.

Aussi la nature semble-t-elle avoir eu dessein de les fixer à ce genre, en leur prodiguant des beautés qui lui sont infiniment favorables & en leur donnant à eux-mêmes comme habitans d’un pays froid & tranquille, un caractere national, propre au talent qu’ils ont exercé. Par-tout en effet se présentent en Hollande, aux regards des Artistes, de belles prairies, des canaux sans nombre, des troupeaux jouissans d’une abondance qui les embellit, des habitations villageoises dont les entours & l’intérieur, quoique rustiques, offrent une propreté peu commune & éloigne l’image de la pauvreté malheureuse ; les marchées, les fêtes, les noces, les foires ou kermesses, imitations souvent composées, font cependant reconnoître, comme si on les avoient déjà vus, des pays où l’on n’a point été. Enfin ce pays favorable aux paysagistes de ce genre leur offroit des rendés-vous de buveurs, des tabagies où se présentoient souvent à leurs regards les effets des passions naturelles, avec une énergie grossiére à la vérité, souvent même basse, mais que les Artiste, attachés